La 12ème législature est maintenant derrière. On se profile vers l’installation de la 13ème. Pour vous, quels devront être les chantiers prioritaires ?

Exclusif ! Entretien avec Doudou Wade, ancien président du groupe parlementaire libéral : ‘’Je demande au Président Macky Sall d’être plus honnête avec les Sénégalais’’ 1

La première chose à faire est de prendre des dispositions pour instaurer le dialogue à l’Assemblée. Permettre aux autres groupes parlementaires et aux non-inscrits de s’exprimer. Il faut essayer de faciliter la constitution des groupes parlementaires. Avant 2000, il fallait avoir le dixième de l’Assemblée pour constituer un groupe parlementaire. Par la suite, nous l’avions ramené à 10 pour aider l’opposition à disposer de groupes parlementaires.

Aujourd’hui, il en faut 17. Je pense que c’est trop et il faut le baisser pour que d’autres groupes puissent exister. Il faut aussi responsabiliser les présidents de groupes, leur donner des moyens pour qu’ils puissent travailler correctement. Aussi, il est une nécessité absolue qu’il y ait plus de transparence dans l’élaboration du budget de l’Assemblée, en présentant le projet à la Commission des finances. Les députés discutent des budgets des autres corps, pourquoi on leur dénie un droit de regard sur leur propre budget. L’Assemblée doit pouvoir contrôler les dépenses effectuées par son questeur. Aujourd’hui, il serait important de savoir comment certaines dépenses sont financées. Les députés doivent savoir que leur président a des fonds politiques. Quel est le montant de ces fonds ? Et dans quel chapitre ils sont logés ? Il est également important que l’Assemblée se dote de commissions ou de sous commissions pour mieux accomplir sa mission. Chaque année, en début de législature, il serait intéressant d’avoir une commission pour vérifier les cas d’incompatibilité, connaître ceux qui ont maille avec la justice.

Des dispositions doivent aussi être prises pour cerner la notion d’évaluation des politiques publiques. Pour moi, cette notion va au-delà du contrôle de l’action gouvernementale. Pour toutes les dépenses effectuées, l’Assemblée doit vérifier si les objectifs ont été atteints, si les populations sont satisfaites…. Mais, pour moi, la priorité des priorités est de mettre en place un calendrier de l’Assemblée. Par exemple, chaque jeudi, il y a examen d’une question orale ou écrite. Tous les mois ou deux, une visite du Premier ministre. C’est mieux que de continuer le bavardage qui ne sert à rien.

Enfin, il faut aussi permettre aux députés de donner leur avis sur les nominations à certains postes comme la Senelec, le Trésor public, l’Artp…

Les députés peuvent également auditionner de très grandes personnalités du monde des affaires, du monde économique, du monde social. Sur toutes ces questions, l’Assemblée aurait pu jouer un rôle. Malheureusement, avec Moustapha Niasse, on ne peut s’attendre à de grands changements.

Moustapha Niasse était le président de la précédente législature. Des cas de malversations ont été soulevés. Qu’est-ce qui est à l’origine ?

C’est Moustapha Niasse lui-même qui a refusé de donner suite à la demande de Thierno Bocoum de pouvoir disposer de l’ensemble des documents attestant les dépenses effectuées par l’Assemblée. Il lui a demandé de dégager parce qu’il ne veut pas être contrôlé. Si le remplaçant de Thierno à la comptabilité avait le même courage, on allait faire bouger les lignes.

Parlons maintenant du cas Khalifa Sall. Certains estiment que les poursuites contre lui doivent être suspendues pour son immunité. Le pensez-vous ?

Il y a eu plusieurs sons de cloche. En vérité, Khalifa Sall jouit effectivement de l’immunité parlementaire au même titre que tous les autres députés. Aujourd’hui, son sort dépend uniquement de l’Assemblée nationale. Il ne dépend ni de Abdoulaye Wade, ni de Moustapha Niasse. La question qui se pose dans cette affaire, c’est de savoir comment les poursuites peuvent être suspendues. Les textes donnent à l’Assemblée la possibilité de demander la libération de Khalifa Sall pour qu’il puisse retrouver ses collègues. Mais je doute que si la procédure est enclenchée, le président Moustapha Niasse ne donnera pas suite.

Abdoulaye Wade, président de séance, pourrait poser le débat, soutiennent certains, que pensez-vous de ce débat ?

En tant que doyen d’âge, si Abdoulaye Wade se présente, il se pourrait qu’il soit le plus ancien. A ce titre, il devra présider cette séance d’ouverture. Mais est-ce que Abdoulaye Wade ira à l’Assemblée ? Je ne le pense pas.

