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Chronique «Médiatiques»: Le virus, la finance et la planète

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Le virus, la finance et la planète
Le virus, la finance et la planète

Virus, finance et planète … sont des thématiques qui barrent la Une des quotidiens , hebdomadaires et Magazines. La presse déplore le ralentissement de la croissance chinoise dû à l’épidémie. Mais avec un trafic aérien en baisse, le pays produit moins de CO2. Une bonne nouvelle pour le climat, non ?

A ussi délicat que ce soit, risquons ici un paradoxe, et précisons d’emblée que nul ne saurait se réjouir de la mort de centaines voire de milliers de personnes.

A propos du coronavirus chinois, on sait tout ce qu’il est possible de savoir. Depuis quelques semaines, la presse généraliste multiplie les angles.

La rapidité inouïe de propagation de l’épidémie, les interrogations sur son origine, les mesures de protection adoptées par les pays étrangers, le fact-checking des rumeurs délirantes et des vidéos frelatées de passants tombant en syncope dans les rues, les comparaisons historiques, les répercussions politiques en Chine, les arrivées et l’accueil en France des voyageurs en provenance de Chine, les manifestations de racisme anti-asiatique, le destin tragique du jeune médecin lanceur d’alerte contaminé et mort la semaine dernière, les spéculations sur une révolte de la population chinoise contre l’impéritie de la dictature communiste sont des sujets fréquemment traités.

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Pourtant, au nombre des victimes, il en est une dont on ne souligne pas assez la souffrance, notamment dans les médias généralistes comme celui-ci, trop concentrés sur les futilités humaines : c’est le pétrole.

Ou plus précisément (car le pétrole lui-même ne souffre guère) le marché pétrolier, c’est-à-dire les producteurs, réunis pour une part dans l’Opep, ou plutôt «l’Opep +» (l’Opep traditionnelle plus dix autres pays, dont la Russie) qui s’est réunie en urgence, et siège sans discontinuer à Vienne ces derniers jours.

Oui, le baril souffre. Il vacille. Il plonge. Du point de vue du marché du pétrole, la situation est tragiquement simple : tournant désormais au ralenti, la Chine a entamé un régime sans pétrole.

Virus et CO2 ?

Le pays étant un très gros consommateur, la demande mondiale s’en ressent. Et même si elle ne s’effondre pas encore, même si «les marchés» se contentent d’anticiper cette chute, cette anticipation suffit aux «marchés des matières premières» à faire plonger le prix du baril, en vertu de l’adage «On vend d’abord, on réfléchit ensuite». Donc, le cours plonge.

Il arrive parfois (à l’heure où cette chronique est écrite) que la rumeur de découverte d’un vaccin fasse très légèrement remonter ce cours, mais globalement il plonge.

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Si bien que les pays exportateurs n’ont qu’une solution : réduire l’offre (tourner le robinet). Les pays arabes et la Russie s’affrontent d’ailleurs autour de cette grave question : faut-il réduire la production ?

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Les pétromonarchies y sont favorables. Pas la Russie, qui craint que cette réduction ne profite aux «pétroles non conventionnels» (huile de schiste) américains.

Le pétrole n’est d’ailleurs pas la seule victime «économique» de l’épidémie, et des mesures de protection adoptées par la Chine. Le transport aérien bat de l’aile. Le luxe ne va pas très bien non plus.

La maison Apple tremble sur ses bases, pour cause de paralysie de son fournisseur Foxconn. Allez savoir si l’épidémie ne va pas aller jusqu’à retarder le déploiement triomphal de la 5G, qui permettra aux populations extatiques de connecter leur réfrigérateur avec leur brosse à dents.

Dans la presse économique, ce n’est que déprimes, dévissages, plongeons, coups de froid sur la conjoncture, craintes, paniques, actions en souffrance, et dépressions des actionnaires.

Pour se distraire, on guette le rebond, car rebond il y aura, forcément. On tente de lire dans les entrailles des analystes financiers. 

«Le scénario le plus probable aujourd’hui est celui d’un choc temporaire», relativise, dans le Monde,une dirigeante du désormais célèbre fonds d’investissement BlackRock.

Ces préoccupations, je le répète, ne franchissent pas la barrière de la presse généraliste. Mais la presse économique, elle, n’est que déplorations et apocalypse. Comme si le ralentissement de la croissance chinoise ne pouvait être qu’une mauvaise nouvelle.

Et pourtant, la Chine est le premier émetteur mondial de CO2. Ses émissions vont donc (même provisoirement) ralentir.

Les voyages dont raffolent les nouvelles classes moyennes chinoises nourrissent l’essentiel de la hausse exponentielle du trafic aérien mondial (le transport aérien représente 6 % des émissions totales de gaz à effet de serre).

symptômes du coronavirus 2019-nCov

Du strict point de vue du dérèglement climatique – et même si l’effet en est en partie annihilé par une baisse des prix du pétrole -, ce ralentissement forcé constitue donc une bonne nouvelle, et il n’y en a pas tant que ça.

Pourquoi cet angle optimiste n’est-il jusqu’à maintenant jamais abordé, ni dans la presse économique, ni dans la presse généraliste, ni nulle part ?

Estimer que la planète pourrait bénéficier d’un répit du fait de la collision de la finance folle et d’une épidémie hors de contrôle sera jugé comme un scandaleux paradoxe.

Il ressemble au pitch d’une dystopie cynique, mais ne vivons-nous pas déjà en pleine dystopie ?

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