C’est l’alerte rouge. La biodiversité mondiale en danger… La nature souffre comme jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité : voilà l’enseignement d’un rapport alarmant sur la biodiversité, d’une ampleur inédite jusque-là, publié lundi par un groupe d’experts internationaux.

Jusqu’à un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction, dont une grande partie dans les décennies à venir, selon cette étude de l’IPBES (plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques), qui joue un rôle de vigie scientifique équivalent à celui du Giec pour le climat.

Autrement dit, une espèce sur huit – selon les estimationS actuelles – pourrait disparaître à moyen terme si l’humanité ne réagit pas rapidement.

Le taux d’extinction actuel est des dizaines, voire des centaines ou des milliers de fois supérieur à la moyenne des 10 derniers millions d’années, relève le rapport. C’est, à plus forte raison, la plus violente crise biologique depuis l’avènement de l’homme moderne, unique responsable de ce phénomène dont il paie, lui aussi, les conséquences.

“La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier”, peut-on lire dans ce rapport élaboré par 145 experts venus de 50 pays.

“CHANGEMENTS TRANSFORMATEURS”

De nombreux chiffres viennent étayer ce constat accablant : plus de 40% des espèces d’amphibiens, près de 33% des récifs coralliens et plus d’un tiers de tous les mammifères marins sont menacés, au moins 680 espèces de vertébrés ont déjà disparu à cause de l’action de l’homme depuis le 14e siècle.

Les auteurs de l’étude relèvent cinq causes, toutes d’origine humaine : la destruction des habitats naturels, la surexploitation des ressources, le dérèglement du climat, les pollutions de toutes sortes et le développement d’espèces exotiques envahissantes.

Le document, accompagné d’une synthèse adressée aux responsables politiques du monde entier, a été adopté samedi par 132 pays au terme d’une séance plénière de l’IPBES, qui s’est tenue toute la semaine dernière, à Paris.

Ce n’est pas le premier signal d’alerte sur le sujet – les études convergent depuis longtemps – mais l’étendue de ce rapport, adossé à des milliers de travaux scientifiques antérieurs, de même que les conditions de sa rédaction, par un panel crée en 2012 sous les auspices de l’Onu, lui donnent un écho inédit jusque-là.

Maintenant que le diagnostic est posé, les experts exhortent les responsables politiques à mener d’ambitieux “changements transformateurs” à même d’enrayer le processus.

“C’est maintenant qu’il faut agir”, alerte le président du groupe d’experts, le Britannique Robert Watson, dans une interview à Reuters, pour qui l’humanité doit revoir complètement son rapport à la nature, en se focalisant moins sur le seul PIB, cesser les subventions aux secteurs les plus prédateurs et promouvoir, à l’inverse, des technologies et pratiques vertueuses.

RENDEZ-VOUS CRUCIAL EN CHINE

“L’IPBES présente aux décideurs une base scientifique fiable, les connaissances et les options stratégiques pour qu’ils les analysent”, résume la Française Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’instance, dans un communiqué.

Réunis à Metz (Moselle) dans le cadre de la présidence française du G7, les sept pays les plus industrialisés de la planète (Etats-Unis, Canada, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France et Italie), notamment, ont signé lundi une charte de la biodiversité, qui ne contient cependant aucun engagement contraignant.

“Nous sommes arrivés à montrer que, quand les scientifiques nous alertent et quand nous avons les preuves scientifiques, alors nous pouvons immédiatement (…) traduire ces résultats en politiques publiques”, a déclaré la secrétaire d’Etat française Brune Poirson.

En réalité, le rendez-vous crucial aura lieu en fin d’année prochaine à Kunming, en Chine, où se déroulera la COP 15 sur la biodiversité, d’une importance comparable, au moins sur le plan symbolique, à la COP 21 de Paris sur le climat.

En attendant, le rapport de l’IPBES donne des armes aux écologistes et aux ONG de défense de l’environnement qui, à l’image du WWF France, ont réclamé une “action décisive et ambitieuse” de la part des Etats.

“Nous devons transformer nos sociétés, sans quoi nous mettrons en danger notre existence et celle du monde naturel au sens large”, a réagi dans un communiqué Laurence Tubiana, qui fut la cheville ouvrière de la présidence française de la COP 21.

“De combien d’autres preuves les politiciens ont-ils besoin pour accélérer les efforts pour protéger notre environnement et notre avenir ?”

La France, pour sa part, se présente comme en pointe sur le sujet, près d’un an après l’adoption d’un plan de 90 mesures en faveur de la biodiversité.

Emmanuel Macron devait recevoir ce lundi une délégation de huit membres de l’IPBES, emmenée par Robert Watson.

Kafunel Avec Pascale Antonie, édité par Yves Clarisse

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