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🔑Rapport (bilan 2020) : MalgrĂ© la crise, l’Afrique Afrique subsaharienne francophone continue Ă  tirer l’économie africaine

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Afrique subsaharienne francophone continue Ă  tirer l'Ă©conomie africaineCapture
Afrique subsaharienne francophone continue Ă  tirer l'Ă©conomie africaineCapture

Le Rapport (bilan 2020) est rendu public. Selon le document scientifique, malgrĂ© la crise, l’Afrique Afrique subsaharienne francophone continue Ă  tirer l’économie africaine. En dĂ©pit d’une annĂ©e particuliĂšrement difficile, marquĂ©e par la pandĂ©mie, l’Afrique subsaharienne francophone a globalement rĂ©alisĂ© les meilleures performances Ă©conomiques du continent pour la septiĂšme annĂ©e consĂ©cutive et la huitiĂšme fois en neuf ans, tout en en demeurant, et plus qu’auparavant, la partie la moins endettĂ©e. La tendance devrait se maintenir pour l’annĂ©e 2021, avec un rebond attendu de l’activitĂ©, mĂȘme si les prĂ©visions en la matiĂšre restent, Ă  ce stade, assez hasardeuses.

Afrique subsaharienne francophone continue Ă  tirer l’économie africaine

NB : PubliĂ© en mars 2021, ce rapport est basĂ© sur les donnĂ©es disponibles Ă  cette date. Des donnĂ©es plus rĂ©centes (mais qui ne changent rien aux conclusions de l’article) se trouvent dans notre article de mercredi dernier sur le Gabon (derniĂšre partie).

Pour la septiĂšme annĂ©e consĂ©cutive et pour la huitiĂšme fois en neuf ans, l’Afrique subsaharienne francophone a affichĂ© les meilleures performances du continent en termes de variation de PIB, selon les donnĂ©es fournies par la Banque mondiale dans son rapport « Perspectives Ă©conomiques mondiales », publiĂ© en janvier dernier.

afrique-subsaharienne

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Globalement, cet ensemble de 22 pays est ainsi parvenu Ă  limiter la baisse de l’activitĂ© rĂ©sultant de la crise liĂ©e au Covid-19, en enregistrant une croissance nĂ©gative de -2,1 %, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne enregistrait un taux de -4,3 % *.

Du cĂŽtĂ© de la dette publique, et selon les derniĂšres donnĂ©es du FMI, l’Afrique subsaharienne francophone a globalement rĂ©ussi Ă  maĂźtriser son niveau d’endettement, qui Ă©tait dĂ©jĂ  le plus faible du continent, avec une hausse de 4,1 points de pourcentage du poids global de la dette publique par rapport au PIB, contre une hausse de 8,3 points pour le reste de l’Afrique subsaharienne.

Une croissance globale négative de -2,1 %

La croissance de l’Afrique subsaharienne francophone a donc connu une importante baisse par rapport Ă  l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, lorsqu’elle s’était Ă©tablie Ă  4,1 % (4,6 % hors cas trĂšs particulier de la GuinĂ©e Ă©quatoriale). Cette mĂȘme annĂ©e, en 2019, la croissance avait Ă©tĂ© de 1,8 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne.

En zone CFA, qui regroupe 13 des 22 pays francophones (dont la GuinĂ©e Ă©quatoriale, ancienne colonie espagnole et partiellement francophone), ainsi que la GuinĂ©e Bissau (lusophone et ancienne colonie portugaise), qui rassemble 54 % de la population de l’Afrique francophone subsaharienne (et 43 % de celle de l’Afrique francophone), la croissance est passĂ©e de 3,9 % en 2019 Ă  -1,6 % (ou de 4,6 % Ă  -1,1 %, hors GuinĂ©e Ă©quatoriale).

Dans cet espace, la zone UEMOA continue Ă  se distinguer en ayant rĂ©ussi Ă  enregistrer une Ă©volution lĂ©gĂšrement positive (0,2 %), Ă  l’inverse de la zone CEMAC dont les trois pays les plus dĂ©pendants des hydrocarbures ont fait baisser la moyenne globale de la croissance Ă©conomique.

afrique subsaharienne francophone

En 2020, et mĂȘme en rĂ©pertoriant Maurice et les Seychelles parmi les pays francophones (deux pays considĂ©rĂ©s comme Ă  la fois francophones et anglophones*), quatre des douze pays d’Afrique subsaharienne ayant affichĂ© une croissance nĂ©gative de plus 5 % sont francophones (ou seulement deux sur dix, si l’on ne tient pas compte des deux pays prĂ©cĂ©demment citĂ©s). Un an plus tĂŽt, soit avant l’apparition de la pandĂ©mie, seuls deux des huit pays subsahariens ayant connu une variation nĂ©gative (< 0 %) Ă©taient francophones.

