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A la reconquête des terres salées au Sénégal

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De nouvelles techniques de repiquage sont enseignées aux producteurs locaux
De nouvelles techniques de repiquage sont enseignées aux producteurs locaux

Les terres salées d’hier deviendront demain des terres promises au Sénégal. Les femmes apprennent de nouvelles techniques agricoles dans une rizière. A la découverte d’un projet de recherche qui aide les agriculteurs du Sénégal à lutter contre la salinisation des terres.

terres salées d’hier deviendront demain des terres promises au Sénégal.

Le Sénégal reste l’un des plus gros producteurs de sel en Afrique de l’ouest avec une production annuelle qui a atteint en 2015 quelques 446.000 tonnes.

Le sel est donc une manne précieuse pour le pays mais sa trop grande présence dans le sol est pourtant un facteur de désolation pour les agriculteurs.

Selon le projet d’évaluation de la dégradation des terres au Sénégal (LADA, 2009), 45 % des 3 800 000 ha de terres arables du pays sont touchées par la salinisation.

Il s’agit d’un phénomène naturel qui se caractérise par des niveaux de sel plus élevés que la normale dans le sol. Et l’accumulation du sel dans le sol se fait de diverses manières.

« Près de la côte et dans les estuaires des rivières, l’eau de mer salée peut envahir les terres basses » indique Professeur Abdala Gamby Diédhiou, enseignant chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

« De mauvaises pratiques d’irrigation et de drainage des terres peuvent également augmenter la teneur en sel du sol, surtout lorsque l’eau d’irrigation est salée ».

Dans l’un ou l’autre des cas, les sols ainsi affectés par la salinisation deviennent totalement impropres à l’agriculture.

Les graines enfouies dans le sol germent difficilement et la croissance des rares pousses qui émergent est très très lente.

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Au Sénégal, de nombreuses régions sont confrontées au problème de la salinisation des terres, notamment dans la région naturelle du Sine Saloum où un projet transnational (Sénégal-Burkina Faso) est mis en œuvre.

Dans ce pays côtier d’Afrique de l’Ouest, quatre partenaires, avec le soutien de l’Initiative des conseils subventionnaires scientifiques en Afrique subsaharienne (SGCI), travaillent avec les populations locales de Santhie Bodian et de Coular pour la revalorisation des terres touchées par la salinisation.

Au cœur du projet, la riziculture et le développement des cultures maraîchères avec des techniques agricoles innovantes.

L’Université Cheikh Anta Diop, l’Université du Sine Saloum, l’Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA) et l’ONG Caritas dirigent ce projet avec diverses compétences au sein de l’équipe de recherche.

Celle-ci comprend des microbiologistes du sol, des botanistes et des spécialistes de la physiologie des plantes.

En tant que chef d’équipe de ce projet de recherche, Professeur Diédhiou mentionne que l’aspect collaboratif du projet n’est pas seulement effective au sein de l’équipe en termes de différentes expertises mais implique également les communautés locales.

Des pépinières à la cuisson du riz pour en évaluer le goût, des focus groupes ont été mis en place pour faciliter l’apprentissage et recueillir d’importantes données non pas seulement scientifiques mais aussi socio-culturelles.

Professeur Abdala Gamby Diédhiou, chef d’équipe du projet de recherche

Professeur Abdala Gamby Diédhiou, chef d’équipe du projet de recherche

Changer des vies au-delà de la recherche

C’est donc un projet de recherche-active qui vise à lutter durablement contre la salinisation des sols, augmenter la production alimentaire et les revenus des agriculteurs.

Ceci pour répondre aux besoins d’une population en croissance rapide dans le contexte de changement climatique tout en luttant contre la dégradation des terres agricoles, qui affecte négativement la production alimentaire.

Au cours de la mise en œuvre du projet, l’équipe de chercheurs a impliqué la population locale de différents villages dans l’ensemble du processus.

Les agriculteurs et les chercheurs ont travaillé ensemble des pépinières à la récolte, en passant par le partage des nouvelles techniques agricoles sur terres salées.

A titre d’exemple, les agriculteurs ont appris à consolider les digues d’évacuation du sel dans les rizières, à préparer les pépinières et les surfaces de culture grâce à l’utilisation de la coque d’arachide avec son fort taux d’absorption du sel.

