L’Afrique a besoin de financer ses infrastructures

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L’Afrique a besoin de financer ses infrastructures
L’Afrique a besoin de financer ses infrastructures

L’Afrique a besoin de financer ses infrastructures. Les conséquences économiques de la crise de la Covid conduisent le continent africain à revoir ses priorités en matière d’infrastructures notamment.

Afrique a besoin de financer ses infrastructures

Si le continent africain n’est pas, à ce jour, le plus dramatiquement touché par la Covid-19, d’un point de vue sanitaire, avec 3 % des décès pour 17 % de la population mondiale, les retombées économiques de la pandémie conduisent la Banque Mondiale (BM) à anticiper une baisse de 3,3 % de la croissance en 2020 en Afrique subsaharienne, sa première récession depuis 25 ans. Et 40 millions d’Africains risquent de basculer dans l’extrême pauvreté.

Dans ce contexte, la nécessité de financer le développement et notamment les infrastructures en Afrique est plus criante que jamais.

Car le continent souffre d’un déficit flagrant d’infrastructures. Or elles permettent à la fois le développement de l’activité économique (la pénurie d’électricité ferait perdre 2 à 4 points de croissance par an selon la BM) et l’accès à des besoins essentiels (340 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, 640 millions vivent sans électricité).

« Un des impacts positifs de cette crise est qu’elle nous pousse à vraiment nous concentrer sur nos priorités. Et à nous assurer que nous construisons des infrastructures de qualité qui maximalisent les impacts positifs sur l’économie, et nous les construisons aussi pour surmonter les catastrophes naturelles, les pandémies et les épidémies qui sont devant nous », affirmait Salomon Quaynor, vice-président de la Banque Africaine de Développement (BAD), en novembre 2020.

La Covid-19 redéfinit les priorités alors que les différents secteurs sont inégalement financés (cf graphique). Elle rend plus nécessaire encore les infrastructures d’eau et d’assainissement, peu financées car peu rentables, de santé… Elle accélère aussi des mouvements comme l’installation de réseaux télécom et web.

Les infrastructures du continent souffrent d’un manque de financement. La BAD chiffre les besoins à 170 milliards de dollars par an jusqu’à 2025, avec un manque estimé à 108 milliards par an.

Rétrospective 2020

L’Afrique a toutefois terminé la décennie 2010 en dépassant pour la première fois les 100 milliards de financement pour ses infrastructures en 2018, selon le dernier rapport du Consortium pour les infrastructures en Afrique (ICA). Les États sont les premiers financeurs (37 % des engagements).

La Chine est devenue le second (26 % du total), mais ses pratiques commencent à être remises en cause. Les bailleurs internationaux et banques de développement sont et restent également importants.

Encore plus qu’avant la crise, alors que les États disposent de budgets modestes et voient leurs dettes grandir, il semble nécessaire que le secteur privé (11,8 milliards de dollars en 2018) se mobilise davantage pour financer les infrastructures.

De nombreux freins doivent être levés mais les partenariats public-privé (PPP) et des modes de financement innovants émergent. Les ressources existent sur le continent mais peinent à être utilisées. L. B.

Ils ont dit

La pandémie redessine les priorités

La pandémie a imposé de nouvelles priorités en confinant 3 milliards de personnes dans le monde. L’habitat, l’alimentation, les infrastructures de santé, l’eau et l’assainissement deviennent des priorités n° 1.

D’énormes fonds sont affectés en prêts concessionnels ou en subventions aux pays dans la lutte contre la pandémie par les organismes tels que la BM, la BAD, le Fonds africain de développement (FAD), les Nations Unies.

C’est pourquoi la plupart des financements destinés aux infrastructures seront ainsi reportés en 2020 voire 2021 sur les nouveaux secteurs prioritaires, avec l’hypothèse de recul de la pandémie en cours d’année.

Mais le secteur électrique, vu son rôle stratégique, retrouvera rapidement sa place prioritaire pour pouvoir continuer à soutenir les autres secteurs clé.

