En Alsace, lâEspace muséographique Victor Schoelcher rend hommage à dix (10) femmes, noires ou banches, qui ont combattu lâesclavage. Elles furent esclaves, affranchies, marronnes (femmes qui se sont enfuies pour vivre en liberté), mais aussi féministes ou femmes de lettres.
Leurs noms ne sont pas forcément connus mais les dix (10) femmes qui sont évoquées dans cette exposition proposée jusquâau 23 août 2020 à Fessenheim sont sans conteste des femmes puissantes. Pour leur courage, elles méritent pleinement lâhommage qui leur est rendu aujourdâhui.
Table des matières
10 femmes en lutte contre l’esclavage
L’exposition Dix (10) femmes puissantes, portraits de femmes en lutte contre l’esclavage colonial retrace le parcours de Sanite Bélair (Haïti), Claire (Guyane française), Dandara (Brésil), Olympe de Gouges (France), Héva (La Réunion), Anne Knight (Angleterre), Cudjoe Queen Nanny (Jamaïque), La Mulâtresse Solitude (Guadeloupe), Sojourner Truth (Etats-Unis), Anne Zinga (Angola).
Chacune à sa façon, toutes ces femmes se sont opposées activement à lâesclavage colonial malgré les multiples discriminations et violences dont elles faisaient lâobjet.
Un tiers des douze à treize millions dâAfricains déportés dans l’Histoire sont des femmes. Même minoritaires dans les populations dâesclaves, elles ont joué un rôle fondamental pour trouver des solutions de survie et sâengager dans la lutte contre lâesclavage.
Des femmes hors-normes
Grâce à cette exposition, on découvre ainsi des parcours de vie fascinants, comme celui de Cudjoe Queen Nanny. Après avoir fui la plantation où elle travaillait (fuite qui fit dâelle une « marronne »), elle réussit avec son époux à créer une communauté autonome en Jamaïque dans la région des Blue Mountains.
Grâce à son intelligence (elle organise un commerce basé sur le troc pour faire vivre la communauté) et à son sens de la stratégie militaire (elle développe les tactiques de guérilla et camouflage), Nanny résiste aux attaques des Britanniques jusquâà sa mort supposée dans un combat en 1733.
Portrait de Cudjoe Queen Nanny – Exposition Dix femmes puissantes, portraits de femmes en lutte contre l’esclavage colonial – Espace muséographique Victor Schoelcher à Fessenheim (O. Barthélémy / France Télévisions)
« Supposée », car il est bien difficile dâavoir des témoignages avérés de la vie de ces femmes. Les témoignages des vies dâesclaves sont fragmentaires voire inexistants. Pourquoi ? Anissa Bouihed, responsable de l’Espace muséographique Victor Schoelcher, nous l’explique.
A lâépoque du commerce triangulaire, les esclaves étaient considérés comme une masse indistincte et sans personnalité. On les considérait comme des objets. Il y a donc peu de témoignages qui nous sont parvenus et encore moins ceux de femmes qui ont combattu lâesclavage. Anissa Bouihed, Responsable du musée
Le rôle des femmes en Europe
Mais l’exposition rend aussi hommage à des femmes qui se sont mobilisées en Europe pour dénoncer l’esclavage. A lâimage dâOlympe de Gouges (1748 â 1793), auteure au début des années 1780 de la première pièce du théâtre français dénonçant le système économique esclavagiste.
Lâécrivaine y critique ouvertement le Code Noir qui régit la vie des esclaves (promulgué par Louis XIV en mars 1685). Intitulée Zamore et Mirza, ou lâheureux naufrage ou LâEsclavage des nègres, cette Åuvre, considérée comme très audacieuse pour lâépoque, a failli envoyer son auteure à la Bastille.
Ce sont parfois des féministes qui sâemparent de cette lutte contre lâesclavage, notamment en Angleterre et aux Ãtats-Unis où le mouvement anti-esclavagiste donnera naissance au XIXe siècle à un nouveau féminisme.
Lâune des figures de ce mouvement est lâAnglaise Anne Knight (1781-1862) qui milite pour une abolition immédiate de lâesclavage sans compensation. Après sa mort en 1862, les Jamaïcains esclaves affranchis lui rendent hommage en baptisant une ville de lâîle Knightsville.
En 1847, Knight publie ce qui est considéré comme le premier tract sur le suffrage des femmes et est aussi à lâorigine de la première association pour le suffrage féminin.
A propos de Victor Schoelcher
L’exposition se tient à lâEspace muséographique Victor Schoelcher. Le nom de cet homme politique connu pour avoir fait adopter le décret sur lâabolition de lâesclavage le 27 avril 1848 en Martinique est revenu dans l’actualité le 22 mai dernier, lorsque plusieurs militants ont détruit deux statues le représentant, à Fort-de-France en Martinique.
Des hommages trop présents selon certains militants et qui empêchent la reconnaissance des héros locaux de lâabolition, comme lâesclave Romain.
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« C’était un homme de son époque » comme l’explique Anissa Bouihed, « qui a eu des amitiés avec des grandes féministes qui ont défendu l’abolition de l’esclavage. Leur combat était commun même si la vision qu’avait Schoelcher de la femme était celle de la mère au foyer ».
Victor Schoelcher, un personnage politique essentiel dans le processus d’abolition de l’esclavage. (O. Barthélémy / France Télévisions)