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[4]

En Afrique subsaharienne non francophone, la Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola, trois des principales Ă©conomies de la zone, ont Ă©tĂ© durement touchĂ©s par la crise Ă©conomique internationale, alors que ces pays Ă©taient dĂ©jĂ  en grande difficultĂ© depuis plusieurs annĂ©es, notamment en raison du dĂ©clin progressif de leur trĂšs importante production pĂ©troliĂšre (pour le Nigeria et l’Angola, respectivement premier et deuxiĂšme producteur d’hydrocarbures d’Afrique subsaharienne), ou aurifĂšre (cas de l’Afrique du Sud, dĂ©sormais second producteur du continent, aprĂšs avoir Ă©tĂ© rĂ©cemment dĂ©passĂ©e par le Ghana).

Ces pays ont ainsi respectivement affichĂ© une croissance nĂ©gative de -4,1 %, -7,8 % et -4,0 %, aprĂšs avoir rĂ©alisĂ© d’assez mauvaises performances en 2019 (2,2 %, 0,2 % et -0,9 %, respectivement).

colonisation de l’afrique

Ce manque de dynamisme semble durablement installé selon les prévisions de la Banque mondiale, qui continue de tabler sur des croissances anémiques pour ces trois pays au cours des quelques années à venir, au moins.

Le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola sont donc des pays en voie d’appauvrissement, puisqu’ils affichent dĂ©sormais constamment des taux de croissance largement infĂ©rieurs Ă  leur croissance dĂ©mographique (contrairement aux pays francophones qui leur sont proches).

À titre d’exemple, au Nigeria, qui enregistre les taux de croissance Ă©conomique les plus Ă©levĂ©s de ces trois pays, la hausse du PIB n’a Ă©tĂ© que de 0,3 % en moyenne annuelle sur les six derniĂšres annĂ©es (et de 1,2 % sur la pĂ©riode 2015-2019) contre une croissance dĂ©mographique annuelle de 2,5 % en moyenne sur la mĂȘme pĂ©riode.

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[5+]

Par ailleurs, le Nigeria et l’Angola ont connu une importante dĂ©prĂ©ciation de leur monnaie, dont la valeur a baissĂ© de prĂšs de 60 % et 85 %, respectivement, par rapport au dollar depuis 2014. Avec Ă  la clĂ© une forte inflation et le maintien d’une forte dollarisation de leur Ă©conomie (utilisation du dollar pour une partie importante des transactions, par refus de la monnaie locale considĂ©rĂ©e comme risquĂ©e).

Sur la pĂ©riode 2012-2020, soit neuf annĂ©es, la croissance annuelle de l’Afrique subsaharienne francophone s’est donc Ă©tablie Ă  3,5 % en moyenne (4,0 % hors GuinĂ©e Ă©quatoriale, et 5,6 % pour la zone UEMOA).

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[5]

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Ce taux a Ă©tĂ© de 1,9 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Pour rappel, la croissance globale annuelle s’était Ă©tablie Ă  4,2 % pour l’Afrique subsaharienne francophone pendant les huit annĂ©es de la pĂ©riode 2012-2019, juste avant la pandĂ©mie (4,8 % hors GuinĂ©e Ă©quatoriale), et Ă  2,8 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne.

Quant aux quatre premiĂšres Ă©conomies de l’Afrique subsaharienne francophone, et sur la pĂ©riode de neuf annĂ©es 2012-2020 (donc pandĂ©mie incluse), la CĂŽte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le SĂ©nĂ©gal, ont respectivement enregistrĂ© une croissance annuelle de 7,5 %, 5,1 %, 3,9 % et 5,1 % en moyenne.

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[6]

De leur cĂŽtĂ©, les quatre premiĂšres Ă©conomies en dĂ©but de pĂ©riode pour le reste de l’Afrique subsaharienne, Ă  savoir le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Angola et le Kenya (l’Angola ayant Ă©tĂ© remplacĂ©e par l’Éthiopie en 2019), ont respectivement connu une progression annuelle de 2,1 %, 0,3 %, 1,0 % et 4,8 %.

