L’éducation aux médias est une démarche formative qui vise à apprendre au citoyen à « être un spectateur actif, un explorateur autonome et un acteur de la communication médiatique »[réf. nécessaire].


Cette démarche l’invite également à « utiliser l’image audiovisuelle comme une technologie de l’intelligence »1.

Concept et mise en œuvre


En Belgique

C’est en 1995, que le Gouvernement de la Communauté française de Belgique met en place un dispositif à destination du monde scolaire comprenant:

  • un Conseil de l’éducation aux médias, devenu en 2010 Conseil supérieur de l’éducation aux médias (CSEM2) qui rassemble des représentants du monde de l’éducation et des médias.
  • Trois centres de ressources qui œuvrent chacun dans le réseau d’enseignement pour lequel ils ont été désignés et collaborent à aux projets qui trouvent place dans la synergie établie en inter-réseaux, notamment en ce qui concerne l’organisation des formations des enseignants en cours de carrière.

Le CSEM a pour mission de donner des avis au Gouvernement sur toute question relative à l’éducation aux médias, et en particulier sur :

  • les priorités en matière d’éducation aux médias ;
  • l’intégration de l’éducation aux médias dans les programmes d’enseignement. Son rôle est de stimuler, notamment par le biais des centres de ressources, des actions, des recherches, des expériences pédagogiques, susceptibles de promouvoir et d’évaluer l’éducation aux médias et de favoriser la coopération entre les centres de ressources, les centres de distribution, les médias et les associations concernées par l’éducation aux médias ;
  • l’intégration de l’éducation aux médias dans le monde extra-scolaire.

Pour énoncer la place de l’éducation aux Médias dans l’enseignement, un rapport de synthèse intitulé L’éducation à l’audiovisuel et aux médias (1996) précise trois finalités :

  • le développement de la personne,
  • la construction du savoir,
  • et la citoyenneté responsable.

En cela, les objectifs de l’éducation aux médias vont à la rencontre des objectifs généraux de l’enseignement, tels que formulés par le Conseil de l’Éducation et de la Formation (CEF).

Le choix a été fait d’inscrire l’éducation aux médias dans la liste des compétences transversales à atteindre tout au long de la scolarité et non de la placer dans la grille des disciplines spécifiques qui seraient à la charge de maîtres spéciaux, mais réservés dès lors aux seuls étudiants qui en feraient le choix. L’idée est bien que, quatrième langue nationale en Belgique, l’éducation aux médias soit pratiquée par le plus grand nombre.

Au sein du paysage européen


Juridiquement, les modalités d’intégration de l’éducation aux médias dans les programmes scolaires sont de la responsabilité première des États membres. De même, le rôle joué par les autorités locales est très important, car elles sont proches de la population et soutiennent des initiatives dans le secteur de l’enseignement non institutionnel. Cependant, la société civile doit aussi contribuer activement à promouvoir l’éducation aux médias dans une approche ascendante, y compris avec l’industrie, et ce malgré de sérieuses résistances3.

D’abord, les activités développées par les autorités gouvernementales et institutionnelles visent à promouvoir l’éducation aux médias via des subventions, le soutien, les décisions, le contrôle ou la vigilance. Le gouvernement peut décider des activités politiques concernant la famille, la participation civile, l’enseignement ou la formation. Aujourd’hui, presque tous les pays européens ont une certaine forme d’autorité chargée de superviser la mise en œuvre de la législation sur la radiodiffusion ou de télécommunication.

Ainsi, en France, le Centre de Ressources d’études des Médias offre aux enseignants, aux élèves du milieu de l’éducation et au grand public, des outils permettant, en milieu scolaire ou dans la vie quotidienne, d’exploiter de manière critique tous les genres de productions diffusées par les médias. Il offre des moyens pour enrichir ses apprentissages et ses expériences personnelles, mais aussi des moyens permettant de s’assurer de la diversité et de la qualité des programmes. L’expression « Moi, je sais lire entre les lignes » signifie pouvoir interpréter les écrits, les images, les sons médiatisés, ce qui est favorable à la bonne compréhension des projets artistiques dans les médias.

