COVID-19 a laissé et marqué ses empreintes en Côte d’Ivoire comme dans tous les autres pays de la planète terre. Dans la capitale , Abidjan, c’est le calvaire totale des femmes sans salaire, entre difficultés et projets recalés.
« Pendant trois mois à la maison, confinée sans salaire, vraiment ce n’est pas facile », lance l’enseignante Tapé Sarah, comme une invitation à imaginer ce qu’elle a traversé du fait de la crise sanitaire de COVID-19.
COVID-19 et fermeture des classes
La Côte d’Ivoire, à l’instar de plusieurs pays du monde, avait décidé de la fermeture de ses établissements de formation et d’éducation, le 16 mars, à l’issue de la première réunion du Conseil nationale de sécurité (CNS). Cette décision marque le début des difficultés des enseignantes d’une école privée de Koumassi qui sont restées sans rémunération.
Quand on sait qu’en Côte d’Ivoire, le salaire permet d’assurer les besoins alimentaires, sanitaires, les diverses charges, en plus de permettre d’assumer pour la plupart du temps des responsabilités envers des parents, l’on imagine ce que vivent ces travailleurs qui en ont été privés durant cette crise.
Chargée des cours de la classe de CP 1, Tapé Sarah est institutrice dans cet établissement depuis deux ans. Epuisée par le poids et le souci pour faire face à ses premiers besoins, la jeune enseignante raconte son périple.
« La fermeture des établissements a surpris tout le monde. Entre collègues, on s’appelait fréquemment pour savoir si quelqu’un avait une information sur le paiement des salaires. Durant tout le temps passé à la maison, la directrice nous a juste appelé une fois pour nous informer qu’une collègue était malade et qu’elle était hospitalisée. Elle n’a pas parlée de salaire », dit-elle, estimant que l’école pouvait leur payer la moitié du salaire du mois de mars.
N’ayant pas d’autres moyens, elle s’est tournée vers sa maman qui est au village afin de pouvoir couvrir ses dépenses quotidiennes. Cette situation l’emmène aussi à baisser le rideau sur le soutien qu’elle apportait à des proches comme son petit frère.
« Je suis obligée d’appeler maman tout le temps. C’est moi qui dois la soutenir. Maintenant, je ne peux plus assister quelqu’un. Moi-même je n’arrive plus à assumer mes besoins. C’est vraiment difficile », soupire Sarah.
Même son de cloche pour l’enseignante de la moyenne section qui est également dans sa 2e année au sein cette école. En plus des difficultés, elle fait aussi face à des dettes.
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« J’avais pris des marchandises avec des gens que je devais payer et je n’ai pas encore pu le faire », relève Aka Constance.
Pour Diby Christelle, la plus ancienne, elle a été confrontée à des soucis de santé. Elle a accouché, le 03 mai, d’un garçon avec des malformations qui ont nécessité une intervention chirurgicale au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Treichville et plusieurs examens médicaux.
« Ce n’était pas facile. C’était déjà compliqué vu que mon mari ne fait pas grande chose. Avec l’accouchement et l’état de santé de notre bébé, les choses sont devenues encore compliquées. On ne s’attendait pas à ça. Même pour manger, c’était difficile. C’est Dieu même qui nous a soutenus », raconte tristement l’enseignante de CP2, le regard fixé sur son fils.
Selon Mme Diby, les salaires n’ont pas été payés parce que la fondatrice de l’école était aussi prise par le filet de la crise sanitaire liée à la COVID-19, en plus des problèmes de santé et des parents d’élèves qui n’ont pas rempli leurs engagements.
« Elle est venue me voir à la maison quand on nous a libéré à l’hôpital. Elle dit qu’elle était malade. Elle a un problème de tension et son mari était au chômage technique. Donc elle devrait faire face toute seule aux charges de la maison en cette période de coronavirus », dit-elle.
Par ailleurs, Diby Christelle fait savoir que la fondatrice avait créé cet établissement pour recevoir les enfants qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école ainsi que toutes personnes qui voulaient apprendre à lire et écrire.
« Il n’y a pas de contrat écrit qui nous lie. La dame a eu une initiative louable et on a toujours reçu notre paye avant la crise. C’est un peu comme du bénévolat et elle nous disait chaque fois que ce n’ai pas un salaire, c’est juste une prime », soutient-elle.
Des palliatifs pour avoir de petits revenus et des projets recalés
S’adapter à la situation ou trouver des palliatifs. Ces institutrices font mains et pieds pour pouvoir joindre les deux bouts. Entre petits commerces et projets recalés, elles s’accrochent pour passer cette crise sanitaire à fort impact économique .
« J’avais résolu de faire des choses mais comme je n’ai pas perçu de salaire, vraiment tout a été recalé. Je vendais des croquettes juste pour avoir un peu d’argent », indique Mlle Aka qui a aussi reporté son mariage, prévu le 06 juin 2020.
Quant à la nouvelle maman, elle s’est rabattue sur son petit commerce de savon, de pommade de cheveux et de savon liquide.
« Je donne et je passe encaisser l’argent une semaine après. Mais depuis que j’ai accouché, je ne peux plus aller encaisser mon argent », relève Diby Christelle.
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Tapé Sarah, elle, se préoccupe plutôt des vacances qui vont proroger la période sans salaire.
« Je vais chercher un job de vacance qui va au moins me rapporter quelque chose parce que c’est déjà compliqué et c’est bientôt les vacances où on n’aura pas de salaire », fait-elle remarquer.
Les élèves de Mme Diby Christelle
Avec la reprise des cours qui ne va durer qu’un seul mois pour elles, ces institutrices ont parié leur dernière carte sur le salaire de juin, qui va leur permettre de faire face un tant soit peu à leurs besoins et charges, avant d’affronter la période de vacances scolaires, sans salaire. Elles ont par ailleurs annoncé avoir perçu leurs salaires de mars en juin.
Tous les secteurs d’activités payent les frais de cette pandémie, notamment la santé. C’est le cas de dame Kacou Solange, qui a été mise au chômage technique pendant un mois sur une liste de 13 personnes.
« On est quatre au service cuisine de la clinique et le choix est tombé sur moi. Ils nous ont dit que la situation s’impose à eux. Ils ont rappelé neuf d’entre nous et les cinq autres, toutes des femmes au service infirmerie et archives, ont été renvoyées. C’était un mois seulement mais avec la situation ce n’était pas facile. Imaginez-vous un mois à Abidjan sans salaire avec trois petites filles », raconte Mme Kacou avec un petit sourire quand elle ajoute avoir reçu une prime de transport à la reprise.
Selon les prévisions de l’Institut national de statistiques (INS), en Côte d’Ivoire, quelque 131.000 emplois seront perdus à fin 2020 à cause de la crise de COVID-19.
(Kafunel.com avec AIP)