La colonisation sexuelle à l’origine de l’homophobie actuelle en Afrique.

Colonisation sexuelle à l’origine de l’homophobie actuelle en Afrique

Dans certains pays africains, les homosexuels doivent vivre cachés pour éviter d’être poursuivis et pris pour cible.

En Europe, bien qu’elle soit protégée par la loi, la communauté LGBTQI peut encore être victime de discrimination et de ségrégation.

Mais saviez-vous que l’homophobie a des origines coloniales dans certains pays africains ?

Dans le dernier épisode de Dans La Tête Des Hommes, nous poursuivons notre conversation avec Sheba Akpokli, qui nous rejoint depuis Lomé, la capitale du Togo en Afrique de l’Ouest, et Youssef Belghamaidi, qui se trouve à Aubervilliers en France. Sheba Akpokli est une avocate togolaise et une militante des droits LGBTQI+ et Youssef Belghamaidi est une militante marocaine transgenre basée en France.

Nous allons enquêter et découvrir d’où viennent les lois qui punissent les relations entre personnes de même sexe.

LES GÓOR-JIGÉEN AU SÉNÉGAL : LA COLONISATION SEXUELLE – EPISODE 8

Arwa Barkallah :

Bonjour et bienvenue à tous. Vous écoutez « Dans la tête des hommes », votre podcast qui interroge les masculinités en Afrique. Nous sommes de retour pour la deuxième partie de l’émission de débat autour de l’homophobie au Sénégal. Nous sommes toujours en compagnie de Marame Kane, co-présidente du centre LGBTQ+ à Paris et militante d’origine sénégalaise. Mohamed Mbougar Sarr, auteur du roman « De purs hommes » nous accompagne également.

Arwa Barkallah :

Dans la première partie de ce podcast, nous abordions la question du coming-out et des difficultés de vivre sa sexualité au Sénégal, mais aussi en France.

Si vous l’avez raté, cette première partie est disponible sur toutes les plateformes de podcast et sur le site d’Euronews. Je suis Arwa Barkallah, je vis en France et j’ai couvert le Sénégal durant quelques années pour la BBC. Je vais tâcher d’éclairer les discussions à la lumière de mon expérience dans ce pays.

Dans notre documentaire, nous avions interviewé l’anthropologue Cheikh Niang de l’Université Cheikh Anta Diop à Dakar. J’aimerais qu’on l’écoute ensemble et que vous réagissiez à ses propos.

Cheikh Niang :

Je crois que quelque part, la colonisation a correspondu à un recul dans la manière de gérer la diversité sexuelle dans les cultures africaines. Des concepts très importants : comment on gère la diversité sexuelle, comment on gère le sexe lui-même, dans la discrétion ?

Dans des espaces d’éducation ? Comment on évite de poser en public certaines questions ? Comment est-ce qu’on éduque les enfants à gérer, à avoir une maturité sexuelle sans qu’ils ne soient exposés à la violence ou à l’agression sexuelle ?

Vous avez une richesse extraordinaire à ce niveau-là et là aussi, il y a une sorte d’amnésie. Il a une sorte de perte de mémoire.

Arwa Barkallah :

Qu’est ce que vous pensez de cette analyse du professeur d’anthropologie, Mohamed Mbougar Sarr ?

Mohamed Mbougar Sarr :

Oui, le professeur Cheikh Niang fait d’ailleurs partie des auteurs que j’ai beaucoup lus à l’époque où je préparais « De purs hommes ». Il fait partie des lectures préparatoires que j’avais faites et ce qu’il dit me semble tout à fait juste.

Colonisation sexuelle

C’est qu’il pointe, en réalité, quelque chose de très paradoxal et qu’il montre, le point le plus obscur de l’argumentation de toutes les personnes qui pensent que l’homosexualité ou la diversité sexuelle, toutes formes de sexualité non-hétérosexuelle, a été introduite par la colonisation.

En réalité, ce que la colonisation a introduit, c’est, au contraire, la pénalisation ou en tout cas une sorte d’attitudes de plus en plus dures à l’égard de l’homosexualité, non seulement, mais aussi de toute la diversité dont il parle, qui est aussi celle de l’éducation.

Il faut bien se rendre compte que parmi les nombreuses choses que la colonisation a détruites et que l’on se plaît à juste titre à rappeler tout le temps, il y a aussi cela. Il y a une sorte d’ouverture, il y a une sorte de pluralité. Il y a une sorte de diversité non seulement dans l’éducation à la sexualité, mais aussi dans les pratiques sexuelles.