Une Afrique de l’Ouest francophone assez rĂ©siliente

AprĂšs avoir rĂ©alisĂ© une croissance globale supĂ©rieure Ă  6 % pendant six annĂ©es consĂ©cutives (de 2014 Ă  2019), et enregistrĂ© une croissance annuelle de 6,3 % en moyenne sur les huit annĂ©es de la pĂ©riode 2012-2019, la zone UEMOA (huit pays, dont la lusophone, mais trĂšs francophonophile, GuinĂ©e-Bissau) a connu un important ralentissement de l’activitĂ© Ă©conomique en 2020, mais est tout de mĂȘme parvenue Ă  afficher une croissance lĂ©gĂšrement positive et s’établissant Ă  0,2 %.

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[13]

Cette mĂȘme annĂ©e, quatre des sept pays francophones de la zone monĂ©taire ont enregistrĂ© une Ă©volution positive (Le BĂ©nin, la CĂŽte d’Ivoire, le Niger et le Togo), avec un maximum de 2 % pour le BĂ©nin.

À l’inverse, les trois autres pays francophones ont enregistrĂ© une croissance nĂ©gative, avec un plus bas de -2 % pour le Mali et le Burkina Faso (suivis de la GuinĂ©e-Bissau, en derniĂšre position de la zone avec une taux de -2,4 %).

L’espace UEMOA conforte ainsi son statut de plus vaste zone de stabilitĂ© du continent, aprĂšs en avoir Ă©galement Ă©tĂ© la plus vaste zone de forte croissance sur la pĂ©riode de huit annĂ©es 2012-2019, avant l’apparition de la pandĂ©mie dont les consĂ©quences ont affectĂ© l’ensemble du continent.

Hors UEMOA, la GuinĂ©e a Ă©galement affichĂ© une croissance positive, en raison de la hausse des activitĂ©s extractives avec l’entrĂ©e en production de nouvelles mines.

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[7]

Ainsi, l’Afrique de l’Ouest francophone (soit la zone UEMOA + GuinĂ©e et Mauritanie, situĂ©es hors zone CFA), a concentrĂ© Ă  elle seule cinq des sept pays francophones d’Afrique subsaharienne Ă©tant parvenus Ă  rĂ©aliser une croissance positive en 2020.

Il convient de souligner que le statut de zone la plus dynamique du continent constitue une rĂ©elle performance pour la zone UEMOA, vu que celle-ci n’en est pas la plus pauvre, cette place Ă©tant occupĂ©e par l’Afrique de l’Est.

Ainsi, Ă  titre d’exemple, et hors Djibouti (pays francophone), seul un pays d’Afrique de l’Est continentale affichait dĂ©but 2020 un PIB par habitant dĂ©passant clairement la barre des 1 000 dollars, Ă  savoir le Kenya (1 816 dollars, suivi loin derriĂšre par la Tanzanie, 1 122 dollars, selon les derniĂšres donnĂ©es disponibles).

À la mĂȘme date, trois pays francophones de l’espace UEMOA dĂ©passaient clairement ce seuil symbolique, en l’occurrence la CĂŽte d’Ivoire (2 276 dollars), le SĂ©nĂ©gal (1 447 dollars) et le BĂ©nin (1 219).

Et mĂȘme quatre pays pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone, en tenant compte de la Mauritanie, aux importantes richesses miniĂšres (et auxquels s’ajoutent, pour toute l’Afrique de l’Ouest continentale, le Nigeria pĂ©trolier et le Ghana, important producteur de pĂ©trole et premier producteur africain d’or).

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[9]

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Par ailleurs, l’Afrique de l’Est abrite les cinq pays les plus pauvres du continent, Ă  savoir le Soudan du Sud, le Soudan, la Somalie, le Malawi et le Burundi (quatre pays anglophones et un francophone, ayant tous un PIB par habitant infĂ©rieur Ă  450 dollars, dĂ©but 2020.

Enfin, l’Afrique de l’Est est Ă©galement la partie la plus instable du continent, marquĂ©e par de nombreux problĂšmes sĂ©curitaires et abritant, notamment, les deux pays connaissant les conflits les plus meurtriers d’Afrique subsaharienne, proportionnellement Ă  la population locale, en l’occurrence la Somalie et le Soudan du Sud.

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Deux conflits auxquels s’est rĂ©cemment ajoutĂ©e la guerre civile ayant frappĂ© l’Éthiopie fin 2020, un des pays les plus pauvres d’Afrique et oĂč les tensions interethniques et les rĂ©pressions policiĂšres avaient dĂ©jĂ  fait plusieurs centaines de morts ces quelques derniĂšres annĂ©es, faisant de ce pays l’un de ceux connaissant les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec en particulier l’Afrique du Sud (oĂč l’on compte plus de 15 000 homicides par an).

