Se coaliser et s’unifier ou périr, telle est lâalternative existentielle qui sâimpose au PDCI et au RDR après leur séparation. Cette alternative, qui met en jeu leur avenir politique, les appelle à se ressourcer dans leur mémoire commune car la crise qui provoqua, à lâorigine, la scission du PDCI-RDA, fut une crise de sa mémoire idéologique.
Cette crise mémorielle, qui a nourri une tension centrifuge au sein de la coalition, oblige à réinvestir les fondamentaux idéologiques du PDCI-RDA historique légués par le Père de la Nation Ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny.
Lâidéologie du nationalisme modernisateur dâobédience libérale du PDCI-RDA, lâHouphouëtisme du Père de la Nation Ivoirienne, traduisait en idéologie mobilisatrice et en utopie politique, les besoins et les espérances démocratiques dâune société multiethnique qui aspirait à lâunité, à la liberté, à lâégalité et à la modernisation économique.
Les mots de paix, de tolérance, de fraternité, de dialogue, dâunité nationale, lâappel à une Nation ivoirienne de citoyens, la célébration du métissage, la xénophilie du PDCI-RDA historique originel formulaient les attentes profondes des forces sociales dâun pays multiplement enraciné et ouvert sur le monde.
La désignation du PDCI-RDA, comme parti des planteurs et des paysans, le définissait comme représentation politique dâune catégorie socio-professionnelle majoritaire.
Lâappel aux traditions signifiait la promotion et la défense du génie créateur des diverses collectivités culturelles ivoiriennes. Il ne se faisait guère dans le sens de la défense dâidentités communautaires singulières et fermées.
Cette combinaison idéologique des universaux de la modernité et du particularisme des traditions situait donc le nationalisme modernisateur et libéral du PDCI historique à mille lieux du nationalisme communautaire et identitaire.
LâHouphouëtisme, synthèse des traditions et de la modernité, opère la combinaison difficile de lâunité et de la multiplicité dans le régime de la démocratie républicaine libérale.
Lâobjectif de la dimension républicaine de cette démocratie était de réaliser lâunité de la diversité socio-culturelle à travers la citoyenneté. Lâobjectif de sa dimension démocratique était de réaliser la coexistence de la pluralité sociale dans le respect réciproque des particularismes.
La postérité actuelle du PDCI-RDA historique se méprendrait ici gravement à interpréter cette représentation inclusive de la nation comme ethnicisation. Dans lâHouphouëtisme, lâintégration politique des ethnies fut celle des génies culturels dans la participation politique et dans la production de la richesse nationale.
Quoique la traduction historique de cette intention aie conduit à des égarements dans une géopolitique interprétée dans un sens ethniciste, les dévoiements doivent désormais être définitivement corrigés.
Lâalternance démocratique du pouvoir en Côte dâIvoire ne doit pas être pensée comme alternance de type ethnique et régionaliste.
Nous devons, en Côte dâIvoire, être capables de nous penser en citoyens régionalement et culturellement situés. Notre définition ethnique de soi doit être conçue comme variation multiple dâun thème unique : celui dâune citoyenneté enracinée dans la multiplicité de ses mémoires culturelles.
Pour renaître pleinement à eux-mêmes et pour maîtriser leur historicité politique, le PDCI et le RDR doivent chacun se défier de lâethnicisme, du tribalisme, du confessionnalisme, du régionalisme et de la personnalisation du pouvoir.
Lâethnicisation catastrophique de la politique partisane ivoirienne résulta de la subversion de lâethnicité à des fins politiques. Cette subversion permit dâattribuer à lâethnicité une signification politique au lieu de respecter sa définition sociale et culturelle.
La définition de soi comme ethnie exclut alors la définition de soi comme citoyen et sape à la base la République comme creuset du rassemblement et de lâunité dâun peuple divers.
 Dans une démocratie républicaine libérale, lâacteur social est un citoyen enraciné néanmoins dans une ethnie. Lâidentité nationale citoyenne est toujours assise sur une mémoire culturelle qui nâaspire guère à occuper le champ politique et à faire des coutumes, la Loi fondamentale de lâEtat.
Désormais séparés mais appelés à coopérer, le PDCI et le RDR doivent se réapproprier cette conception citoyenne de la nation qui définit leur mémoire politique commune et qui structure le « nationalisme » et le patriotisme républicain dâEtat du PDCI-RDA.
Cette mémoire doit normer leur choix, leurs décisions et  actions politiques….
La viabilité politique du PDCI et du RDR dépendra de leur capacité respective  à se distancier des extrémismes identitaire et national-populiste. Leur identité partisane devrait se construire et se consolider sur leur consensus commun dans les valeurs de la République et de la Démocratie qui ne sont rien dâautres que les valeurs constitutives de lâhouphouëtisme.
Le PDCI et le RDR devront donc se défier, tout à la fois, de la représentation du parti comme coalition régionale et ethnique, et comme parti de chef. Il leur faut révoquer la conception antidémocratique de la représentation politique comme incarnation de lâidentité dâun peuple ethnique, au profit de la conception démocratique et républicaine de la représentation comme délégation dâun mandat révocable aux élus dâune Nation de citoyens.
Pour sauvegarder leur identité partisane respective, il est dâimportance vitale de tenir compte de la différence et de lâantinomie idéologique et axiologique qui distinguent un parti national républicain, démocratique et libéral dâun parti nationalitaire antirépublicain, antidémocratique et illibéral, défenseur dâune identité ethnique et tribale fermée.
La pérennité du PDCI et du RDR, dans une Côte dâIvoire culturellement, socialement, politiquement, et économiquement ouverte sur le monde en dépend. Il y va de leur survie politique commune.