Le CLEMI, chargé de l’éducation aux médias dans l’ensemble du système éducatif français depuis 1983, a pour mission d’apprendre aux élèves une pratique citoyenne des médias. Cet objectif s’appuie sur des partenariats dynamiques entre enseignants et professionnels de l’information.

Dans le champ de l’éducation populaire, l’association APTE, créée en 1986 et qui a pris le nom de MEDIAPTE en 2013, propose des outils et des dispositifs pédagogiques originaux pour développer une éducation aux médias pour tous. Dans le cursus irlandais, l’éducation aux médias est même incluse dans l’éducation sociale, personnelle et sanitaire (SPHE). En complément, la société civile joue un rôle pivot, car des acteurs privés proposent des initiatives concrètes.

Par exemple, au Royaume-Uni, le site Web Kidsmart apprend aux jeunes à utiliser les sites de réseautage social en toute sécurité, et le site MediaEd propose des outils pédagogiques à destination des enseignants. Enfin, certaines activités public-privé favorisant les liens entre le film et l’éducation sont associées à des festivals, des foires, des ateliers, des séminaires ou des activités dans les centres d’éducation. Malgré le réseau existant de coopération, des soutiens financiers pour des réunions ou des projets de recherche organisés par les réseaux existants aideraient à s’adapter au changement. Ceci suppose un cadre commun avec un objectif stratégique global, éventuellement définis lors de dialogues et de coopérations entre les différents acteurs concernant la réglementation, l’autorégulation et la co-régulation dans le secteur des médias. Malheureusement, l’inertie institutionnelle et la routine conduisent souvent à ralentir le développement de l’innovation et de la créativité que les politiques d’éducation aux médias favorisent pourtant.

Enfin, la coparticipation de l’industrie, du système d’éducation et d’autres acteurs dans le développement des activités d’apprentissage pourrait être encouragée via des mécanismes de soutien européen à la production. La télévision publique en particulier tend à lancer des initiatives liées aux programmes de télévision, l’analyse de la publicité ou le contenu des programmes de télévision. Par ailleurs, des accords ont été conclus entre les autorités éducatives et les éditeurs de presse. Des liens peuvent aussi être promus entre l’industrie et la recherche sur l’éducation aux médias. Par exemple, la BBC propose au grand public de nombreuses ressources en ligne pour s’impliquer dans l’éducation aux médias et sur la production médiatique. De même, Décrypt’ACTU, dédié au décryptage des médias et de l’actualité et destiné à la communauté éducative, poursuit un double objectif : fournir aux enseignants, documentalistes et élèves des ressources multimédias brutes, et permettre d’appréhender avec les élèves la manière dont les médias traitent un sujet d’actualité, qui traite de l’art notamment.

L’industrie des médias serait aussi largement favorable à une politique efficace sur cette question, car cela peut augmenter la demande de consommation des TIC ou du commerce électronique et des outils de communication. Cela stimulerait la demande de qualité via le renforcement de la concurrence. Par ailleurs la promotion de l’éducation aux médias permettrait d’améliorer les cycles de mise en œuvre et l’extension des processus d’innovation. En effet, elle représente une possibilité de mieux tirer parti des opportunités dans l’amélioration et l’accélération de la fin du cycle d’investissement, la recherche-développement et de l’amortissement.

Un certain protectionnisme idéologique nuit au modèle actuel émergent de coresponsabilité, ce qui explique l’absence de traduction en actions concrètes. La possibilité du développement d’une citoyenneté active affectant l’économie et vice-versa n’est pas encore bien comprise. S’opposent une orientation technique quant à l’alphabétisation numérique et une vision humaniste ou culturelle quant à l’éducation aux médias. Ceci est principalement dû à un manque de communication entre les systèmes éducatifs et le monde du travail, ainsi qu’à un manque de considération en termes d’employabilité ou d’amélioration de la production. La dispersion et le manque de coordination entre les intervenants mènent à l’échec de la coopération et l’échange d’informations entre les différents acteurs. De plus, les initiatives nationales, régionales et locales ne parviennent pas à garantir une bonne visibilité européenne des médias. Il existe un réseau de coopération, mais qui nécessite un soutien financier pour des réunions ou des projets de recherche.