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[12]

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En Afrique de l’Ouest francophone, et grĂące Ă  une croissance de 8,2 % en moyenne sur la pĂ©riode 2012-2019, soit la deuxiĂšme plus forte progression au monde de ces huit annĂ©es (et la plus forte pour la catĂ©gorie des pays ayant un PIB par habitant supĂ©rieur Ă  1 000 dollars dĂ©but 2012), la CĂŽte-d’Ivoire vient, par exemple, de dĂ©passer le Nicaragua en termes de richesse par habitant, pour devenir le premier pays africain au sous-sol globalement pauvre de l’histoire Ă  devancer un pays d’AmĂ©rique hispanique (hors trĂšs petits États de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires et ne pouvant ĂȘtre pris en compte pour de pertinentes comparaisons).

Une performance rĂ©alisĂ©e aprĂšs avoir dĂ©passĂ© le Kenya, et surtout aprĂšs avoir rĂ©ussi l’exploit de devancer le Ghana et le Nigeria, deux pays voisins regorgeant de richesses naturelles, pour devenir le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest (le Ghana et le Nigeria Ă©tant Ă  des niveaux de production de pĂ©trole et/ou d’or de trĂšs loin supĂ©rieurs Ă  ceux de la CĂŽte d’Ivoire).

Par ailleurs, et selon les prĂ©visions de croissance pour les quelques annĂ©es Ă  venir, ces deux derniers pays devraient Ă©galement ĂȘtre prochainement dĂ©passĂ©s par le SĂ©nĂ©gal, lui aussi pauvre en richesses naturelles.

Quant au Niger, il vient de rĂ©ussir la performance de devancer la Sierra Leone, quittant ainsi la place peu enviable de pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest (554 dollars par habitant, contre 527 dollars), ainsi que la liste des dix pays les plus pauvres du continent. Compte tenu des prĂ©visions, le Niger devait Ă©galement trĂšs prochainement dĂ©passer le Liberia, autre pays anglophone cĂŽtier d’Afrique de l’Ouest.

Les bonnes performances de l’Afrique de l’Ouest francophone s’expliquent principalement par les nombreuses rĂ©formes entreprises par les pays de la rĂ©gion, aussi bien sur le plan Ă©conomique qu’en matiĂšre de bonne gouvernance.

Des plans de diversification ont ainsi été mis en place, comme le « Plan Sénégal émergent » (PSE), ou encore la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (SCADD) au Burkina Faso, dont la croissance a été de 5,7 % en moyenne annuelle sur la période de huit années 2012-2019.

Pour ce qui du climat des affaires, certains pays ont rĂ©alisĂ© un bon considĂ©rable entre les classements Doing Business 2012 et 2020, et notamment le Togo (passĂ© de la 162e Ă  la 97e place), la CĂŽte d’Ivoire (de la 167e place Ă  la 110e place), le SĂ©nĂ©gal (de la 154e Ă  la 123e) ou encore le Niger (passĂ© de la 173e Ă  la 132e place, talonnant ainsi le Nigeria, 131e). Pays francophone le moins bien classĂ© d’Afrique de l’Ouest, la GuinĂ©e est toutefois passĂ©e de la 179e Ă  la 156e place sur la mĂȘme pĂ©riode.

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[13]

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À titre de comparaison, il convient de savoir, par exemple, que la Nigeria, l’Éthiopie et l’Angola, respectivement premiĂšre, troisiĂšme et cinquiĂšme Ă©conomie d’Afrique subsaharienne selon la Banque mondiale (du fait de leur trĂšs importante production pĂ©troliĂšre et/ou population), se classent Ă  la 131e, 159e et 177e place, respectivement.

Par ailleurs, il est à noter que plus aucun pays francophone ne figure désormais parmi les six derniers pays de ce classement international, places désormais majoritairement occupées par des pays anglophones.

Dans un autre registre, et mis Ă  part l’annĂ©e trĂšs particuliĂšre qui vient de s’écouler, il est utile de souligner que la croissance Ă©conomique de l’Afrique de l’Ouest francophone est globalement et rĂ©guliĂšrement deux fois supĂ©rieure Ă  sa croissance dĂ©mographique, contredisant ainsi certaines thĂ©ories assez mĂ©diatisĂ©es.

