Les secrets du nombre 42. Tout sujet mathématique peut se heurter à des obstacles qui le rendent intéressant. Comment un nombre parfaitement banal a attiré l’attention des amateurs de science-fiction, des geeks… puis des mathématiciens.

Secrets du nombre 42

Tout le monde éprouve une fascination pour les affaires non résolues, comme celle de la mort du ministre Robert Boulin ou celle de la disparition de Xavier Dupont de Ligonnès.

Cela reste vrai même si à l’origine il n’y a qu’une blague, comme c’est le cas dans le roman de science-fiction Le Guide du routard galactique, paru en anglais en 1979.

Douglas Adams, son auteur, mentionne dans la partie finale de cette œuvre que la réponse à la grande question sur la vie, l’univers et tout le reste est 42 (« The answer to the ultimate question of life, the universe and everything is 42 »).

Ce premier roman d’une série de cinq évoque un ordinateur ultrapuissant qui, en calculant pendant 7,5 millions d’années, finit par répondre « 42 » à ceux qui l’interrogent au sujet de la question ultime sur la vie, l’univers et tout le reste.

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Les personnages réalisent que, malheureusement, la réponse donnée à l’issue du premier récit n’est pas très utile, car la question n’a pas été formulée de manière assez claire et précise.

L’ordinateur réplique alors que pour trouver le bon énoncé de la question dont la réponse est 42, il lui faudra construire une nouvelle version de lui-même et que cela prendra du temps. Cette nouvelle version de l’ordinateur est la Terre… et pour connaître la suite, il vous faudra lire les ouvrages d’Adams.

Ce choix par l’auteur du nombre 42 est devenu un élément central de la culture geek. Il est à l’origine d’une multitude de plaisanteries ou de clins d’œil échangés entre initiés.

Si par exemple vous demandez à votre moteur de recherche (en français ou en anglais) quelle est la réponse à la « grande question sur la vie, l’univers et le reste », il vous répondra très probablement : « 42 ».

C’est par exemple le cas pour Google, pour Qwant, pour Wolfram Alpha, spécialisé dans les problèmes de calculs mathématiques, mais aussi pour l’assistant de dialogue Clerverbot.

Des établissements privés d’enseignement informatique « écoles 42 » ont été créés à partir de 2013 et leur nom a clairement été choisi en référence aux romans de Douglas Adams.

Le développement à l’étranger de nouveaux « campus 42 » est prévu à raison de dix par an.

Le nombre 42 apparaît aussi sous différentes formes dans le film Spider-Man : New Generation.

Vous trouverez répertoriées une multitude d’autres occurrences volontaires et allusions à 42, par exemple dans l’article « La grande question sur la vie, l’univers et le reste » de Wikipédia.

Plus bizarrement, mais cette fois ce sont des coïncidences dont il serait vain de rechercher le sens, il a été remarqué, parmi bien d’autres choses, que :

– dans l’Égypte antique, durant le jugement de l’âme, le mort devait déclarer devant 42 juges ne pas avoir commis 42 péchés [voir l’article « Jugement de l’âme (Égypte antique) » de Wikipédia] ;

– la distance à parcourir lors d’un marathon est 42,195 kilomètres, car c’est la distance que le messager grec Philippidès a parcourue en 490 avant notre ère entre Marathon et Athènes pour annoncer la victoire contre les Perses. Le fait qu’à cette époque le kilomètre n’était pas défini ne doit qu’accroître notre étonnement ;

– il y aurait eu 42 empereurs tibétains anciens. Nyatri Tsenpo, qui régna vers 127 avant notre ère, fut le premier, et Langdarma, qui régna de 836 à 842, le dernier (voir l’article « List of emperors of Tibet » de Wikipedia) ;

– la Bible de Gutenberg, premier livre imprimé en Europe, comporte 42 lignes de texte par colonne et est d’ailleurs dénommée « Bible latine à quarante-deux lignes » ;

– dans l’actualité, 42 est le nombre de régimes de retraite qui seront réformés en France (www.monde-diplomatique.fr/2019/05/MARTY/59866).