L’éducation aux médias doit donc être associée à l’acquisition de compétences de production créative pour les citoyens et les enseignants dans les programmes scolaires officiels. La création de supports pédagogiques à une échelle européenne permettrait de renforcer la diversité et les activités des communautés locales.

La coparticipation de l’industrie, le système d’éducation et d’autres acteurs dans le développement des activités de formation continue pourrait être encouragée par des mécanismes de soutien européen pour la production, l’attribution et la promotion des productions. Les initiatives d’éducation aux médias, la valorisation du patrimoine audiovisuel et des médias de l’Europe devraient être coordonnées via des programmes et matériels favorisant la diversité culturelle et la défense de l’identité. Enfin, l’éducation aux médias doit rechercher l’équité en matière d’innovations technologiques et culturels afin de garantir une meilleure utilisation tout en contribuant à la croissance économique. De nouveaux usages et la création d’un marché complémentaire accessible aux enseignants et aux étudiants pourraient être réalisés en collaboration avec des associations de spectateurs.

Divers facteurs doivent donc être améliorés, en premier lieu un cadre partagé de travail commun comprenant des objectifs stratégiques, des concepts, des méthodes, des ressources, et des résultats d’évaluation. En effet, souvent la dispersion et le manque de coordination entre les intervenants conduit à l’échec de la coopération et l’échange d’informations entre les différents acteurs. Ceci nuit à la création d’un consensus de travail européen. Les normes de qualité européennes – impliquant les industries des médias, les professionnels, les citoyens et les autorités des services de communication – pourraient remédier à ce problème, car le dialogue et la coopération entre les différents acteurs seraient renforcés en ce qui concerne la régulation des médias, l’autorégulation et la co-régulation comme moyen de promouvoir l’éducation aux médias. L’éducation aux médias devrait être associée à l’acquisition des compétences de production créative pour les citoyens et les enseignants.

En Autriche, un département spécialisé dans l’éducation aux médias, les médias et les services éducatifs des médias au sein du ministère de l’Éducation, la Science et l’Art, apporte des conseils, un soutien matériel, et des informations sur l’éducation aux médias. La création de supports pédagogiques sur une échelle européenne devrait être encouragée afin de renforcer la diversité et les activités des communautés locales. Ceci permettrait d’encourager la citoyenneté.

En Russie, l’éducation aux médias et les médias et les services éducatifs des médias existe comme une formation supplémentaire et facultatif dans les écoles et les institutions culturelles (leader éducateurs de médias : Alexander Fedorov, Alexander Sharikov, Irina Chelyseva, Irina Fateeva, Oleg Baranov).

Référents


Progressivement, les acteurs de l’éducation aux médias ont établi leurs référents et produit leurs outils. Parmi ceux-ci, il y a lieu de noter la place spécifiques des six thématiques ou facettes de l’éducation aux médias, véritable grille de systématisation dans l’approche d’une question médiatique. Celle-ci trouve son inspiration dans la grille d’analyse établie par Cary Bazalgette4 et ses collègues dans un rapport du British Film Institute. Les six sommets de l’hexagone qui la campe constituent six angles d’approche de toute situation d’observation et d’analyse concernant un média.

