En Tunisie, 3 000 manifestants contre le « coup d’Etat » de Kaïs Saïed

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Plus de 3 000 manifestants se sont rassemblés dimanche 14 novembre à proximité du Parlement tunisien, gelé depuis plus de trois mois, pour protester à nouveau contre la décision du président Kaïs Saïed de s’arroger les pleins pouvoirs, dénonçant un « coup d’Etat ».

3 000 manifestants en Tunisie contre le « coup d’Etat » de Kaïs Saïed

Après des mois de blocage politique et au milieu d’une grave crise socio-économique et sanitaire, Kaïs Saïed a invoqué le 25 juillet un « péril imminent » pour limoger le Premier ministre, suspendre les activités du Parlement et reprendre en main le pouvoir judiciaire.

« Le projet de Kaïs est la guerre civile », « Le peuple veut [en référence au slogan de la campagne présidentielle de Kaïs Saïed, NDLR] ce que vous ne voulez pas… », ou encore « Pas de dignité sans liberté », ont martelé les manifestants, qui étaient plus de 3 000 selon des journalistes de l’AFP sur place.

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Un impressionnant dispositif policier bloquait tous les accès au Parlement, situé non loin du Bardo, près de Tunis, a constaté un journaliste de l’AFP.

« Aujourd’hui, nous avons une initiative politique, nous avons un modèle pour vaincre cette crise. Ce modèle est basé sur le droit des Tunisiennes et des Tunisiens au vote dans le cadre d’élections présidentielle et législatives anticipées », a déclaré à l’AFP Jawhar Ben Mbarek, un spécialiste en droit constitutionnel et figure de la gauche tunisienne.

« Non au règne individuel ! »

Abondant dans le même sens, Saïd Jendoubi, membre de l’organisation Des citoyens contre le coup d’Etat, a souligné être présent à cette manifestation car, dix ans après la révolution tunisienne, « on vit un véritable coup d’Etat militaire et policier ! C’est l’Etat policier qui revient ! ».

Plusieurs internautes ont partagé sur les réseaux sociaux des images de véhicules bloqués par la police pour les empêcher de rejoindre les environs du Bardo.

Dénonçant une nouvelle fois le « coup d’Etat » du président, les manifestants avaient écrit sur leurs pancartes : « Les actions de Kaïs Saïed ont abouti à la faillite » de la Tunisie.

« Nous sommes aujourd’hui venus pour dire d’une façon pacifique au président de la République : non à la dictature ! Non au règne individuel ! », a déclaré à l’AFP Aida Mouhamed, une manifestante.

Kaïs Saïed va-t-il imposer un nouveau régime autoritaire en Tunisie ?

Drapeau tunisien à la main, les protestataires, rassemblés à moins d’un kilomètre du Parlement, criaient aussi leur opposition aux poursuites lancées par des tribunaux militaires à l’encontre de civils.

« Pas de jugement militaire, la Tunisie est un Etat civil », scandaient-ils.

Critiques d’Amnesty International

Mercredi, l’ONG Amnesty International a dénoncé le nombre « croissant de civils [qui font] face à des poursuites devant des tribunaux militaires », soulignant qu’en seulement trois mois, « la justice militaire a lancé des enquêtes ou jugé au moins 10 civils ».

Le 22 septembre, le président Saïed a promulgué un décret officialisant la suspension de plusieurs chapitres de la Constitution et instaurant des « mesures exceptionnelles », censées être provisoires, le temps de mener des « réformes politiques », dont des amendements à la Constitution de 2014.

En attendant, il a maintenu le gel du Parlement – ainsi que les salaires et tous les avantages dont bénéficient les députés –, légifère lui-même par décrets et préside le conseil des ministres.

Dérives autoritaires et hésitations

Le 29 septembre, Kais Saied a nommé la scientifique Najla Bouden comme Premier ministre et le gouvernement a été formé le 11 octobre.

Il a indiqué, à plusieurs reprises, vouloir garantir les droits et libertés des citoyens, dont celle de manifester, insistant aussi sur le caractère provisoire des mesures adoptées.

Mais des organisations non gouvernementales ont critiqué un « accaparement du pouvoir » et dit craindre pour les droits et libertés publiques. Et face au marasme économique – avec une inflation à 6 % et un taux de chômage de 18 % –, la population, qui avait majoritairement soutenu le coup de force de Kaïs Saïed, commence à s’impatienter.

Selon Youssef Chérif, de l’institut de recherche Columbia Global Centers pour l’Afrique du Nord, les « plans » de Kaïs Saïed pour l’après-25 juillet n’étaient « pas très structurés ».

« La tendance, c’est d’aller vers un régime plus présidentiel, mais on ne sait pas si ce sera dans un cadre démocratique ou pas », disait récemment Youssef Chérif à l’AFP.

« Il y a des signaux allant dans les deux directions : avec des dérives autoritaires mais aussi des hésitations », a dit l’expert, citant le cas du député Yassine Ayari – d’abord poursuivi devant un tribunal militaire qui s’est ensuite déclaré incompétent.

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