Abdoulaye Wade est justement le leader de la Coalition gagnante. Quelle doit être la posture de cette structure dans la prochaine assemblée ?

C’est une posture très simple. Représenter les Sénégalais dans cette assemblée, voter les lois qui vont dans le sens de l’intérêt des populations, s’opposer aux projets qui vont dans le sens contraire, poser le débat sur les dérives et les scandales notés dans la gouvernance de ce régime. Tout ça, ce sera consigné dans la déclaration de politique de notre groupe qui sera déposée sur la table du président de l’Assemblée nationale.

Qui, selon vous, a le meilleur profil pour diriger le futur groupe libéral ?

Nous en revenons à la situation antérieure qui avait défrayé la chronique. Tout le monde le sait, c’est le président Macky Sall qui va désigner le prochain président de l’Assemblée nationale. Et il paraît qu’il a déjà choisi de reconduire Moustapha Niasse. Lui-même va désigner le président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakaar car, qui peut le plus peut le moins. Dans toutes les organisations politiques, c’est la même chose. C’est le leader politique qui va le faire. Il en sera de même pour notre groupe. Et je pense, d’après les informations qui me sont parvenues, que ce sera Madické Niang. Il a le profil pour l’être. Il a toutes les compétences pour accomplir cette mission. Le président d’un groupe parlementaire, c’est comme un capitaine d’équipe. Il doit coordonner l’action de nos députés. C’est pourquoi il doit être un homme conciliant quand il le faut, difficilement malléable…

Vous ne ferez pas partie de cette équipe. Vous n’avez même pas été investi sur les listes. En avez-vous parlé avec Abdoulaye Wade ? Les raisons qui l’ont motivé ? Et comment l’avez-vous vécu ?

Je ne pense pas que ce soit une question qui mériterait une rencontre avec le président Wade. Je ne suis pas de ceux qui estiment qu’ils doivent toujours être devant. Je pense sincèrement remplir les critères pour être un bon député. Si on n’a pas retenu ma candidature, c’est parce que ceux qui l’ont fait ont leurs raisons. Tous ceux qui ont déposé ont voulu être investis. Mais tout le monde ne peut pas être sur les listes. Je demande juste que la prochaine fois, les critères soient portés à la connaissance des militants. Qu’ils puissent se préparer en conséquence.

Oumar Sarr était de ceux qui en avaient la charge. Certains comme Farba, Aida Mbodj et Pape Samba Mboup fustigent sa gestion du parti. Partagez-vous leur opinion ?

Pape Samba Mboup et Farba Senghor ont été exclus du parti. Nous avons appris par la suite qu’ils ont été financés par le président Macky Sall pour affaiblir le PDS. Il est facile de s’attaquer à la gestion de Oumar, Wade ou de la direction. Mais ce qu’on peut retenir de Oumar, par rapport aux autres, c’est qu’il n’est pas un lâche. Comme tout individu, il a des atouts et des faiblesses. Malgré les critiques, il faut retenir qu’il n’est pas un lâche. C’est le plus important. La lâcheté est la source de tous les maux en politique.

Quid de votre candidat ? A quand son retour au Sénégal ?

La présence ou non de Karim n’est pas importante pour nous. Les conditions dans lesquelles il a été exilé du pays sont connues de tous. C’est le président Macky qui l’a forcé à s’exiler. C’est lui qui avait dit : ‘’Je vais réduire l’opposition à sa plus faible expression et laissez-moi avec mes frère du PDS, je vais m’en occuper.’’ Mais tôt ou tard, Karim Wade sera là et il fera ce qu’on attend de lui.

Comment appréciez-vous la proximité de Macky Sall avec les socialistes comme Abdou Diouf, Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse et ses relations heurtées avec Abdoulaye Wade ?

Le grand mal de Macky Sall, c’est de vouloir renier à son passé, son héritage. Il n’est pas bon de renier à son héritage. Tous ceux qui l’ont fait l’ont regretté. Je comprends qu’il puisse ne pas s’entendre avec le président Wade. Je comprends qu’il s’entende avec le Président Diouf. Mais qu’il puisse avoir des relations aussi amicales, aussi fraternelles, aussi respectueuses avec Diouf et ne pas avoir de meilleures attitudes pour Wade qui lui a tout donné, j’ai du mal à le comprendre. Or, si vous lui retirez ce que Abdoulaye Wade lui a donné, il ne lui restera pas grand-chose.

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