GrĂące au cadre plus favorable instaurĂ© par les diffĂ©rentes rĂ©formes en matiĂšre d’économie et de bonne gouvernance, cet essor dĂ©mographique contribue donc Ă  son tour au dynamisme Ă©conomique, en permettant notamment au marchĂ© intĂ©rieur de ces pays d’atteindre une masse critique nĂ©cessaire au dĂ©veloppement de nombreuses activitĂ©s.

Il convient d’ailleurs de rappeler que la plupart des pays francophones de la rĂ©gion demeurent encore assez faiblement peuplĂ©s.

À titre d’exemple, la GuinĂ©e et le Burkina Faso, lĂ©gĂšrement plus Ă©tendus que le Royaume-Uni (et non deux Ă  trois fois plus petits comme l’indique la majoritĂ©, bien trompeuse, des cartes en circulation dans les mĂ©dias et Ă©tablissements publics ou privĂ©s), ne comptent respectivement que 13 et 21 millions d’habitants, contre 67 millions pour le Royaume-Uni.

Quant Ă  la CĂŽte d’Ivoire, un tiers plus Ă©tendue mais ne comptant que 26 millions d’habitants, elle abriterait aujourd’hui une population de 89 millions d’habitants si elle Ă©tait proportionnellement aussi peuplĂ©e que le Royaume-Uni.

Une situation contrastée en Afrique centrale

En Afrique centrale francophone, la croissance globale a elle aussi connu une forte baisse, passant de Ă  2,2 % en 2019 Ă  -3,3 % en 2020. Au Cameroun, qui dispose de l’économie la plus diversifiĂ©e de la rĂ©gion, la croissance a Ă©tĂ© nĂ©gative en s’établissant Ă  -2,5 %.

Avec une variation annuelle du PIB qui devrait continuer Ă  ĂȘtre en moyenne deux fois plus favorable que celle du Nigeria voisin, comme depuis plusieurs annĂ©es, le Cameroun devrait lui aussi, prochainement, dĂ©passer ce pays en termes de richesse par habitant, rejoignant ainsi la CĂŽte d’Ivoire et trĂšs probablement le SĂ©nĂ©gal (le PIB par habitant du pays Ă©tant de 1 507 dollars dĂ©but 2020).

Pour sa part, la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo (RDC), premiĂšre Ă©conomie d’Afrique centrale francophone, a enregistrĂ© une croissance nĂ©gative de -1,7 % (contre 4,4 % un an plus tĂŽt). Bien que le ralentissement de l’économie y ait Ă©tĂ© assez limitĂ©, comme au Cameroun, il n’en demeure pas moins que ce taux reste plutĂŽt dĂ©cevant pour un pays qui se classe parmi les plus pauvres du continent (581 dollars par habitant, dĂ©but 2020).

En zone CEMAC (dont ne fait pas partie la RDC), la variation du PIB est passĂ©e de 1,4 % en 2019 Ă  -3,8 % en 2020, GuinĂ©e Ă©quatoriale incluse (ou de 2,7% Ă  -3,0 %, hors GuinĂ©e Ă©quatoriale). Ce pays constitue, en effet, un cas trĂšs particulier qu’il convient rĂ©guliĂšrement de rappeler, car de nature Ă  fausser l’interprĂ©tation des statistiques rĂ©gionales.

PeuplĂ© d’environ un million d’habitants, seulement, ce pays partiellement francophone et ancienne colonie espagnole Ă©tait subitement devenu l’un des principaux producteurs africains de pĂ©trole Ă  la fin des annĂ©es 1990, avant de voir rapidement sa production commencer Ă  dĂ©cliner, au dĂ©but des annĂ©es 2010.

N’étant pas encore parvenu Ă  diversifier suffisamment son Ă©conomie, il a donc connu une forte chute de son PIB et alignĂ© une sixiĂšme annĂ©e consĂ©cutive de croissance nĂ©gative (-9,0 % en 2020, pour une moyenne annuelle de -7,5 % sur les six derniĂšres annĂ©es).

Au Gabon, la croissance est passĂ©e de 3,9 % en 2019 Ă  -2,4 % en 2020, et devrait connaĂźtre un rebond Ă  1,9 % en 2021. Bien que modĂ©rĂ©, ce rebond constitue nĂ©anmoins une meilleure performance que celle attendue par les deux grands et proches pays pĂ©troliers que sont le Nigeria et l’Angola.

Une situation qui s’explique notamment par les efforts rĂ©alisĂ©s en matiĂšre de diversification (Plan stratĂ©gique Gabon Ă©mergent – PSGE), qui lui permettent d’afficher rĂ©guliĂšrement une croissance hors hydrocarbures supĂ©rieure Ă  celle de ces deux autres pays.