Le professeur Cheikh Niang parle beaucoup des pratiques, c’est-à-dire qu’il les relie aussi à une catégorie sociale, à une éducation, à des transmissions.

Autant de choses, autant de chaînes qui, peu à peu, se rompent, donc, c’est être dans un contresens total de croire que l’homosexualité dans la société sénégalaise viendrait de l’Occident ; c’est insulter.

C’est en tout cas avoir la mémoire très courte. Au moment de se tourner sur ce que sa propre culture, la culture sénégalaise et coloniale, a pu apporter comme richesse, comme diversité et comme ouverture.

Je trouve que ce qu’il dit est très juste. Et il ne faut pas oublier que toutes les lois aujourd’hui qui pénalisent l’homosexualité au Sénégal sont des lois qui ont été très calquées sur le code juridique français à l’époque, et qui date précisément de l’époque de la colonisation.

Je pense que c’est pour cela que l’on pointe du doigt le professeur Cheikh Niang. En plus de pointer du doigt le fait que cela part aussi d’une éducation. La tolérance part d’une éducation, l’ouverture part d’une éducation, le fait d’être un homme, la relation qu’on a avec les autres hommes, mais aussi avec les femmes, avec les enfants, tout cela part aussi de l’éducation.

Et que cette éducation-là ne s’est peut-être pas perdue, mais s’est réduite vraiment comme peau de chagrin, au point qu’aujourd’hui, on l’a presque oubliée. Et que nous sommes dans une sorte de transmission systématique du plus petit dénominateur commun qui puisse exister.

Marame Kane :

Oui, tout à fait. Je suis totalement d’accord avec Mohamed quand il dit que l’éducation est vraiment au centre de tout. Et en fait, ce qui est assez dommage, c’est que je pense qu’on se fait beaucoup d’idées sur la sexualité, masculine comme féminine d’ailleurs, parce qu’on manque d’éducation sexuelle. Moi, comme je vous le disais, j’étais au lycée dans les années 2000. Je n’ai pas eu de cours d’éducation sexuelle. Je n’en n’avais pas du tout.

Je ne sais pas ce qu’il en est à ce jour au Sénégal, mais en tout cas, les amis de mon âge en France n’ont pas non plus eu de cours très élaborés sur la sexualité. Et c’est beaucoup plus large que ça.

On parle toujours de sexualité, mais c’est très binaire. On ne parle pas de l’identité de genre quand on parle de sexualité, on ne parle pas de l’expression de genre. On ne parle pas des différents types de sexualité et on ne parle pas non plus des relations affectives.

Arwa Barkallah :

En tout cas, au Sénégal, il y a des panneaux publicitaires qui sont beaucoup plus présents pour tout ce qui touche à la prévention, comme des publicités pour les préservatifs, etc. C’est dans des billboards.

C’est vraiment énorme. Et pourtant, en fait, il n’y a pas vraiment d’éducation sexuelle. En fait, c’est plus de la débrouille, finalement, j’ai l’impression. C’est « Ah, je l’ai vu dans une pub », donc voilà. Mais en fait, on ne voit pas de campagne sur, par exemple, comment mettre un préservatif.

Ça va peut-être sans doute avec le « monial » ou des tabous, justement. Marame Kane, vous voulez peut-être poursuivre en ce sens-là ?

Marame Kane :

Je pense que ça en fait beaucoup partie, en tout cas, j’ai plutôt parlé du côté des femmes. Comme je le disais, on n’existe pas, notre corps n’existe pas, il est là pour faire plaisir à l’autre. En fait, il est là pour l’autre et, par l’autre, on entend plutôt pour son mari. Sachant qu’une femme va quitter le domicile parental.

Colonisation sexuelle

Donc, elle quitte le foyer du père pour rejoindre celui du mari, c’est généralement comme ça que ça se passe. Et là, effectivement, à ce moment là, qu’elle soit lesbienne ou pas, il y a ce néant-là, en fait, que ce soit sur la virginité, sur le plaisir sexuel, le plaisir sexuel féminin. On en parle très peu.

Et c’est ça. Je pense que dans toutes les sociétés, on en parle très peu, il y a en fait ce non-dit. Est-ce que la femme peut prendre du plaisir elle-même ?

Il y a aussi ce côté des générations élevées au porno. Le porno nous montre quand même des images qui ne démontrent pas du tout ce qui se fait dans une vraie vie, dans un vrai couple, dans une vraie intimité. La notion de l’intimité, elle, est aussi réelle.