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L’histoire de douglas Adams

Voici l’extrait du chapitre 27 du roman de Douglas Adams, Le Guide du routard [ou voyageur] galactique, où apparaît le fameux nombre 42 devenu fétiche des geeks et plus généralement des informaticiens du monde entier :

  • — Tu es prêt à nous la fournir ? insista Debilglos.
  • — Oui.
  • — Maintenant ?
  • — Maintenant, confirma Pensées Profondes.

Ils humectèrent tous les deux leurs lèvres desséchées.

  • — Bien que, ajouta Pensées Profondes, je ne pense pas qu’elle vous plaise.
  • — Pas d’importance ! dit Schnocdlu. Nous devons la connaître. Maintenant !
  • — Maintenant ? insista Pensées Profondes.
  • — Oui ! Maintenant…
  • — D’accord, dit l’ordinateur, qui retomba dans le silence.

Les deux hommes ne tenaient plus en place. La tension était proprement insoutenable.

  • — Elle ne va franchement pas vous plaire, observa Pensées Profondes.
  • — Dis-la-nous quand même !
  • — D’accord, dit Pensées Profondes. La réponse à la grande Question…
  • — Oui… !
  • — De la Vie, de l’Univers et du Reste…, poursuivit Pensées Profondes.
  • — Oui… !
  • — C’est…, dit Pensées Profondes, marquant une pause.
  • — Oui… !?
  • — C’est…
  • — Oui… !!!… ?
  • — Quarante-deux, dit Pensées Profondes, avec infiniment de calme et de majesté.

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Un choix arbitraire

La question de savoir si l’utilisation de 42 dans le roman de Douglas Adams avait dans son esprit un sens particulier lui a bien sûr été posée. Sa réponse est sans appel : « C’était une plaisanterie. Ce devait être un nombre ordinaire et plutôt petit, et j’ai choisi celui-ci.

Les représentations binaires, la base 13, les moines tibétains ne sont que des balivernes. Je me suis assis à mon bureau, j’ai regardé dans le jardin et je me suis dit ‘‘42 ira’’ et je l’ai écrit. »

L’évocation de la base 2 provient de ce que 42 s’écrit dans le système binaire 101010, ce qui est assez simple et a d’ailleurs eu pour conséquence que certains geeks ont fait la fête le 10 octobre 2010 (10-10-10).

L’évocation de la base 13 dans sa réponse s’explique d’une manière plus indirecte. À plusieurs reprises, le roman évoque que 42 serait la réponse à la question « combien font 6 fois 9 ? ».

Bien sûr, c’est absurde, puisque 6 × 9 = 54… mais justement, en base 13, le nombre s’écrivant 42 vaut 4 × 13 + 2 = 54.

À côté des occurrences introduites volontairement par les informaticiens pour s’amuser, et les rencontres inévitables avec le nombre 42 quand on cherche un peu partout dans l’histoire ou dans le monde, on peut quand même se demander si 42 est un nombre particulier du strict point de vue des mathématiques.

Mathématiquement singulier ?

Voici une liste de quelques propriétés mathématiques de 42.

  • ♦ • 42 est la somme des trois premières puissances de 2 d’exposant impair (21 + 23 + 25 = 42). La suite a(n) des sommes de puissances impaires de 2 est la suite A020988 de l’encyclopédie des suites numériques de Neil Sloane (https://oeis.org). En base 2, son n-ième élément s’écrit 1010…10, avec « 10 » répété n fois, et sa formule est a(n) = (2/3)(4n – 1). Quand n augmente, la fréquence de ces nombres tend vers zéro, ce qui signifie que les nombres qui appartiennent à cette liste, donc 42 lui-même, sont exceptionnellement rares.
  • ♦ • 42 est la somme des deux premières puissances de 6 d’exposant non nul (61 + 62 = 42). La suite b(n) des sommes de puissances de 6 est la suite A105281 de l’encyclopédie de Sloane. Elle est définie par les formules b(0) = 0, b(n) = 6b(n – 1) + 6. La fréquence de ces nombres tend aussi vers 0 à l’infini.
  • ♦ • 42 est un nombre de Catalan. Les nombres de Catalan ont été mentionnés, sous un autre nom, pour la première fois par Leonhard Euler, qui voulait connaître le nombre de façons différentes de découper en plusieurs triangles un polygone convexe à n côtés en joignant des sommets par des segments de droite. Le début de la suite (A000108 chez Neil Sloane) est 1, 1, 2, 5, 14, 42, 132, … La formule c(n) = (2n)!/(n! (n+1)!) donne le n-ième terme de cette suite de nombres dont la densité, comme celles des deux précédentes, est nulle à l’infini.

