Mame Diarra Thiam alias «Bousso Express», incarne à elle seule, la réussite d’une livreuse qui s’est forgée toute seule la réussite. Voici le Portrait qui nous conduit sur le trajet d’une bosseuse.
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Après une carrière en football riche de cinq sélections en équipe nationale féminine et de plusieurs trophées en championnat local, Mame Diarra Thiam s’est reconvertie dans le métier de la livraison.
À bord de son scooter, « Bousso Express », son pseudonyme, fait le tour de la capitale, jouant le relais entre les commerçants et les clients. Au seuil de la trentaine, la « rasta » rêve d’une grande entreprise qui emploie et contribue au développement de l’économie.
Au dernier virage du mois du Ramadan, l’ambiance est au summum devant le magasin Casino de Bourguiba. Des vendeurs à la sauvette brandissent sous-vêtements, bracelets et chaussures. Sur le parvis, des femmes et des hommes installés sous des pavillons proposent des produits alimentaires à base de plantes naturelles, des sirops et des habits à tissage local.
Dans ce petit périmètre aux nombreuses opportunités, les livreurs ne sont pas aux abonnés absents. Impossible de rater de telles occasions à trois heures de la rupture du jeûne. Surtout qu’on emprunte le sprint final vers la Korité, un moment propice pour effectuer plusieurs courses et constituer un relais entre le commerçant et le client.
Ils sont nombreux, assis sur leurs scooters. Dans cet espace d’hommes, une jeune fille, l’unique d’ailleurs, sort du lot. Le style est masculin, la démarche sèche. Mesurant à peu près 1,85 mètre, Mame Diarra Thiam dite « Bousso Express » rigole sous une casquette bleue ajustée au-dessus de ses dreadlocks caressant son cou.
« Permettez-moi d’aller récupérer mon casque », lance-t-elle d’une voix rauque et d’un ton amical. Baskets bleus harmonisées à son tee-shirt, elle s’introduit dans une boutique.
Toute souriante, elle en ressort, quelques secondes plus tard, avec le casque autour de la tête. Elle est dans ses habits de livreuse. Du coup, elle monte sur son scooter, prête à partir pour n’importe quelle destination, à condition que le tarif proposé lui convienne.
« La livraison est mon unique préoccupation. Je quitte Guédiawaye tous les matins pour parcourir des kilomètres. Mon itinéraire est tracé par la clientèle. L’essentiel est de gagner ma vie dignement », lâche Mame Diarra.
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Mame Diarra Thiam « Bousso » rêve grand
« On se voit tout à l’heure à Nord Foire », donne-t-elle rendez-vous le lundi à 13 heures 28 minutes. Dix minutes plus tard, l’horaire de la rencontre est repoussée à 15 heures à Liberté V. Difficile de la situer. Mame Diarra Thiam court au gré des sollicitations. Et au moment où l’on croit mettre la main sur elle, le téléphone la mobilise à nouveau.
Du coup, il va falloir attendre l’heure de pointe, ces instants de répit, pour causer en toute quiétude avec elle. Le métier de la livraison est une passion pour la dame qui l’emporte sur les préjugés.
« Je suis femme, je suis livreuse. Ce n’est pas facile, je suis sous-estimée parfois, mais je tiens bon », dit-elle fièrement. Ce métier, elle la pratique depuis 2016.
Au début, c’était avec sa propre moto qu’elle travaillait jusqu’à ce qu’elle tombe en panne en 2018. Adaptée au milieu, Bousso reprend service quelques mois après grâce à un homme qui n’a pas hésité à mettre à sa disposition un scooter.
« Depuis que j’ai perdu ma moto, je travaille pour un particulier. Je lui verse quotidiennement 4000 FCfa », informe-t-elle.
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Un statut d’employée auquel elle rêve de se départir en faisant de son surnom « Bousso Express » une réalité, donc une grande entreprise. « Je rêve d’avoir plusieurs scooters et embaucher des jeunes », confie-t-elle. Ceci lui permettra de soutenir sa famille.
