Au moment où les effets délétères de la crise post-électorale ivoirienne, ouverte par le refus de Laurent Gbagbo d’accepter sa défaite, continuent d’empoisonner le climat social et politique en Côte d’Ivoire, la réélection d’un président socialiste au Venezuela, Hugo Chavez, au terme d’une élection présidentielle transparente à participation populaire massive comme en Côte d’Ivoire en 2010, nous interpelle.

Chavez comme Gbagbo ?

Toutes proportions gardées et en n’occultant pas les différences qui distinguent les deux pays, quelques parallèles et similitudes entre la Côte d’Ivoire et le Venezuela offrent l’occasion d’une brève analyse comparative et d’une réflexion critique qui peuvent éclairer.

Au Venezuela, comme en Côte d’Ivoire, le pourcentage de la participation populaire aux élections présidentielles, transparentes dans les deux cas, excéda les 80%. En Côte d’Ivoire comme au Venezuela l’élection présidentielle a opposé un président socialiste classé sous l’obédience socialiste, à un challenger libéral.

Laurent Ggagbo se dit socialiste ; tout comme Hugo Chavez. Alassane Ouattara est libéral. Henrique Capriles de même.

Au Venezuela Chavez a été élu en 1998 puis réélu en 2000 et 2006, en toute légitimité, pour poursuivre son projet socialiste fondé dans la révolution bolivarienne et sur son anti-capitalisme et son anti-impérialisme.

 En Côte d’Ivoire Gbagbo a été élu en 2000 sous une étiquette socialiste et un anticolonialisme panafricaniste brouillé cependant par un ethno-nationalisme xénophobe.

En avril 2002, Chavez affronte un coup d’Etat. En 2002, Gbagbo aussi affronte un coup d’EtatAu Venezuela, Hugo Chavez met en œuvre une politique sociale de redistribution conformément à son programme politique et organise des élections après la tentative de coup d’Etat contre son pouvoir en 2002. Réélu en 2006 avec 62,84%, Hugo Chavez est réélu en 2012 avec 54,42 des voix, un effritement des voix qui témoigne d’un certain désenchantement de son électorat.

Et cette baisse significative de sa crédibilité laisse croire que Chavez risque de perdre la prochaine élection présidentielle de 2019 s’il ne parvient pas à satisfaire les attentes de la population vénézuélienne.

En Côte d’Ivoire, Gbagbo est battu, en 2010 à la seule élection présidentielle organisée depuis la tentative de coup d’état de 2002… Après 8 ans !

La population ivoirienne, paupérisée, désenchantée et traumatisée par les violences et les clivages pratiqués par un régime corrompu l’avait manifestement sanctionné dans les urnes.

Après sa première élection, Chavez dut faire face aux assauts d’une opposition qui, à l’époque, refusait les mécanismes démocratiques. Coup d’Etat avorté, grève du secteur pétrolier, boycott des élections législatives, telles furent les manœuvres les plus mémorables de cette opposition.

Au Venezuela, la tentative de coup d’Etat de 2002 ne conduit pas, certes, à une quasi-partition du pays. Mais après sa reprise du pouvoir, Chavez affronte une opposition résolue et constante qui utilise toutes les palettes de la contestation politique pour reconquérir le pouvoir.

 Malgré ce climat tendu, Chavez organise des élections démocratiques en 2006, où il est confortablement réélu avec 62,84% des voix, avant de remporter cette nouvelle élection en 2012En Côte d’Ivoire, après sa prise du pouvoir controversée aux termes d’ « une élection calamiteuse » en 2000 selon ses propres termes, Gbagbo fait face, lui aussi, à une tentative de coup d’Etat en 2002. Il affronte une opposition qui conteste son investiture dans une élection fondée sur le clivage et la stigmatisation ethniques où la candidature des chefs des deux grands partis d’opposition a été refusée et où Gbagbo n’a été élu qu’avec 18% des suffrages avec un taux d’abstention de 62,% des inscrits.

Au Venezuela, dans un climat de contestation politique et de manœuvres destinées à l’empêcher de gouverner, Chavez met en œuvre une politique fondée sur la réalisation de vastes programmes sociaux pour répondre à une opposition politique résolue, fondée sur les revendications économiques et politiques d’une bourgeoisie qui s’estime profondément lésée dans ses intérêts de classe.

Chavez utilise la rente pétrolière pour réaliser des investissements dans l’éducation, la santé et l’habitat au profit des plus pauvres et des déshérités de la société vénézuélienne.

Et malgré le climat politique tendu après la tentative de coup d’état de 2002, il organise des élections en 2006 qu’il remporte. Comme le souligne la sociologue Jessica Brandler-Weinreb, Chavez dans ce contexte de graves tensions au sein d’une société polarisée, s’attache à renforcer le sentiment national en construction dans le pays en travaillant à la cohésion et à l’unité des diverses composantes de la société vénézuélienne.

En Côte d’Ivoire, le nationalisme ethniciste, la stigmatisation des étrangers et de ceux des Ivoiriens qu’il considère comme tel, et la rupture de l’unité nationale en construction dans le pays, supplantent le projet de société socialiste dans le programme de Gbagbo. Laurent Gbagbo bloque les élections après la tentative de coup d’Etat de 2002.