Les nombres de la suite c(n) sont nommés en l’honneur du mathématicien franco-belge Eugène Charles Catalan (1814-1894), qui découvrit que c(n) est le nombre de façons de disposer n paires de parenthèses en respectant les règles habituelles d’écriture des parenthèses : jamais une parenthèse n’est fermée avant d’avoir été ouverte, et on ne peut fermer une parenthèse que lorsque toutes celles ouvertes depuis qu’elle a été ouverte sont elles-mêmes fermées.

Par exemple, c(3) = 5 car les dispositions possibles de 3 paires de parenthèses sont : ((())) ; ()()() ; (())() ; (()()) ; ()(()).

Le nombre c(n) est également le nombre d’arbres binaires portant n + 1 feuilles. C’est aussi le nombre de trajets montants sur un quadrillage situés sous la première diagonale. Cette propriété permet de comprendre la définition par récurrence des termes de la suite de Catalan, c(0) = 1 et c(n + 1) = Σ c(k)c(n – k), la somme portant sur les k allant de 0 à n. En effet, pour dénombrer le nombre de chemins allant jusqu’à l’abcisse n + 1, on considère un point intermédiaire, le plus bas possible, qui touche la diagonale ; ceux avant (strictement en dessous de la diagonale) donnent c(n – k), ceux après (en dessous au sens large de la diagonale) donnent c(k).

secrets du nombre 42
secrets du nombre 42

Les nombres de Catalan sont extrêmement rares, bien plus que les nombres premiers : seuls quatorze de ces nombres sont inférieurs à 1 milliard. Leur suite commence par :

1, 1, 2, 5, 14, 42, 132, 429, 1 430, 4 862, 16 796, 58 786, 208 012, 742 900, 2 674 440, 9 694 845, 35 357 670, 129 644 790, 477 638 700, 1 767 263 190, 6 564 120 420, 24 466 267 020, 91 482 563 640, 343 059 613 650, 1 289 904 147 324, 4 861 946 401 452, 18 367 353 072 152, 69 533 550 916 004, 263 747 951 750 360, …

Le nombre 42 est le nombre de Catalan c(5). Cela signifie en particulier qu’il y a 42 façons de placer 5 paires de parenthèses correctement (a) : une paire ne se ferme jamais avant d’avoir été ouverte, et ne se ferme jamais avant que toutes celles ouvertes depuis qu’elle a été ouverte sont elles-mêmes fermées.

Cela signifie aussi que si l’on se donne un quadrillage de côté 5 et que, en suivant les côtés des carrés du damier, on veuille joindre le coin en bas à gauche au coin en haut à droite sans couper la diagonale et sans jamais redescendre, il y a 42 façons de le faire (b).

De même, le nombre d’arbres binaires à 6 feuilles est 42 (c), le nombre de façons de paver le côté d’un escalier de 5 marches par des rectangles est 42 (d) et le nombre de façons de découper un heptagone régulier en plusieurs triangles en faisant se rejoindre des sommets est 42 (e).

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  • – 42 est un nombre « pratique », ce qui veut dire que tout entier compris entre 1 et lui-même est somme de certains de ses diviseurs (distincts). Les premiers nombres pratiques sont 1, 2, 4, 6, 8, 12, 16, 18, 20, 24, 28, 30, 32, 36, 40, 42, 48, 54, 56, 60, 64, 66, 72 (suite A005153 de Neil Sloane). On ne connaît aucune formule simple donnant le n-ième terme de cette suite, et la fréquence limite de ses termes semble cette fois positive.

Tout cela est amusant, mais il est faux de dire que 42 est vraiment exceptionnel sur le plan mathématique. Les nombres 41 ou 43, par exemple, appartiennent eux aussi à de nombreuses séries. Pour explorer ces questions, utilisez le lien https://fr.wikipedia.org/wiki/42_(nombre) en y remplaçant 42 par le nombre qui vous intéresse.

Le problème de savoir quels nombres sont plus particulièrement intéressants ou plus particulièrement inintéressants a été étudié par Nicolas Gauvrit, Hector Zénil et moi-même en partant des suites répertoriées par Neil Sloane dans son encyclopédie.