Comment partager cette intimité-là ?

Comment transmettre ? On a beaucoup parlé de la transmission. Comment transmettre de la mère à la fille, du père au fils, du père à la fille aussi ? Parce que ce n’est pas juste d’un parent d’un certain genre vers un enfant du même genre.

C’est aussi se dire comment on fait une communication, une parole qui est libérée dans les foyers, dans les familles. Et moi, je trouve que c’est là que ça pêche, de ne pas avoir de conversations réelles sur le sexe, ce qui n’est pas un vilain mot, en fait.

Ça fait partie de la vie et je trouve qu’en tant que garçon, comme en tant que fille, on n’est pas du tout sensibilisé à ces questions-là.

On se retrouve en tant qu’adulte, en tant que jeune adulte, dans ses premières relations intimes où on va faire peut être des erreurs, peut être pas réellement des erreurs, mais en tout cas, où on aurait pu justement bénéficier de ce que les autres ont fait avant, des expériences de nos grands frères, de nos grandes sœurs, de quelques « tips », de quelques clés, en fait.

Pour se dire « OK. Est ce qu’on est assez épanoui? »

C’est l’épanouissement en fait qui est une vraie question. Je pense que si demain, on faisait une enquête anonyme sur l’épanouissement sexuel et affectif des femmes au Sénégal, ou comme en France, je pense que les résultats seraient plutôt horrifiants.

Arwa Barkallah :

Alors, j’abordais, justement la question des panneaux publicitaires avec des messages pour vendre des préservatifs, etc. Ouvrons notre discussion sur un peu de sport. Sur ces panneaux, que moi je voyais dans les rues du Sénégal et que vous avez probablement vu, étaient représentés les fameux lutteurs sénégalais. Pour les profanes, la lutte sénégalaise est une institution au Sénégal.

En faite pour vous rendre compte un peu de l’esthétique de la lutte sénégalaise, vous allez voir où je veux en venir, il faut que je vous parle de ce que le Sénégal a en commun avec le Japon, c’est d’abord une culture très insulaire dans la musique, le sport, la spiritualité. Et le Sénégal et le Japon ont en commun un héritage spirituel animiste.

Dans les grandes compétitions de lutte, les supporters convoquent les esprits, et le mysticisme, etc. Pour donner de la force aux lutteurs et aux maîtres spirituels qui les accompagnent. Ces derniers leur donnent soit une concoction qu’ils doivent boire, soit une mixture avec laquelle ils doivent s’enduire le corps. Cela fait partie du rituel. Il y a un gri-gri qui est fermement attaché au torse de ces lutteurs qui ressemblent plus ou moins aux sumos japonais, il faut le dire, mais tout en muscles.

Et l’image de sumo, le soleil, le liquide enduit sur la peau, les muscles saillants, etc. En fait, c’est quelque chose qui, je trouve, correspond à l’esthétique homo-érotique. Moi, je voudrais savoir ce que vous en pensez. Peut-être peut-on commencer avec Mohammed Mbougar. Qu’est-ce que vous pensez de cette esthétique-là, en tout cas que moi, j’ai ressentie dans les rues de Dakar ?

Mohamed Mbougar Sarr :

Disons que dans la lutte sénégalaise, d’abord, il faut remarquer quelques petites choses. À savoir que le vocabulaire de la lutte au Sénégal est beaucoup utilisé pour le vocabulaire sexuel.

Aussi, le vocabulaire des relations sexuelles, par exemple, lorsqu’on dit « quatre appuis », c’est un vocabulaire qui vient de la lutte, qui désigne quand l’adversaire a quatre appuis à terre, donc les deux mains et les deux genoux.

Il se trouve que lorsque l’on dit « quatre appuis », il y aussi un sens grivois derrière, cela désigne l’acte sexuel, le fait d’être dans certaines positions sexuelles. Le fait de dire simplement aussi « beuré » qui est le mot qui désigne le fait de faire la lutte, dévide aussi a un sens double grivois qui est le fait de faire l’amour tout simplement.

L’acte de lutte comme acte d’amour ou l’acte d’amour comme acte de lutte est rentré dans le vocabulaire d’une certaine façon. Et il existe encore beaucoup d’autres exemples qui viennent de l’univers de la lutte et qui sont employés aussi dans le vocabulaire quotidien lié à la sexualité, avec toujours dans un double sens.