« Je n’ai pas connu mon père, je vis avec ma mère et mon petit frère. Voir constamment ma mère rentrer du marché aux poissons à midi pour préparer le déjeuner m’a forgée. Cette précarité a fait de moi une femme qui aime se battre en toutes circonstances », insiste la célibataire à la porte de la trentaine.
Pas un fleuve tranquille
« Je travaille pour assurer la dépense quotidienne. Tous mes gains sont consacrés à ma famille », répète Bousso. À côté de ces journées souvent gracieuses, il y a les difficultés, les risques du métier. Ils ont pour noms : tracasseries routières et accidents de la circulation.
Sur la route, Mame Diarra Thiam a été victime d’accidents à deux reprises et a failli perdre sa jambe.
« Le premier, c’était à quelques jours de la Tabaski de 2019. Après avoir renversé une femme sur l’autoroute, je suis mal retombée. L’autre, c’était au troisième jour du Ramadan de l’année dernière. Heurtée par un véhicule, j’ai failli perdre ma jambe. J’en ai beaucoup souffert », se rappelle-t-elle.
La livreuse n’a été non plus épargnée par les déboires avec les clients. La dernière en date a été la perte d’un bijou à cause d’un sachet troué.
« Un jour, j’ai posé un coli à livrer devant le scooter. Je ne m’étais pas rendu compte que le sachet était troué. Arrivée chez la cliente, cette dernière m’a signalée la disparition d’un des bijoux. Aucune négociation n’était possible puisque la dame m’a sommée de lui rembourser le prix du bijou fixé à 30 000 FCfa.
Choquée, j’ai serré la ceinture malgré tout pour payer la somme au bout de quelques jours de courses », explique-t-elle. Pour éviter des incidents pareils, « Bousso Express » a pris une résolution : ne jamais livrer sans faire l’inventaire des différents produits du colis.
« Je ne livre pas n’importe quoi ; je fais preuve de prudence pour éviter les contentieux ou les colis piégés, car notre métier est très risqué », dit-elle.
Une carrière de footballeuse
Sa ligne fine, son activité débordante et son état d’esprit « endurant » sont un héritage de son passé sportif. « Depuis toute petite, j’ai aimé et pratiqué le sport », révèle Mame Diarra Thiam. Sa discipline favorite est le football. Une expérience de près de 15 ans sur les gazons et à divers niveaux. Sa carrière a débuté dans le championnat national populaire (Navétane) à Guédiawaye.
C’est ainsi qu’elle tape à l’œil du Football club panthère, club qu’elle intègre en 2009. Elle rejoignit, en 2011, Fc Sirènes et remporte ses tous premiers trophées. « Dans cette équipe, j’ai remporté 13 trophées », informe-t-elle.
Connu dans le milieu sportif féminin, Bousso signe ensuite au club les « Amazones » de Grand Yoff et renforce son palmarès en étant, à deux reprises, finaliste des éditions 2015 et 2016 de la Coupe du Sénégal.
Après diverses expériences en club, la joueuse au poste de milieu défensif arbore le maillot de l’équipe nationale féminine. « J’ai joué avec l’équipe nationale puisque sélectionnée à cinq reprises », se réjouit-elle.
Sa carrière en club fut clôturée par de brefs passages au Kaolack football club et aux Espoirs des Parcelles assainies. N’ayant pas pu réaliser son rêve de rejoindre l’Hexagone pour signer un contrat professionnel, elle met fin à sa carrière de footballeuse en 2019.
« C’est une fierté d’avoir porté les couleurs nationales, mais à un moment donné, n’ayant pas pu décrocher de contrat professionnel à l’étranger, j’ai décidé d’arrêter ce sport et de me consacrer au métier de la livraison pour soutenir quotidiennement ma mère et mon frère », indique Mame Diarra Thiam.
Des crampons rangés à jamais, mais la paire de baskets toujours chaussée, prête à démarrer la moto avec l’objectif de gagner constamment plus que la veille. Une conquérante !