Outre un lien théorique avec la complexité de Kolmogorov (les nombres intéressants sont ceux disposant au moins d’une description brève), il a été montré un effet culturel spécifique pour les nombres retenus par l’encyclopédie de Neil Sloane, qui est donc autre chose qu’une encyclopédie fondée sur une pure objectivité mathématique (voir la bibliographie).

Du nombre 42 au problème des sommes de trois cubes !

Les informaticiens et mathématiciens savent l’attrait du nombre 42 et ont toujours pensé que c’était un simple jeu que l’on aurait pu tout aussi bien mener avec un autre nombre. Reste tout de même un élément récent d’actualité qui les a beaucoup amusés.

Le nombre 42 a réellement donné beaucoup plus de fil à retordre que tous les autres nombres inférieurs à 100 dans le problème des 3 cubes.

Le problème des 3 cubes s’énonce ainsi :

Quels sont les nombres entiers n que l’on peut écrire sous la forme d’une somme de trois cubes de nombres entiers, n = a3 + b3 + c3 ? Et, quand c’est le cas, comment trouver a, b et c ?

La difficulté, même sur un plan pratique pour mener des calculs, provient de ce que, pour un n donné, l’espace des triplets à explorer fait intervenir des nombres entiers négatifs. Cet espace est donc infini, ce qui n’est pas le cas quand on s’intéresse aux sommes de carrés : dans une telle somme de carrés donnant n, chaque carré a une valeur absolue inférieure à ℘∠n. D’ailleurs, pour les sommes de carrés, on sait parfaitement ce qui est possible et impossible.

4. Les sommes de carrés

On sait seulement depuis septembre 2019 que le nombre 42 est la somme de trois cubes. Les sommes de cubes sont difficiles à maîtriser à cause des entiers négatifs. En revanche, les sommes de carrés de nombres entiers, qui intéressent les mathématiciens depuis l’Antiquité, sont maintenant parfaitement connues. Voici rappelés les résultats à leur sujet.

Sommes de deux carrés

– Un nombre premier impair est somme de deux carrés de nombres entiers si et seulement s’il est de la forme 4k + 1. La décomposition en somme de deux carrés est alors unique. Exemples : 5 = 12 + 22, 13 = 22 + 32, 17 = 12 + 42.

– Un entier n est somme de deux carrés si et seulement si chacun de ses facteurs premiers de la forme 4k + 3 intervient avec un exposant pair dans la décomposition en facteurs premiers de n.

Exemple : 45 = 325 = 62 + 32.

La décomposition de 45 en facteurs premiers fait intervenir 3, qui est de la forme 4k + 3, avec un exposant pair. Le nombre 45 satisfait donc la condition du théorème et s’écrit effectivement comme somme de deux carrés
(voir Théorème des deux carrés de Fermat).

Sommes de trois carrés

– Tous les nombres entiers sauf ceux de la forme 3n et 8n + 7 sont des sommes de trois carrés
(voir Théorème des trois carrés).

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Sommes de quatre carrés

Tout nombre entier est somme de quatre carrés. Ce magnifique théorème fut démontré en 1770 par Lagrange et redémontré en 1772 par Euler
(voir Théorème des quatre carrés de Lagrange).

Dans le cas des cubes, on trouve des solutions inattendues très grandes, comme celle pour 156, découverte en 2007 :

156 = 265771108075693 + (− 18161093358005)3 + (− 23381515025762)3.

La première chose à noter pour qui s’intéresse aux sommes de trois cubes est que, pour certaines valeurs de l’entier n, l’équation n = a3 + b3 + c3 n’a pas de solution. C’est le cas pour tous les entiers n de la forme 9m + 4 et 9m + 5 (par exemple 4, 5, 13, 14, 22, 23). La démonstration de cette affirmation est assez simple. On utilise le calcul « modulo 9 », qui revient à supposer que 9 = 0 et à ne manipuler que des nombres entre 0 et 8 ou entre – 4 et + 4.

On constate d’abord que : 03 = 0 (mod 9) ; 13 = 1 (mod 9) ; 23 = 8 = – 1 (mod 9) ; 33 = 27 = 0 (mod 9) ; 43 = 64 = 1 (mod 9) ; 53 = (– 4)3 = – 64 = – 1 (mod 9) ; 63 = (-3)3 = 0 (mod 9) ; 73 = (– 2)3 = 1 (mod 9) ; 83 = (– 1)3 = –1 (mod 9).

