La liberté de réunion et de manifestation au Sénégal. L’article 8 de la Constitution du 22 janvier 2001 modifiée consacre le droit à la liberté de réunion et la liberté de manifestation1. Ces libertés s’exercent dans les conditions prévues par la loi. Le régime juridique des réunions au Sénégal est régi par la loi 1978/02 du 02 janvier 1978.
Table des matières
La liberté de réunion et de manifestation
Cette loi prévoit deux sortes de réunions : les réunions privées et les réunions publiques.
D’une manière générale, les réunions privées sont celles qui se tiennent dans un lieu privé clos, ou ouvert dans un lieu public dont l’accès est restreint.
Les réunions publiques quant à elles sont considérées comme se tenant sur la voie publique ou dans un lieu privé dont l’accès est ouvert ou facilité à tous.
L’intérêt de la distinction réside dans le fait que les réunions privées se tiennent en principe sans déclaration préalable. En revanche, les réunions publiques exigent que l’autorité soit informée préalablement des dates, heures et des noms des organisateurs.
Quant à la « manifestation », elle est assimilable à une réunion publique, elle est libre, l’autorité responsable de l’ordre public (gouverneur, préfet ou sous-préfet, selon le cas) doit être informée, par écrit, de leur tenue, au moins trois (3) jours francs. La déclaration en question doit contenir un certain nombre d’informations.
L’article 96 du Code pénal institué par la loi nº 74-13 du 24 juin 1974 dispose que «Sont soumis à l’obligation d’une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes et, d’une façon générale, toute manifestation sur la voie publique.
Article 8 de la Constitution du 22 janvier 2001 modifié, « La République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales, les droits économiques et sociaux ainsi que les droits collectifs. Ces libertés et droits sont notamment : les libertés civiles et politiques : liberté d’opinion, liberté d’expression, liberté de la presse, liberté d’association, liberté de réunion, liberté de déplacement, liberté de manifestation, les libertés culturelles, les libertés religieuses, les libertés philosophiques, les libertés syndicales, la liberté d’entreprendre, le droit à l’éducation, le droit de savoir lire et écrire, le droit de propriété, le droit au travail, le droit à la santé, le droit à un environnement sain, le droit à l’information plurielle. Ces libertés et ces droits s’exercent dans les conditions prévues par la loi ».
1. Toutefois l’article 2 et 3, de la loi nº78-02 du 29 janvier 1978 relative aux réunions, considère certaines réunions sur la voie publique comme réunion privée.
Déclaration à l’autorité́ administrative chargée du maintien de l’ordre public
Toutefois sont dispensées de cette déclaration les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux.
La déclaration sera faite à l’autorité́ administrative chargée du maintien de l’ordre public sur le territoire de laquelle la manifestation doit avoir lieu, trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus avant la date de la manifestation ».
L’aménagement de la liberté de manifestation dans le Code pénal peut sembler un peu paradoxal pour certains.
Le Code pénal a vocation à réprimer les infractions. Le choix de l’aménager dans le Code pénal traduit une volonté de l’assimiler à une infraction virtuelle3, ce qui constitue une sorte de prédisposition négative de l’autorité à l’égard de ce droit.
Il est également prévu que lorsqu’elle se tient en plein air, la réunion publique ne peut être sonorisée sans autorisation spéciale de l’autorité responsable de l’ordre public.
La liberté de réunion n’est toutefois pas absolue. Elle supporte un certain nombre de limites.
Ainsi, aux termes de l’article 14 de la loi n°78-02 du 29 janvier 1978, «l’autorité administrative responsable de l’ordre public peut interdire toute réunion publique s’il existe une menace réelle de troubles à l’ordre public telle que la surexcitation des esprits à la suite déventements politiques ou sociaux récents, la prévision de manifestations simultanées, organisées par des groupements opposés, et si elle ne dispose pas de forces de sécurité nécessaires pour s’y opposer. L’arrêté d’interdiction d’une réunion publique doit être motivé».
La jurisprudence administrative sénégalaise rappelle l’importance de la motivation de l’interdit d’une manifestation.
Pouvoirs exorbitants de l’administration ont fini par vider de sa substance la liberté de manifester
Si le régime juridique de la manifestation est celui de la déclaration, il n’en demeure pas moins que la pratique administrative des autorités a fait du régime de la manifestation, un régime presque d’autorisation.
Les pouvoirs exorbitants de l’administration ont fini par vider de sa substance la liberté de manifester, et le processus électoral sénégalais a été émaillé d’interdictions de manifester au cours des derniers mois.
Ainsi, non seulement l’esprit de la déclaration préalable a été travesti, mais statistiquement, on a pu enregistrer un nombre impressionnant d’interdictions administratives.
La pratique administrative notamment a trop souvent consisté à notifier la réponse de l’Administration aux manifestants à quelques heures seulement de la manifestation, ce qui ne permet bien entendu pas aux manifestants de s’organiser à temps.
En cas de refus, cette pratique prive, de fait, aux demandeurs, la possibilité ’introduire un recours, qui consiste ici en un « référé » auprès de la chambre administrative de la Cour suprême.
Loi organique nº2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême
La loi 2022-16 du 23 mai 2022 modifiant la loi organique nº2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique nº2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême dispose à cet égard, en son article 85 que, « saisi d’une demande justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et immédiatement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
Il faut ajouter une autre donnée d’ordre factuel, qui vient également contrarier la liberté de manifestation au Sénégal.
En effet, le juge du recours étant exclusivement la Chambre administrative de la Cour suprême, qui est établie à Dakar, les manifestations résidant hors de la capitale se trouvent dans l’impossibilité de fait de faire valoir leurs droits, de façon immédiate, devant un juge.
Il serait judicieux alors de permettre aux requérants d’introduire leur requête au niveau des juridictions situées hors de la capitale de statuer sur les interdictions de manifester et lorsque l’urgence le justifie de statuer en référé ; du moins habiliter les greffes des juridictions a enregistré la requête et la demande en « référé ».
RECOMMANDATİON 1Revoir le régime juridique de la liberté de manifestation.
Enserrer le délai de réponse de l’autorité administrative compétente dans un temps impératif et approprié pour permettre aux demandeurs de pouvoir introduire un référé dans un temps utile.
Rendre compétentes des juridictions situées hors de la capitale, pour examiner les recours contre les interdictions administratives de manifester.
RECOMMANDATİON 2
Réviser l’article L.59 du Code électoral pour tenir compte de la période de collecte des parrainages.
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