Il utilise la rente du café et du cacao à l’enrichissement personnel des caciques du pouvoir et de leurs clientèles, à l’entretien d’un réseau international de propagandistes au service de son pouvoir et à son armement pour préparer la guerreIl laisse péricliter le patrimoine d’infrastructures construit dans le pays durant les années 1960 à 2000 avant sa prise du pouvoir.

Il brime l’opposition et met en œuvre une terreur politique menée par des milices fanatisées et une armée ethnicisée, dévouée à sa personne comme en témoignent les déclarations récentes du commandant de la garde républicaine sous Gbagbo le général Dogbo Blé Brunot lors de son actuel procès. Il transforme les médias publics en organes de propagande dévolus à son gouvernement. Il clive la société ivoirienne en organisant un clientélisme ethnique fondé sur la xénophobie.

Au Venezuela, après sa reprise du pouvoir aux termes de la tentative de coup d’Etat en 2002, Chavez n’inaugure pas une purge sanglante dans l’opposition et ne décrète pas une chasse à l’homme dans les milieux d’affaire de la bourgeoisie pétrolière dont certains membres venaient pourtant de le séquestrer dans le palais présidentiel durant le déroulement de la tentative de coup d’Etat.

En Côte d’Ivoire après la tentative de coup d’Etat Gbagbo lance une purge sanglante et une chasse à l’homme menée par des escadrons de la mort durant lesquelles les opposants et les chefs des grands partis politiques, candidats à l’élection présidentielle sont traquésEt Gbagbo rompt la tradition politique établie depuis Houphouët Boigny, dont Gbagbo lui-même tient son intégrité physique, et à laquelle le général Guéi avait obéi en 1999 après son coup d’Etat : les tabous que sont en côte d’Ivoire, le respect de la vie de l’adversaire politique, le refus de l’ignominie et de la barbarie dans la lutte politique sont violés !

Au lieu de désarmer politiquement son opposition libérale par une mise en œuvre de programmes sociaux et de la décrédibiliser par une politique axée sur des travaux d’infrastructures et sur des investissements économiques et financiers productifs, Laurent Gbagbo, en Côte d’Ivoire, gaspille les ressources nationales par une redistribution clientéliste et une corruption endémique entre 2000 et 2010. Il choisit de brutaliser la vie politique et la vie quotidien afin de régner par la terreur. Cette politique de terreur laisse le pays exsangue jusqu’aux élections présidentielles en 2010.

Au Venezuela, la proportion de Vénézuéliens vivant avec moins de 2, 50 dollars a reculé de 48% en 1998, date de la prise du pouvoir par Chavez, à 27% en 2012. Malgré la corruption du régime et une redistribution clientéliste de la rente pétrolière, un certain délabrement des infrastructures provoqué par le siphonage des revenus pétroliers par les programmes sociaux et un désenchantement économique qui a entamé le crédit de confiance de la population, le bilan de Chavez a enregistré un succès certain dans le domaine du social.

Si Chavez, réélu aujourd’hui en 2012 à 54% alors qu’il l’était en 2006 avec 62%, ne parvient pas à redresser cette érosion de son crédit de confiance, il sera sûrement battu dans les urnes à la prochaine élection. Il ne devra pas son échec à la CIA ni à l’impérialisme américain, ni à un complot international, mais à son incapacités à réaliser une synthèse harmonieuse entre la redistribution  sociale et l’investissement économique et à satisfaire toutes les attentes de sa population !

Après avoir refusé les mécanismes démocratiques en 2002, l’opposition vénézuélienne s’y est soumise depuis 2006. Elle met en œuvre un projet de société et travaille à reconquérir l’électorat en vue des prochaines élections en 2009.

Elle vient d’accepter sa défaite avec un fair-play démocratique en prenant rendez-vous pour l’avenir.

En 2010, Gbagbo est battu dans les urnes en raison de l’échec social, économique et politique de son gouvernement !

Décevant gravement la population, il n’avait en effet réalisé aucun programme social ni économique ! Son échec politique personnel s’expliquait par une absence de projet socialiste structuré et par un défaut de conviction que devait trahir la conversion ethniciste de son nationalisme aussitôt le pouvoir par lui conquis !

Refusant cependant de reconnaître sa défaite en 2010 et de céder le pouvoir, il plongea la Côte d’Ivoire dans la guerre civile et la destruction.

Rejetant aujourd’hui encore, après plus d’une année, la réconciliation nationale et les mécanismes démocratiques, ses partisans et les caciques du régime, en fuite à l’étranger, continuent de lancer des assauts contre le nouveau pouvoir légitime ivoirien et s’évertuent à déstabiliser la Côte d’Ivoire !

En 2015, en Côte d’Ivoire, la maturité politique immémoriale des peuples qui, dans les démocraties, jugent leurs gouvernants d’après les bénéfices concrets qu’ils attendent d’eux et qu’ils retirent de leur mandature, entraînera la décision de reconduire l’actuel président ivoirien Alassane Dramane Ouattara ou de le destituer dans les urnes comme elle a choisi son candidat au Venezuela !

Il y a cependant fort à parier que le crédit du FPI déjà fortement entamé par sa faillite, signera la certitude de sa défaite en 2015.

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