Autrement dit : modulo 9, le cube d’un nombre entier vaut soit – 1 (= 8), soit 0, soit 1. Or l’addition de trois nombres choisis parmi 0, 1 et – 1 donne :

0 = 0 + 0 + 0 = 0 + 1 + (– 1) ; 1 = 1 + 0 + 0 = 1 + 1 + (– 1) ;

2 = 1 + 1 + 0 ; 3 = 1 + 1 + 1 ; 6 = – 3 = (– 1) + (– 1) + (– 1) ;

7 = – 2 = (– 1) + (– 1) + 0 ; 8 = – 1 = (– 1) + 0 + 0 = 1 + (– 1) + (– 1).

On n’obtient jamais 4 ou 5 (= – 4). Cela signifie que les sommes de trois cubes ne sont jamais des nombres de la forme 9m + 4 ou 9m + 5. Nous dirons que n = 9m + 4 et n = 9m + 5 sont des valeurs interdites.

La recherche des solutions, en pratique

Pour illustrer à quel point la recherche des solutions de l’équation n = a3 + b3 + c3 est délicate, indiquons ce qui se passe pour n = 1 et n = 2.

Pour n = 1, il y a la solution évidente 13 + 13 + (– 1)3 = 1.

En existe-t-il d’autres ? Oui :

93 + (– 6)3 + (– 8)3 = 729 + (– 216) + (– 512) = 1.

Ce n’est pas la seule, car, en 1936, le mathématicien allemand Kurt Mahler a proposé une infinité de solutions. Pour tout entier p :

(9p4)3 + (3p − 9p4)3 + (1 − 9p3)3 = 1.

On prouve le résultat en utilisant l’identité remarquable : (A + B)3 = A3 + 3A2B + 3 AB2 + B3.

Un ensemble infini de solutions est aussi connu pour n = 2 ; il a été découvert en 1908 par un certain A. S. Werebrusov. Pour tout entier p :

(6p3 + 1)3 + (1 − 6p3)3 + (− 6p2)3 = 2.

En multipliant chaque terme de ces égalités par le cube d’un entier, r3, on en déduit qu’il existe aussi une infinité de solutions pour tout cube d’un entier et tout double du cube d’un entier.

Pour 16 par exemple, qui est le double du cube de 2, on a : 143 + (– 10)3 + (– 12)3 = 16

Indiquons encore que pour n = 3, on ne connaissait en août 2019 que deux solutions :

13 + 13 + 13 = 3 et 43 + 43 + (– 5)3 = 3.

Vient alors naturellement à l’esprit la question : existe-t-il des solutions pour toutes les valeurs non interdites de n ?

Les ordinateurs au travail

Pour répondre, on a commencé par prendre la suite des valeurs non interdites 1, 2, 3, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 16, … (A060464 de Neil Sloane) en les étudiant une par une. Si aucune de celles étudiées ne se révèle impossible, on aura des raisons de conjecturer que pour tout entier n qui n’est pas de la forme n = 9m + 4 ou n = 9m + 5, il existe des solutions à l’équation n = a3 + b3 + c3.

Les recherches menées, en fonction de la puissance des ordinateurs ou réseaux d’ordinateurs utilisés, ont donné une série de résultats de plus en plus nombreux. Ce sont eux qui vont à nouveau nous mener au fameux et intrigant nombre 42.

En 2009, Andrea-Stephan Elsenhans et Jörg Jahnel, utilisant une méthode proposée par Noam Elkies en 2000, ont exploré tous les triplets a, b, c d’entiers de valeur absolue inférieure à 1014 pour rechercher les solutions pour n compris entre 1 et 1 000. Leur article concluait que la question de l’existence d’une solution pour les nombres inférieurs à 1 000 restait ouverte uniquement pour 33, 42, 74, 114, 165, 390, 579, 627, 633, 732, 795, 906, 921, et 975.

Pour les entiers inférieurs à 100, seules trois énigmes subsistaient donc : 33, 42 et 74.

En 2016, Sander Huismen poussa un peu plus loin l’exploration et trouva une solution pour 74 : (–284650292555885)3 + (66229832190556)3 + (283450105697727)3.