Les nouvelles pratiques agricoles enseignées concernent aussi l’utilisation de l’engrais dans la riziculture selon une technique de protection des sols : une grande nouveauté dans la riziculture locale.

A cela s’ajoute des innovations majeures au niveau du repiquage avec un protocole qui stresse moins les jeunes pousses.

Les pépinières sont préparées pour mieux résister au sel

Les pépinières sont préparées pour mieux résister au sel

De nouvelles techniques de repiquage sont enseignées aux producteurs locaux

De nouvelles techniques de repiquage sont enseignées aux producteurs locaux

« Des gabarits de repiquage espacés de 20 centimètres ont été conçus avec les populations locales et désormais, les producteurs de riz les utilisent avec des résultats qui leur redonnent de l’espoir » explique Réné Sarr de Caritas, coordinateur du projet.

Pour mesurer l’impact du projet, les agriculteurs locaux ont utilisé leurs pratiques agricoles ancestrales qui leurs permettent de faire pousser les cultures sur les terres salées.

« L’équipe de recherche ne leur demande pas de cesser d’utiliser leurs pratiques habituelles. Nous les avons laissé utiliser leurs méthodes agricoles traditionnelles et nous travaillons sur une parcelle différente avec nos techniques agricoles innovantes » précise Professeur Abdala Gamby Diédhiou, chef d’équipe du projet.

Pendant la période de récolte, les agriculteurs ont pu facilement voir la différence entre les deux procédés agricoles rien qu’à la qualité et à la quantité de riz récolté par hectare.

À la fin du processus, les agriculteurs ont par eux-mêmes constaté l’avantage de moderniser leurs pratiques.

Les agriculteurs locaux sont habitués à cultiver deux espèces de riz (Kolossoto et Kouloussoutoum), mais le projet a introduit deux nouvelles variétés (ISRIZ 1 et ISRIZ 11), meilleures sur terres salées.

Au début du projet, de nombreux agriculteurs étaient convaincus que ces professeurs d’université venus de Dakar ne pourraient pas cultiver du riz sur cette terre salée.

Cependant, au fil de la croissance dans les basfonds, les agriculteurs septiques ont vu leurs plants de riz rester à l’état d’herbe alors que les plants de riz des parcelles du projet portaient déjà de beaux grains.

Alors que les variétés locales restent à l’état d’herbe, les nouvelles variétés portent déjà des grains

Alors que les variétés locales restent à l’état d’herbe, les nouvelles variétés portent déjà des grains

« La récolte des variétés ISRIZ 1 et d’ISRIZ 11 a commencé un mois avant celle des espèces de riz de notre localité : c’est quelque chose de concret » témoigne Omar Bodian, chef du village de Santhie Bodian.

Les agriculteurs ont donc définitivement décidé de cultiver ces deux nouvelles variétés de riz.

« Nous apprécions aussi le goût de ces nouvelles espèces de riz et les pratiques innovantes que nous avons apprises au cours de ce projet, ce qui nous a permis de mieux exploiter nos terres ».

Omar Bodian précise que des agriculteurs d’autres villages voisins viennent apprendre les pratiques innovantes que la population locale a apprises au cours du projet.

Un partage de connaissances qui aidera les populations vulnérables de la région à mieux exploiter leurs terres.

Dans la région naturelle du Sine Saloum où se trouvent Santhie Bodian et Coular, la vie est dure pour les agriculteurs car les terres sont moins productives.

L’agriculture reste cependant l’une des premières sources de revenus des populations de cette région.

Pourtant, certains paysans confrontés à la salinisation des terres se voyaient tenté par l’aventure de l’extraction traditionnelle du sel.

De nombreux habitants de cette région du Sénégal arrivent à peine à croire qu’il est possible de faire pousser du riz ou toute autre denrée alimentaire de manière adéquate sur ces terres salées.

Cette perception pourrait changer grâce à la lueur d’espoir qui pointe à l’horizon avec ce nouveau projet de lutte contre la salinisation des terres dans la région naturelle du Sine Saloum.

Un espoir pour le Sénégal tout entier qui pourrait aller à la reconquête des 45% de terres arables inexploitées en raison de la forte présence de sel.

Les femmes sont fortement impliquées dans l’exécution du projet

Les femmes sont fortement impliquées dans l’exécution du projet

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