Pour le reste, je crois que l’on ne peut pas nier qu’il y a quelque chose qui, même si c’est un sport, est le symbole de la virilité absolue. Il y a dans les liquides, dans le fait de lutter, de s’effleurer comme ça ce qu’on appelle « le lewto » au début du combat, de s’effleurer les doigts comme ça.

Il y a quelque chose, je pense, qui est assez érotique, en tout cas quand on essaye d’avoir un regard qui n’est pas simplement le regard du sport et qu’on a un peu de… Je pense que quelqu’un qui ne connaîtrait pas la lutte, qui ne serait pas né au Sénégal, et qui regarderait ces spectacles-là pourrait penser qu’il y a l’apparence d’un érotisme dans l’arène.

Mais je crois que pour des Sénégalais qui sont nés dans cette culture, qui ont vu les lutteurs et les matchs de lutte, ce n’est pas une interprétation qui leur viendrait spontanément à l’esprit. Je pense qu’il faut vraiment prendre un peu de recul, peut-être arriver d’un ailleurs et arriver au Sénégal pour pouvoir voir ça. Mais c’est une interprétation que j’ai moi-même déjà eue en regardant un jour un combat de lutteurs que je ne citerai pas parce que je tiens à ma vie aussi.

Marame Kane :

Écoutez, moi, je n’ai pas du tout eu cette vision-là des lutteurs et de l’homo-érotisme. J’avoue, je n’ai jamais vu les lutteurs de cette manière-là.

Après, c’est vrai que quand on en parle comme ça, vous faisiez le parallèle avec l’histoire du Japon. La lutte vient aussi de la Grèce antique, où les lutteurs, par contre, luttaient nus. Donc, c’est vrai que maintenant, quand on en parle, il est possible qu’il puisse y avoir cette vision-là.

Mais je pense que, comme Mohamed le dit très bien, il faut peut-être venir d’ailleurs, avoir un regard frais pour avoir cette vision-là. J’avoue que, pour moi, les lutteurs, c’est vraiment la vision, l’image même de la masculinité à son paroxysme. Des hommes torse nus, biceps saillants, qui se tiennent à la culotte, c’est vrai, c’est quand même un peu… Voilà. Mais c’est l’image que j’aie. Et j’avoue que je n’arrive pas vraiment à sortir de cette vision-là.

Arwa Barkallah :

En réalité, c’est un spectacle très performatif. Finalement, les lutteurs, on les voit aussi vendre des boissons énergisantes donc c’est très masculin comme façon de faire.

En parlant de performance, je voulais vous poser une dernière question avant de conclure cette émission. Je voulais vous parler de l’épisode de Wally Seck.

Pour les profanes, Wally Seck était un chanteur sénégalais qui a suscité la polémique malgré lui, à cause d’un sac qu’il portait et qui était jugé trop féminin dans un clip et dans des photos. Un sac avec lequel il se promenait dans la rue.

En fait, pour rassurer tout le monde, je présume, sur le fait qu’il ne soit pas homosexuel comme certains le prétendaient, il a mis en scène la destruction de ce sac lors d’un concert. Je voudrais savoir ce que vous pensez de cet épisode ? Sachant également que plus tard, Wally Seck avait dit que c’était aussi son marabout et son guide spirituel qui lui avait suggéré cette mise en scène-la.

Je vais peut-être commencer par Marame Kane. Je voulais savoir où vous vous trouviez à ce moment-là et si vous vous en souveniez ? Qu’en avez-vous pensé ?

Marame Kane :

Je m’en souviens. Pourtant, je ne suis pas du tout la presse people, encore moins sénégalaise. Et je m’en souviens quand même parce que tout le monde ne parlait que de ça, du fameux sac de Wally Seck.

Et ce que j’en ai retenu, c’est qu’il y a deux côtés. Il y a d’abord le fait qu’une personnalité publique puisse s’afficher avec un sac à main et que ça délie les langues de cette manière-là. Et le fait que tout de suite, il se rattache à la religion et fasse appel à son marabout et qu’en fait, il y ait cet assentiment, cette validation du marabout, cette protection du marabout.

Donc, Wally Seck est-il gay ou ne l’est-il pas ?

Ce n’est même plus la question. C’est vraiment cette frontalité par rapport à sa possible orientation sexuelle qui ne serait pas d’intonation sexuelle, on va dire basique, celle qu’on connaîtrait au Sénégal donc, un homme qui aime les femmes juste parce qu’il a porté un sac à main. Et je reviens dessus par rapport à ce que je disais sur l’expression de genre, l’identité de genre par laquelle on mélange un peu tout.