Restaient alors seulement 33 et 42 pour les n inférieurs à 100. En mars 2019, Andrew Booker régla le cas de 33 : (8866128975287528)3 + (− 8778405442862239)3 + (− 2736111468807040)3. Dès lors, le nombre de Douglas Adams était le dernier entier positif et inférieur à 100 pour lequel on ignorait s’il pouvait s’écrire comme une somme de trois cubes d’entiers.

Si la réponse avait été négative, on aurait eu une raison mathématique vraiment sérieuse de donner de l’importance à 42 ; il aurait été le premier nombre possiblement somme de trois cubes qui ne l’aurait pas été. Les ordinateurs ont peiné, mais ils ont déçu ce bref espoir.

raison mathématique vraiment sérieuse de donner de l’importance à 42 
raison mathématique vraiment sérieuse de donner de l’importance à 42

Début septembre 2019, 42 était l’entier positif le plus petit et le seul inférieur à 100 pour lequel on ignorait s’il était somme de trois cubes d’entiers.

Andrew Booker, de l’université de Bristol, en Angleterre, et Andrew Sutherland, du MIT, aux États-Unis, ont utilisé le système de calcul Charity Engine pour mener un énorme calcul d’exploration équivalent à plus de 1 million d’heures de calcul d’un ordinateur de bureau courant. Une solution a été trouvée :

42 = (– 80 538 738 812 075 974)3 + 80 435 758 145 817 5153 + 12 602 123 297 335 6313.

Le système de calcul Charity Engine coordonne plus de 500 000 machines personnelles de volontaires. Il les fait fonctionner pendant les moments où elles sont inutilisées, ce qui permet
de réaliser d’énormes calculs à moindre coût. Charity Engine est fondé sur un programme de l’université de Berkeley et géré par la société Worldwide Computer Company.

La puissance informatique domestique résiduelle des ordinateurs du projet est vendue aux universités et aux entreprises. Les bénéfices sont versés à des associations caritatives ou servent à organiser des tirages au sort périodiques pour récompenser les participants au réseau. La puissance de calcul non achetée est attribuée à des projets informatiques divers.

La même méthode a aussi conduit à découvrir une expression inattendue de 3 comme somme de trois cubes :

3 = (– 472 715 493 453 327 032)3 + (– 569 936 821 113 563 493 509)3 + 569 936 821 221 962 380 7203.

Les seuls entiers inférieurs à 1 000 dont on ignore maintenant s’ils sont somme de trois cubes sont 114, 390, 579, 627, 633, 732, 921 et 975.

Mathématiques : Les secrets du nombre 42 2

La réponse est venue en septembre 2019. Ce fut le résultat d’un calcul faramineux coordonné par Andrew Booker et Andrew Sutherland. Des ordinateurs participant au réseau Charity Engine d’ordinateurs personnels calculant pendant l’équivalent de plus de 1 million d’heures découvrirent que :

42 = (– 80538738812075974)3 +
804357581458175153 + 126021232973356313

Les cas des entiers 165, 795 et 906 ont été aussi résolus récemment. Il ne reste donc que les cas de 114, 390, 579, 627, 633, 732, 921 et 975 à régler pour les entiers inférieurs à 1 000.

La conjecture qu’il existe des solutions pour tous les n qui ne sont pas de la forme 9m + 4 ou 9m + 5 semble donc se confirmer. En 1992, Roger Heath-Brown a proposé une conjecture plus forte affirmant que pour tous les n envisageables, il existe une infinité de façons de les écrire comme somme de trois cubes. Le travail est donc loin d’être terminé.

La difficulté du problème apparaît énorme, ce qui fait envisager que le problème « n est-il une somme de trois cubes ? » pourrait être indécidable.

Autrement dit, il se pourrait qu’aucun algorithme, aussi astucieux soit-il, ne soit capable de traiter tous les cas possibles.

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C’est le cas pour l’arrêt des programmes, Alan Turing ayant montré en 1936 qu’aucun algorithme ne peut les traiter tous. Mais ici, nous sommes dans un domaine purement numérique très simple à énoncer, et donc si l’on arrivait à prouver une telle indécidabilité, ce serait une nouveauté.

Le nombre 42 était difficile, mais ce n’était qu’une étape !

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