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[5]

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Sur la pĂ©riode de six annĂ©es 2015-2020, la variation totale du PIB s’est ainsi Ă©tablie Ă  1,4 % en moyenne annuelle pour le Gabon, contre 0,3 % pour le Nigeria et une Ă©volution nĂ©gative de -1,5 % pour l’Angola (dont les prĂ©visions de croissance pour 2021 s’établissent Ă  1,1 % et Ă  0,9 %, respectivement).

Si le Gabon et le Cameroun s’emploient Ă  rĂ©former et Ă  diversifier leur Ă©conomie, force est de constater que pareils efforts n’ont pas encore Ă©tĂ© rĂ©ellement entrepris au Congo voisin (tout comme en GuinĂ©e Ă©quatoriale), qui a enregistrĂ© une Ă©volution fortement nĂ©gative de son PIB de 8,9 %, aprĂšs avoir dĂ©jĂ  enregistrĂ© une baisse assez importante de 3,5 % l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente (et dont la croissance devrait Ă©galement ĂȘtre nĂ©gative en 2021).

Une baisse importante du PIB qui traduit l’absence de rĂ©formes Ă©conomiques profondes et courageuses, comme l’atteste le fait que le pays continue Ă  occuper l’une des derniĂšres places du classement Doing Business, en arrivant 180e sur un total de 190 pays Ă©tudiĂ©s (et se classant donc, Ă  peu prĂšs, au mĂȘme niveau que l’Angola, 177e, ou encore que la RDC, 183e).

Autre consĂ©quence de ce manque de rĂ©formes, le Congo a vu sa dette publique considĂ©rablement augmenter en 2020, passant de 83,7 % du PIB fin 2019 Ă  104,5 %, selon les derniĂšres estimations du FMI, et rĂ©trogradant ainsi Ă  la septiĂšme place des pays les plus endettĂ© du continent (lui qui Ă©tait dĂ©jĂ  en huitiĂšme position un an plus tĂŽt, ainsi que le pays francophone le plus endettĂ© d’Afrique).

Une activitĂ© globale en forte baisse en Afrique de l’Est francophone

La croissance globale de cette partie du continent a connu une baisse particuliùrement forte, passant d’environ 4 % par an (3,8 % en 2019) à -7,6 % en 2020.

Ce ralentissement brutal de l’activitĂ© s’explique par l’importance du secteur touristique dans la moitiĂ© des six pays de la rĂ©gion, et en particulier Ă  Maurice et aux Seychelles dont le PIB a chutĂ©, respectivement, de 12,9 % et de 15,9 %, suite Ă  l’effondrement du tourisme international.

Pour sa part, Madagascar, plus grand pays de la région, a enregistré une baisse assez importante de 4,2 % de son PIB (aprÚs une croissance positive de 4,8 % un an plus tÎt).

De leur cÎté, les pays non dépendants du tourisme ont été ceux ayant réalisé les moins mauvaises performances. Djibouti a ainsi connu une croissance négative de -1,0 % en 2020, et qui pourrait rebondir à 7,1 % en 2021 pour retrouver son niveau des années précédentes.

En effet, le pays avait réalisé une progression annuelle moyenne de 7,1 % également sur la période de six années allant de 2014 à 2019, et ce, en tirant profit de sa situation géographique stratégique qui lui permet de devenir progressivement une plaque tournante du commerce international, grùce notamment à des investissements massifs en provenance de Chine.

Pourtant, seule une dizaine d’entreprises françaises sont implantĂ©es dans ce pays, avec lequel la compagnie aĂ©rienne Air France n’assure qu’un seul et unique vol hebdomadaire direct avec Paris. Contraste saisissant avec les sept vols directs assurĂ©s par Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore avec les trois liaisons assurĂ©es par le groupe Emirates vers DubaĂŻ.

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Cette faible prĂ©sence Ă©conomique de la France Ă  Djibouti, tout comme en RDC, premier pays francophone du monde et pour lequel l’hexagone n’est que le 11e fournisseur et le 24e client (ne pesant que pour moins de 2 % du commerce extĂ©rieur annuel du pays, contre environ 30 % pour la Chine, importations et exportations confondues), en dit long sur la mĂ©connaissance dont souffrent nombre d’acteurs Ă©conomiques tricolores au sujet du monde francophone, et ce, 
 au plus grand bĂ©nĂ©fice d’autres puissances.