Cependant, la visibilité sur l’évolution de la pandémie restant toujours limitée, il existe toujours une incertitude qui pourrait aller jusqu’en 2022.

Safiétou Diallo, conseiller technique direction générale, Senelec, Revue Banque n° 848, octobre 2020, p. 33.

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Vers une meilleure satisfaction des besoins essentiels

Le secteur des infrastructures en Afrique devrait pouvoir bénéficier des nouvelles opportunités consécutives à la crise, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la crise a fini de mettre à nu en Afrique les profondes inégalités sociospatiales non seulement en termes d’accès dans les services sociaux (santé, éducation) mais aussi du point de vue des télécommunications (Internet, etc.), des transports, de l’emploi, du logement, etc.

Ensuite, la Banque mondiale estime que 20 à 25 millions d’Africains pourraient tomber dans la grande pauvreté à cause de la pandémie : certes il ne s’agit pas à proprement parler d’une nouvelle réjouissante, mais la réponse des États africains devrait être dès à présent de poser les bases d’une stratégie de priorisation des investissements permettant notamment de garantir l’accès aux services de base aux populations les plus vulnérables.

La BAD estime à 80 milliards d’euros le besoin annuel supplémentaire pour les projets d’infrastructures en cette période de crise.

Enfin, une grande leçon à tirer de cette crise est que l’Homme doit désormais être au centre des priorités : par conséquent, les économies africaines s’orientent de plus en plus vers le financement des infrastructures dédiées à l’amélioration du bien-être et à la satisfaction des besoins essentiels.

L’urgence de mobiliser les financements privés

Plus que jamais le continent devra développer son propre modèle de financement des infrastructures, qui permet aux investisseurs privés de pleinement jouer leur rôle, comme c’est de plus en plus le cas dans les pays émergents et plus largement dans les économies plus matures.

Jusque-là, en Afrique, les capitaux privés n’ont représenté que 2 à 3 milliards de dollars en moyenne par an de financement des infrastructures, soit près de 4 % de l’investissement total.

[…] Dans ce contexte, il paraît évident qu’il est nécessaire de mobiliser massivement les investissements privés institutionnels, internationaux comme nationaux.

Karim Zine-Eddine, directeur des études, Paris Europlace, Banque & Stratégie n° 395, octobre 2020, pp. 30-31.

Un tournant pour la Chine en Afrique ?

Dans un contexte économique moins favorable et un service de la dette désormais trop important, les gouvernements de certains pays africains sont devenus plus réticents face aux propositions chinoises, et demandent davantage de transparence ainsi que des accords plus équilibrés.

Un des exemples les plus intéressants de ce point de vue est celui du projet d’aéroport international de Freetown de 318 millions de dollars (275 millions d’euros), que la Chine devait financer, construire, gérer et entretenir. Il a ainsi été annulé par les autorités de Sierra Leone une fois arrivées au pouvoir, en octobre 2018.

« Le gouvernement considère qu’il n’est pas rentable économiquement de poursuivre la construction d’un nouvel aéroport alors que l’actuel est gravement sous-utilisé », a justifié le ministère des Transports et de l’Aviation, dans un courrier consulté mercredi 10 octobre par l’AFP.

Estelle Brack, présidente fondatrice, KiraliT, Revue Banque n° 848, octobre 2020, p. 26.

Société Générale analyse les évolutions liées à la crise

La Covid a créé des contraintes supplémentaires pour les souverains et nous cherchons à faire en sorte que l’impact de l’endettement sur le pays puisse être le plus limité possible.

Côté export, la mise en place de projets a pris du retard, avec de nouvelles discussions au niveau des conseils de ministres et des gouvernements pour reprioriser certains projets, et mettre en attente certains autres, parce que le niveau d’endettement inquiète certaines autorités comme le Fonds monétaire international (FMI) ou la BM.

Nous avons donc des discussions plus poussées avec le gouvernement pour nous assurer que le projet sur lequel nous sommes a bien reçu la bénédiction de ces autorités.


RÉTROSPECTIVE 2020

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