Du moment qu’on a des codes vestimentaires, des codes sociaux, une manière de parler de manière et de se mouvoir dans l’espace public qui serait identifié sur un autre code qui serait dit féminin, tout de suite, on identifie cette expression de genre-là par rapport à la sexualité, ce qui peut être tout à fait différent. Mais dans le cas de Wally Seck, cela a été le cas. Et en fait, je pense que ça a un impact aussi sur le coming-out potentiel de certaines personnalités publiques au Sénégal. Ce qui n’arrivera, je pense, pas tout de suite, voire peut être jamais.

Parce que si Wally Seck a eu ce traitement-là, qu’en sera-t-il pour une autre personne ? Si elles veulent faire leur coming-out, qu’en sera-t-il des personnalités, entre guillemets lambda, qui ne sont pas connues, qui n’ont pas de protection sociétale, cette protection de la jet-set dont bénéficie Wally Seck ?

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Je pense que oui, c’est un épisode qui a été assez violent et qui a démontré en fait que la société sénégalaise… Je ne sais pas si elle est prête à discuter de la notion de genre, de sexualité, mais elle a montré, en tous cas, qu’elle était fermée à cette question-là. Et ça, c’est bien dommage pour les générations actuelles comme pour les générations futures.

Arwa Barkallah : Mohamed Mbougar ?

Mohamed Mbougar Sarr :

Oui, c’est une scène, c’est un épisode que j’avais suivi avec beaucoup d’attention, que j’ai d’ailleurs repris, transformé dans « De purs hommes ». Il y a un épisode un tout petit peu analogue qui fait écho à ce qui est arrivé à Wally Seck. C’est un épisode qui m’avait, comme Marame l’a dit, beaucoup marqué parce que je voyais qu’en réalité, j’avais même écrit avant « De purs hommes », un texte que j’avais publié sur mon blog, où je disais qu’en réalité, tout le Sénégal était à l’intérieur de ce sac-là, d’une certaine manière.

Et que ce sac, en fin de compte, symbolisait toutes nos contradictions et aussi tout notre rapport à la différence. Qu’un objet aussi anodin ait pu prendre une telle importance symbolique, culturelle au point de toucher à la vie finalement, parce que Wally Seck a reçu des menaces à l’époque, il y avait eu des prises de position et des montées au créneau extrêmement violentes. Tout cela me faisait dire qu’en réalité, ce sac-là était le Sénégal, d’une certaine manière. Et cette scène-là, quand Wally Seck détruit le sac sur scène, ce découpage d’une certaine façon, m’avait aussi semblé être sur le plan symbolique très fort.

On assiste là à l’expiation. C’était vraiment une scène de dépossession, c’est-à-dire qu’il fallait pour guérir la société qui était malade, qui était malade de sa suspicion, qui était aussi menacée dans son identité, détruire quelque chose. Détruire le symbole et le symbole, donc, c’était le sac. Mais on ne s’est pas rendu compte, évidemment, de la violence symbolique que ça avait pu générer.

Arwa Barkallah :

Merci à tous les deux pour votre présence dans cette émission. Marame Kane, je rappelle que vous êtes franco-sénégalaise, présidente du Centre LGBTQ+ de Paris. Vous êtes aussi membre du Conseil d’administration de la communauté lesbienne d’Europe et d’Asie Centrale.

Mohamed Mbougar Sarr, vous avez grandi à Diourbel. Vous êtes auteur sénégalais de plusieurs romans, lauréat du Prix Stéphane-Hessel pour votre nouvelle « La Cale » en 2014, puis du Prix Ahmadou-Kourouma et du Prix du roman métis en 2015. Vous êtes l’auteur du roman publié en 2018, qui s’appelle « De purs hommes » et qui raconte le regard porté sur la société sénégalaise et sur l’homosexualité.

Cet épisode de « Dans la tête des hommes » est terminé. Ce podcast est disponible avec d’autres invités et en anglais sous le nom Cry Like a Boy.

Si vous découvrez notre série de podcasts, n’hésitez-pas à aller écouter nos épisodes précédents sur les Abatangamuco au Burundi où des hommes se lèvent contre les violences conjugales.

Arwa Barkallah, Marta Rodriguez Martinez, Naira Davlashyan, Lillo, Montalto-Monella ont produit cet épisode depuis Lyon, en France.

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