Enfin, le Burundi et les Comores ont respectivement enregistrĂ© des taux de croissance de 0,3 % et de -1,4 %. La variation lĂ©gĂšrement positive affichĂ©e par le Burundi s’expliquant principalement par le trĂšs faible niveau de dĂ©veloppement du pays, qui se classe parmi les cinq pays les plus pauvres du continent (avec notamment le Malawi et le Soudan du Sud, qui font Ă©galement partie de la minoritĂ© de pays ayant rĂ©alisĂ© une croissance positive en 2020).

Un endettement globalement maßtrisé en Afrique subsaharienne francophone

La dette publique a globalement été maßtrisée en Afrique subsaharienne francophone, qui demeure, et de plus en plus, la partie la moins endettée du continent.

En 2020, et au niveau de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, 10 des 28 pays ayant observĂ© une hausse supĂ©rieure Ă  cinq points de pourcentage du poids de la dette par rapport au PIB sont francophones (soit moins de la moitiĂ© des pays francophones, mĂȘme en y incluant les Seychelles), et 5 des 14 pays ayant connu une hausse supĂ©rieure Ă  dix points sont francophones (Seychelles inclus).

Parmi les 10 pays les plus endettĂ©s d’Afrique subsaharienne (et Ă©galement du continent) au terme de l’annĂ©e 2020, trois sont francophones, dont les Seychelles et Maurice. Le Congo-Brazzaville, pays francophone le plus endettĂ©, n’arrive qu’à la septiĂšme place au niveau subsaharien comme au niveau continental.

Le Congo faisant partie des cinq pays francophones subsahariens ayant connu la hausse la plus importante de leur niveau d’endettement en 2020, avec deux autres pays pĂ©troliers d’Afrique centrale (le Gabon et la GuinĂ©e Ă©quatoriale), les Seychelles (extrĂȘmement dĂ©pendants du tourisme) et la GuinĂ©e (trĂšs dĂ©pendante des industries miniĂšres).

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[5+]

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Si trois des pays de la zone Cemac ont connu une importante augmentation de leur endettement, les autres pays de cette mĂȘme zone monĂ©taire, comme le Cameroun, sont Ă  l’inverse parvenus Ă  en assurer la stabilitĂ©, Ă  l’instar de la quasi-totalitĂ© des pays francophones de la zone UEMOA, qui a Ă©tĂ©, lĂ  aussi, la zone la plus stable du continent.

En effet, et selon les estimations du FMI, l’UEMOA est l’ensemble ayant connu la plus faible hausse de son endettement au cours de l’annĂ©e 2020, avec une augmentation globale de seulement 3,4 points (passant de 45,0 % Ă  48,4 %).

Dans cet espace, seul un des sept pays francophones membres a vu son niveau d’endettement croĂźtre de plus de cinq points de pourcentage, Ă  savoir le Niger (+ 6,3 points, soit une hausse modĂ©rĂ©ment forte). Pour sa part, le SĂ©nĂ©gal est le pays ayant connu la variation la plus lĂ©gĂšre (+1,3 point).

Pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, aucun des cinq pays le plus endettĂ©s n’est francophone (le Togo n’arrivant qu’à la sixiĂšme position), et aucun des quatre pays ayant connu une hausse supĂ©rieure Ă  dix points de leur niveau d’endettement en 2020 ne fait partie de la zone UEMOA (le Ghana, la GuinĂ©e, la GuinĂ©e-Bissau et le Cap-Vert).

Parmi ces quatre pays, le Ghana a connu une hausse assez brutale de sa dette publique, dont le niveau est passĂ© de 62,8 % Ă  76,7 % du PIB, soit prĂšs du double de celui de la CĂŽte d’Ivoire voisine (41,7 %, contre 37,9 % en 2019).

Le Ghana a donc dĂ©sormais un endettement Ă  peu prĂšs aussi important que celui de l’Afrique du Sud, dont la dette publique a Ă©galement connu une trĂšs forte hausse, passant de 62,2 % Ă  78,8 % et rapprochant ainsi le pays de la liste des dix pays les plus endettĂ©s du continent (14e).

Parmi ces dix pays, six font partie de ceux ayant connu la plus forte augmentation de leur dette publique en 2020, alors mĂȘme qu’ils faisaient dĂ©jĂ  partie des dix pays le plus endettĂ©s un an plus tĂŽt (le Soudan, le Cap-Vert, le Mozambique, l’Angola, la Zambie et le Congo).