  • Le langage est une structuration spécifique de la communication, quand elle se fait médiatique. La presse écrite, la radio, la télévision, internet ne parlent pas de la même façon et n’usent pas des mêmes termes langagiers. Voilà qui peut s’observer méthodiquement.
  • La technologie est un paramètre qui influence fortement la communication s’établissant entre les intervenants. Deux illustrations empiriques : le poids des mots n’est pas le choc des photos. La couleur l’emporte de loin, en termes de modernité, sur le noir et blanc… faisant croire systématiquement à certains à sa supériorité sémantique. Une approche systématique de ces aspects aide à se faire une idée plus juste de la chose.
  • Les représentations sont le cœur du message véhiculé, le fond se détachant de la forme qui, pourtant, le structure et le porte. Rappelant l’expression de Mac Luhan, l’éducation aux médias pose la question de cette simultanéité confondue entre le média et le message. Le spécialiste attirait en effet l’attention sur le fait que, très souvent, le média est le message. Alors qu’une dissociation réfléchie pourrait mettre en lumière l’un et l’autre dans leur assemblage. Mais cela demande du temps, et chez l’accompagnateur-enseignant une formation qu’il n’a pas toujours acquise dans sa formation initiale.
  • Le public est le destinataire de la communication. Quand celle-ci se fait médiatique, elle se choisit particulièrement finement la technologie pour faire mouche et les formes de langage que cette dernière permet pour créer les affects. Lire un document de façon critique, c’est aussi se demander pour qui il a été écrit. C’est un questionnement de niveau deux qui n’est pas inné, mais qui s’apprend.
  • Le producteur est l’émetteur du message. Sans lui, pas de communication. Mais l’identification de celui qui s’exprime requiert aussi parfois de se demander qui le fait parler, qui le met en projet, qui le paie -parfois même- pour s’exécuter. La question « À qui profite le crime ? » connaît ici sa déclinaison propre : « À qui le message émis apporte-t-il son bénéfice ? ». En d’autres mots :« Pour qui parle le locuteur, quand il s’adresse à son public-cible ? » Et il n’y a pas que la publicité qui offre cette occasion d’analyse, même si elle est un genre particulièrement prisé pour ce faire.
  • La typologie. Parmi toutes les expressions médiatiques, la situation analysée est un cas de figure. Elle a été choisie par quelqu’un qui avait un message à faire entendre… Il aurait pu le décliner par d’autres voies. Il aurait pu utiliser des variantes dans le genre médiatique pour lequel il a opté. Ainsi, comment décrire le choix qui a été fait de s’exprimer, par exemple dans la presse écrite plutôt que sur Internet, en radio ou en télé. Comment apprécier qu’en presse écrite, le choix se soit porté sur de la presse féminine, par exemple, plutôt que de la presse gratuite, toute-boîte, grand public… ce qui est un genre différent. Voilà bien une question qui montre qu’une pluralité de communication était possible et que celle qui a été retenue (à tort ou à raison) a SON explication, SA motivation… à d’autres possibles.

Les six thématiques constituant des angles d’approche et d’analyse d’une situation médiatique, elles ne sont toutefois pas des passages obligés pour toute activité d’éducation aux médias. En effet, les enseignants construisent la plupart du temps leur scénario d’éducation aux médias, au détour d’activités pédagogiques recourant à l’éducation PAR les médias quand, se servant de supports médiatiques, ils illustrent de la sorte les contenus que leurs programmes disciplinaires les invitent à évoquer. C’est donc dans le cumul de ces deux préoccupations que l’éducation aux médias trouve à s’exploiter, autant que faire se peut.

Méthodologie


Deux voies d’excellence autorisent de nombreuses pistes :

  • L’apprentissage d’une lecture critique de supports médiatiques existants

C’est dans cette optique qu’une opération comme Ouvrir mon quotidien5, par exemple, permet une approche de la presse écrite dans les classes de l’enseignement obligatoire, primaire et secondaire.

  • La construction de supports médiatiques

C’est quand on passe derrière le micro ou la caméra que l’on expérimente les choix qui s’imposent aux journalistes, aux caméramans ou aux réalisateurs. Fort de cette expérience concrète, on ne regarde plus la télé, on n’écoute plus la radio ou on ne lit plus le journal comme avant.

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