Facebook : des sites mensongers peu lus mais au succès considérable

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Santeplusmag.com est le site identifié comme diffusant de fausses informations le plus lu en France, selon une étude de l’institut Reuters. Santéplusmag / Facebook.com
Santeplusmag.com est le site identifié comme diffusant de fausses informations le plus lu en France, selon une étude de l’institut Reuters. Santéplusmag / Facebook.com

Les médias traditionnels attirent plus de lecteurs, mais l’écart est beaucoup moins net sur Facebook, selon une étude britannique qui exploite notamment les données du Décodex.

La prolifération des fausses informations est indéniable, mais il reste difficile d’en mesurer la portée exacte. Une étude publiée au début de février par l’institut Reuters de l’université d’Oxford tente d’éclairer le phénomène en y apportant des éléments d’analyse factuels.

Sans grande surprise, les auteurs ont constaté que les grands médias traditionnels sont plus lus que les sources connues pour diffuser régulièrement des intox. Mais leurs analyses montrent également que ces dernières sont loin d’être confidentielles.

L’étude de l’institut Reuters s’intéresse à la circulation des fausses informations en France et en Italie. Pour tenter d’en mesurer la portée, ils se sont servis de listes de sites jugés peu fiables, dont ils ont comparé l’audience avec celle des médias traditionnels.

« Le débat sur les fausses informations se concentre souvent sur ce qui se passe au Royaume-Uni. Nous avons cherché à comprendre ce qui se passait ailleurs en Europe », nous explique Richard Fletcher, coauteur de l’étude.

Une étude qui utilise les données du Décodex

Les chercheurs ont utilisé des listes préexistantes de sites connus pour diffuser de fausses informations. Pour le volet français de leurs travaux, ils se sont appuyés sur l’annuaire des sources d’informations du Décodex.

Les chercheurs ont retenu 38 sources parmi les quelque 450 qui y sont classées en « rouge » parce qu’elles ont publié un nombre significatif de fausses informations et/ou d’articles trompeurs : celles qui correspondent à des sites Internet dont l’audience était quantifiable dans les données issues des analyses de la société Comscore (ces mesures sont réalisées en étudiant le comportement d’un panel d’internautes croisé avec d’autres données).

Certains sites n’ont pu être analysés, de même que les pages Facebook ou comptes Twitter et YouTube isolés.

Les autres catégories du Décodex (sites parodiques en « bleu », sites « orange » dont la fiabilité ou la démarche est douteuse) n’ont pas été étudiées.

Les sites mensongers ont un lectorat limité

L’étude a ainsi pu estimer l’audience de ces différents sites mensongers (les données citées sont une moyenne calculée sur les mois de janvier, avril, juillet et octobre 2017).

Principal enseignement : la majorité des 20 sites mensongers les plus lus (sur les 38 étudiés) selon Comscore auraient touché moins de 1 % des internautes français. Le site Santé + magazine serait quant à lui le plus lu (3,1 %).

Preuve que les fausses informations sont loin de se limiter à la politique, mais touchent tous les domaines et particulièrement la santé ou les sciences en général.

La plupart des sites peu fiables touchent moins de 1 % des lecteurs français

Source : Institut Reuters à partir des données de Comscore en 2017
Source : Institut Reuters à partir des données de Comscore en 2017 

Les sites russes Russia Today et Sputnik, également mentionnés par les chercheurs parce qu’ils sont régulièrement évoqués dans le débat sur les fausses informations, touchent eux aussi une frange restreinte de la population (respectivement 1,5 % et 1,4 %).

« Les vingt sites de fausses informations les plus lus sont relativement petits par rapport aux grands médias traditionnels », analyse Richard Fletcher.

Les principaux sites d’informations français ont en effet tous touché plus de 10 %, voire autour de 20 % de la population française en moyenne pour les mêmes périodes. Bien qu’il ne s’agisse-là que d’estimations de l’audience de toutes ces sources, l’écart apparaît nettement :

Les sites mensongers restent bien moins lus que les sites traditionnels

Source : Institut Reuters à partir des données de Comscore en 2017
Source : Institut Reuters à partir des données de Comscore en 2017

Les chercheurs ont également remarqué que le fossé entre les médias traditionnels et les sites mensongers est encore plus marqué lorsqu’ils ont étudié le temps passé sur les différentes sources.

En plus de toucher un lectorat plus vaste, les grands sites d’informations sont consultés plus longtemps que les sites coutumiers des fausses informations.

Les sites d’intox sont populaires sur Facebook

Ces sources qui nous apparaissent peu fiables sont certes moins lues que les autres, mais cela ne signifie pas pour autant que leur portée est dérisoire.

Il apparaît ainsi qu’elles peuvent, pour certaines, connaître une popularité plus forte que les médias traditionnels.

C’est ainsi le cas de Santé + magazine, qui totalise un plus grand nombre d’« interactions » sur Facebook (un chiffre qui regroupe les partages, les mentions comme « j’aime » et les commentaires) que les pages du Monde ou du Figaro.

Certains sites mensongers sont plus populaires que les médias traditionnels sur Facebook

Source : Institut Reuters à partir des données de Comscore en 2017
Source : Institut Reuters à partir des données de Comscore en 2017

Ces données montrent une nouvelle fois que les règles qui régissent la circulation de l’information sur le réseau social sont facilement exploitables pour favoriser la diffusion de contenus de mauvaise qualité.

Elles posent également des questions plus larges sur la consommation de l’information en ligne. « Les données que nous publions ne montrent qu’une partie d’un phénomène de “malinformation” plus vaste. Il sera important à l’avenir d’étudier comment les internautes s’informent en ligne, pas simplement en lisant des articles, mais aussi en lisant des commentaires ou de simples titres qui circulent sur les réseaux sociaux », note Richard Fletcher.

Par ailleurs, cette étude a porté sur un nombre restreint de sites, ceux qui diffusent un nombre significatif de fausses informations et pour lesquels il existait des mesures d’audience.

Comme le relèvent les chercheurs eux-mêmes, la « malinformation » englobe également d’autres types de sources, comme des sources sensationnalistes, des sites très orientés ou encore des sites parodiques trompeurs.

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