Reportage www.kafunel.com Korité dans l’intimité d’une famille dakaroise
Reportage www.kafunel.com Korité dans l’intimité d’une famille dakaroise

Reportage sur la Korité dans l’intimité d’une famille dakaroise. Au Sénégal, l’Aïd se nomme la Korité, une fête de dévotion, de partage mais aussi d’énormes dépenses pour les familles les plus modestes.

Après un mois de diète religieuse, le lakh, la bouillie de mil, fait son effet comme premier petit-déjeuner.

« Place maintenant à la nourriture spirituelle », lance Birane Seck, 45 ans, père famille de 5 enfants et employé dans une société d’assurance.

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Les senteurs du lakh, bouillie de mil, à la muscade et vanille finissent d’envahir la modeste maison familiale.

C’est le petit-déjeuner traditionnel pour l’Aïd. Et, pour rien au monde, la famille Seck n’aurait dérogé à la règle. L’Aïd, communément appelé Korité au Sénégal, marque la fin du ramadan.

Les versets coraniques dilués par les haut-parleurs de la mosquée encore en construction inondent la nouvelle Cité Gadayen en banlieue de Dakar.

Nichée entre la mer et un lac, c’est un cadre idyllique. D’ailleurs, la ville attire de plus en plus la classe moyenne sénégalaise, malgré son éloignement du centre de Dakar.

Vêtus de leurs nouveaux habits, les hommes de la famille s’installent hors des murs de la petite salle de prière.

« Les prières de rue ne dérangent personne ici », glisse Birane. Après une demi-heure de prières sous un soleil de plomb, les salamalecs usuels dans le voisinage tendent à se demander pardon pour les nuisances et incivilités du quotidien.

Après la prière et le sermon de l’Imam, Birane, le père, Maïmouna, la mère qui est institutrice, et Pape, le cousin et jeune étudiant venu de Diourbel pour l’événement devisent sur l’actualité du moment en attendant les réjouissances de la fête.

Même si tout n’est pas encore totalement prêt. Maïmouna prend un « clando », un de ces nombreux taxis clandestins qui sillonnent la ville.

Direction : le marché, pour finir les emplettes. Ne disposant pas d’un réfrigérateur, la famille préfère acheter au dernier moment la nourriture. Si la Tabaski est la fête du mouton, la Korité est bien celle du poulet.

Korité pour un lourd investissement des commerçants

Le marché Boubess, où elle se rend, est très exigu. Les cantines, étales, voitures, camionnettes et charrettes s’y côtoient sous un épais nuage de poussière.

Korité pour un lourd investissement des commerçants
Korité pour un lourd investissement des commerçants

Dans ce labyrinthe, Maïmouna trouve facilement son chemin en se faufilant jusqu’à l’emplacement d’un poulailler improvisé.

Elle prend le temps de la réflexion entre les poulets « ordinaires » ou « de chair ». En clair, les poulets locaux élevés à l’air libre ou ceux de l’élevage industriel.

Au niveau du goût, les premiers l’emportent alors que les seconds gagnent en termes de poids.

Mais ils sont, paradoxalement, plus chers. La mère de famille choisit six poulets de chair à 3 500 francs CFA la pièce.

En demandant à un de ses employés de les préparer, Demba, le gérant du poulailler, assure avoir « dépensé en amont 75 000 francs CFA pour 150 poussins et 12 sacs de 50 kg d’aliments à 15 000 l’unité ».

Un important investissement pour le primeur. Malgré des pertes nettes dues à la mort d’une dizaine de poussins, le jeune homme ne regrette pas son choix.

Déplumés et vidés, les poulets sont embarqués dans deux grands paniers, dont l’un tenu par la fille de Maïmouna qui l’a accompagné, d’une quinzaine d’années.

Sur le chemin du retour, une halte est faite chez le tailleur pour récupérer les tenues des filles de la famille.

Mine de déterré, une cigarette au bec et un « Café Touba » à la main, Aziz, le tailleur, distille ordre et recommandations à ses quatre employés.

« Je ne compte plus les nuits blanches car avec les coupures de courant dans la journée, c’est plus pratique de travailler la nuit ».

Sur les mannequins, les tenues de présentation portent des noms insolites : « Obasanjo » (deux fois président du Nigeria) connu pour avoir vulgarisé un vêtement à deux pièces, mais aussi « Macky Sall », un modèle à trois pièces.

« Peut-être qu’il fera trois mandats », sourit Maïmouna. La Sénégalaise loue le sacrifice de son « mari qui a dépensé près de 150 000 francs CFA pour que tout soit au point ».

Une somme colossale dans le budget des familles. A côté des courses pour le repas, les vêtes prennent une bonne partie du budget de la Korité.

Korité pour le tatoueur de l’éphémère

À quelques encablures du tailleur, il y a un attroupement devant un jeune homme qui manie un crayon à la bave noirâtre.

Korité pour le tatoueur de l’éphémère
Korité pour le tatoueur de l’éphémère

« Je suis le tatoueur de l’éphémère », se présente-t-il. Depuis quelques années, le henné traditionnel des jours de fête est remplacé par un tatouage à l’encre non indélébile. « C’est 300 Francs CFA pour les enfants et 500 pour les adultes ».

Le regard désapprobateur de Maïmouna suffit à éteindre toute demande de sa fille.

Une fête en famille et entre amis

De retour chez les Seck, où l’ambiance des jours de fête règne. Au programme : les visites de courtoisie des proches et amis. Et les poulets, donc. Un seul regret pour le père de famille : qu’il y ait « deux » Korité au Sénégal.

Une partie des musulmans du Sénégal a célébré la fin du ramadan la veille, vendredi 17 juillet.

Pendant que la famille devise sur l’impossibilité de l’islam du Sénégal d’avoir une seule et même voix, les enfants préfèrent le débat, plus prosaïque, de leurs tenues de fête pour la chasse aux « Ndéwénales ».

Ce sont les étrennes, en argent, qu’ils demandent en famille et dans le proche voisinage.

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Malgré les récentes disparitions d’enfants dans l’actualité sénégalaise, les recommandations de vigilance de Birane passent au second plan face à l’enthousiasme de ses enfants.

Alors que les dernières lueurs de la journée s’enfoncent dans l’écrin du soir, c’est au tour de toute la famille, avec les enfants revenus, d’aller rendre visite aux grands-parents. Pour clore une longue journée de fête.

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