4 La politique linguistique

Le Cap-Vert a adopté une politique linguistique presque ambiguë à l’égard de ses deux langues, le portugais et le créole capverdien. D’une part, le portugais est la langue officielle; d’autre part, le créole capverdien est la langue maternelle de tous les citoyens du pays, mais il n’a pas de statut officiel. La politique linguistique capverdienne porte sur ces deux langues. 

L’article 9 de la Constitution du 23 novembre 1999, révisée en 2010, proclame que le portugais est la langue officielle tout en reconnaissant que les citoyens ont le devoir de connaître les langues officielles (« línguas oficiais ») et le droit de les utiliser. C’est en ce sens que la Constitution est ambiguë: le portugais est la langue officielle, mais il faut connaître les langues officielles:  

Artigo 9Línguas oficiais1) É língua oficial o Português.2) Estado  promove  as condições  para  a  oficialização  da   língua  materna cabo-verdiana, em paridade com a língua portuguesa.3) Todos os cidadãos nacionais têm o dever de conhecer as línguas oficiais e o direito de usá-las.Article 9Langues officielles1) Le portugais est la langue officielle.2) L’État promeut les conditions pour l’officialisation de la langue maternelle capverdienne à parité avec la langue portugaise.3) Tous les citoyens nationaux ont le devoir de connaître les langues officielles et le droit de les utiliser.

Ou bien une langue est officielle ou bien elle ne l’est pas. Le premier paragraphe aurait dû déclarer que les deux langues officielles sont le portugais et la «langue maternelle capverdienne», d’autant plus que le paragraphe 3 déclare que «tous les citoyens nationaux ont le devoir de connaître les langues officielles et le droit de les utiliser».  Quant au paragraphe 2, il parle de «l’officialisation de la langue capverdienne à parité avec la langue portugaise». Cela signifie donc qu’il y aurait deux langues officielles, mais il est probable que le texte du paragraphe 1 soit volontairement ambiguë. La co-officialité réelle signifierait que les deux langues seraient employées tant à l’oral qu’à l’écrit, dans tous les sphères de communication de l’État, telles la justice, l’administration, l’école, etc. Or, ce n’est pas le cas. Le créole est confiné à l’oral dans les situations de communication généralement informelles. 

Quoi qu’il en soit, beaucoup de Capverdiens réclament maintenant la co-officialisation du créole à parité avec le portugais. Il fallait auparavant que le créole possède un alphabet unifié. Ce fut fait en 2009 avec l’adoption du Décret-loi no 8/ 2009 instituant l’ALUPEC comme alphabet capverdien. Pourtant, la Constitution révisée de 2010 n’en a pas tenu compte. Pour parvenir à une réelle officialisation, il faudrait, par exemple, que tous les documents gouvernementaux soient disponibles en créole pour tous les Capverdiens qui désirent y accéder dans cette langue. L’administration publique devrait être capable de répondre à tout citoyen par écrit en créole. L’école devrait enseigner le créole dans tous les établissements. Évidemment, cette officialisation entraînerait des coût supplémentaires, ce qui apparaît injustifié pour beaucoup de Capverdiens.

Au Cap-Vert, le contexte social permettant d’officialiser le créole est favorable à cette politique. Mais les conditions pour la réaliser doivent être propices: les autorités doivent faire preuve de patience et de résister à la tentation de bâcler une question aussi grave, qui implique des implications multiples et complexes pour le présent et l’avenir du pays. D’une part, il faut tenir compte de la langue employée par tout le monde, d’autre part, garder les contacts avec la communauté internationale. Seul le bilinguisme peut permettre une telle approche.

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