A lâapproche des élections locales et bientôt de lâélection présidentielle ivoirienne, la question de lâimpartialité de la Commission Ãlectorale Indépendante (CEI), revient de manière récurrente. Lâopposition ivoirienne et certains journalistes dénoncent le déséquilibre quantitatif de sa composition qui avantagerait lâexécutif ivoirien. Ils en appellent donc à sa recomposition et la révocation de son Président.
Suffit-il, pour autant, de respecter les  principes dâéquilibre numérique et de mandat impératif pour garantir lâIndépendance et lâimpartialité des CEI en Afrique?
Lâhistoire des élections présidentielles africaines prouve que cet équilibre et cette limitation impérative du mandat ne suffisent pas à empêcher les tentatives de capture du vote et de détournement de la volonté  générale par des intérêts partisans et factionnels.
Lâindépendance et lâimpartialité dâune Commission Ãlectorale Indépendante sont donc loin de reposer exclusivement sur lâéquilibre numérique de sa composition et  sur le caractère délibératif-pluraliste et collégial  de ses décisions.
Le récent exemple Kenyan montre par ailleurs que le recours aux observateurs étrangers comme instance de contrôle pour résoudre, en appoint, le problème de crédibilité des présidentielles africaines nâest pas une panacée (cf. « La présidentielle kényane a révélé la mascarade quâest devenue lâobservation électorale en Afrique » de Seidik Abba. 07-09-2017. LeMonde.fr)
La crise dâindépendance et dâimpartialité des CEI et le problème de crédibilité des présidentielles dâAfrique Noire doivent être résolus de lâintérieur des Ãtats. Ces défaillances pourraient être liées à la crise de la Nation, à la carence de lâautonomie de la personne individuelle, de la conscience et du sens de la citoyenneté, du service de lâintérêt général et du bien public.
Destinée à assurer lâindépendance et lâimpartialité des CEI, lâinamovibilité et la limitation stricte de la durée de mandat de leurs membres ne parviennent pas à éliminer dans les opinions publiques africaines et dans les parties prenantes, le soupçon de partialité qui frappe ces institutions.
Ce soupçon est alimenté par des pratiques qui le confortent. Lâhistoire montre que les membres des CEI africaines ne parviennent pas assumer le devoir dâingratitude qui les porterait à la hauteur  de leur tâche.
Quoi quâinamovibles dès leur désignation, les membres des CEI africaines se conçoivent et sentent liés aux pouvoirs qui les ont nommés. Ils sâen ressentent débiteurs quoiquâils ne puissent, en raison du principe dâinamovibilité, être révoqués par ces pouvoirs et quâils soient théoriquement soustraient à leur pression. Leur statut de non-élus nâempêche pas les membres des CEI et des Cours Constitutionnelles africaines de se sentir politiquement et moralement redevables des pouvoirs qui les ont nommés.
Exemple détonant dâimpartialité et dâindépendance, la dissidence du juge David  Maraga au 1er tour de la récente présidentielle Kényane est lâune des rares exceptions qui confirment la règle de la dépendance et de la partialité.
Liés culturellement par dépendance personnelle de type amical, tribal, ethnique ou régional aux divers pouvoirs qui les y nommés, les membres des CEI et des Cours Constitutionnelles africaines ont des difficultés à incarner la Nation impersonnelle, à vouloir pour elle, à garantir la déclaration de la volonté générale, à servir lâintérêt général et le bien commun.
Pour résoudre la question de lâimpartialité de la CEI et des Cours constitutionnelles il faut donc voir plus loin. Lâeffectivité de lâimpartialité et de lâIndépendance des CEI résultent de la maturité politique de la Cité. Elles en sont lâexpression.
Lâéquilibre numérique de la composition des CEI, lâinamovibilité et le mandat impératif de ses membres, le caractère délibératif pluraliste et collégial de ses décisions ne produisent lâIndépendance et lâimpartialité quâen étant augmentés par lâaptitude de leur membre à lâautonomie individuelle, par leur conscience dâincarner la Nation et leur sens de la citoyenneté.
Pour se déterminer dans lâimpartialité, les membres des CEI et des Cours Constitutionnelles africaines doivent pouvoir se définir et se sentir comme représentants indépendants de la Nation et serviteurs de lâintérêt général et du bien commun, en rupture avec les pouvoirs qui les ont nommés. Il faut donc que préexistent une Nation à incarner, un intérêt général et un bien commun. Il faut que les membres dâune CEI aient conscience de servir ces généralités avec un sentiment de sacerdoce.
Nous buttons alors, en nos cités, sur le problème  de la carence de la décision subjective qui permet à lâacteur social ou politique de se transcender pour rompre ses conditionnements communautaires et ses attaches matériels et individuels  afin de se déterminer pour un universel, de vouloir pour une généralité telle la Nation, fut-ce au détriment de ses intérêts particuliers et ceux des pouvoirs qui les ont nommés.
La condition objective absolue de lâindépendance des membres des CEI et des Cours Constitutionnelles est avant tout leur capacité à se détacher des particularismes partisans pour représenter la Nation et vouloir pour elle. Leur conscience de lâintérêt général et leur sens du bien commun sont les conditions subjectives de possibilité de leur impartialité.
En Afrique Noire, lâimpartialité des CEI et des Cours Constitutionnelles et plus généralement des Institutions indépendantes chargées des tâches de régulation et de contrôle résultera de la construction et de la consolidation des Nations par delà les communautés primordiales.
Leur Indépendance effective résultera de lâaffermissement de lâautonomie individuelle, du développement de la responsabilité citoyenne et de la fidélité patriotique  qui permettent de transcender les fidélités primordiales, de rompre les dépendances personnelles et les attaches communautaires.