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Arrivant une nouvelle fois en tĂȘte du classement des pays les plus endettĂ©s, le Soudan continue Ă  traverser une grave crise Ă©conomique et financiĂšre. Une situation qui n’est pas sans consĂ©quences, et qui est probablement, entre autres, Ă  l’origine de deux dĂ©cisions majeures ayant marquĂ© la politique Ă©trangĂšre du pays au cours de l’annĂ©e 2020, et passĂ©es relativement inaperçues, Ă  savoir la conclusion d’un accord avec la Russie pour l’installation prochaine d’une base militaire, et l’établissement de relations diplomatiques avec IsraĂ«l en vue d’un rapprochement avec les États-Unis.

Deux dĂ©cisions faisant du Soudan le premier pays africain Ă  abriter une base militaire russe, ainsi que le premier pays arabo-africain non frontalier Ă  nouer des relations diplomatiques avec l’État hĂ©breu.

Globalement, l’Afrique subsaharienne francophone demeure donc la partie la moins endettĂ©e du continent, tout en creusant l’écart un an aprĂšs le dĂ©clenchement de la pandĂ©mie. DĂ©but 2021, le taux d’endettement global de cet ensemble composĂ© de 22 pays s’établit Ă  47,7 % du PIB, en hausse de 4,1 points sur un an (57,3 % pour l’ensemble de l’Afrique francophone, Maghreb inclus).

Un niveau largement infĂ©rieur Ă  celui de la majoritĂ© des pays dĂ©veloppĂ©s. Pour le reste de l’Afrique subsaharienne, le taux se situe Ă  64,3 %, en hausse de 8,3 points (69,1 % pour l’ensemble de l’Afrique non francophone).

Un an plus tĂŽt, l’écart entre l’Afrique subsaharienne francophone et le reste de l’Afrique subsaharienne Ă©tait dĂ©jĂ  de 12,4 points (et de 11,1 points entre l’ensemble de l’Afrique francophone et le reste du continent).

Un rebond attendu dans un contexte international et africain plus favorable

MĂȘme s’il convient de faire toujours preuve de prudence au sujet des prĂ©visions Ă©tablies en cours d’annĂ©e pour les pays en dĂ©veloppement, en de surcroĂźt dans la pĂ©riode actuelle, marquĂ©e par une pandĂ©mie non encore maĂźtrisĂ©e, l’Afrique subsaharienne francophone devrait une nouvelle fois ĂȘtre la partie la plus dynamique du continent en 2021, tout en en demeurant la partie la moins endettĂ©e.

colonisation de l’afrique

Le contexte international devrait ĂȘtre favorable Ă  un redĂ©marrage progressif de l’activitĂ©, avec une situation sanitaire qui semble s’amĂ©liorer petit Ă  petit, et avec des cours des hydrocarbures qui devraient se maintenir, en dĂ©pit d’une rĂ©cente hausse, Ă  un niveau raisonnable pour les pays importateurs de pĂ©trole et de gaz (notamment Ă  cause de la progression constante de la part des Ă©nergies renouvelables, et des efforts en matiĂšre de rĂ©duction des gaz Ă  effet de serre), et soutenir ainsi la croissance de la plupart des pays francophones, assez pauvres en richesses naturelles.

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Pour leur part, les pays de la zone CFA (soit 13 des 22 pays francophones subsahariens et la GuinĂ©e-Bissau, et auxquels l’on peut aussi ajouter les Comores, dont la monnaie est Ă©galement arrimĂ©e Ă  l’euro), devraient continuer Ă  bĂ©nĂ©ficier, dans leurs efforts de diversification, d’un euro assez bon marchĂ©, compte tenu de la crise Ă©conomique que connaissent les pays europĂ©ens partageant cette monnaie unique, et notamment l’Allemagne dont l’économie Ă©tait dĂ©jĂ  en difficultĂ© en 2019 (avec une croissance de seulement 0,6 %, contre 1,5 % pour la France).

PremiĂšre puissance exportatrice d’Europe, l’Allemagne, qui a historiquement toujours Ă©tĂ© en faveur d’un euro fort, au risque de pĂ©naliser les pays de la zone CFA dont la monnaie y est arrimĂ©e (et de nuire ainsi, doublement, aux intĂ©rĂȘts de la France), n’a aujourd’hui d’autre choix que de maintenir l’euro Ă  un niveau raisonnable.

Et ce, d’une part Ă  cause de la crise Ă©conomique internationale et de la baisse de la croissance chinoise, et d’autre part, parce qu’elle devrait ĂȘtre Ă©galement pĂ©nalisĂ©e par l’accord commercial signĂ© en 2019 entre les États-Unis et la Chine, et selon lequel celle-ci s’engageait Ă  importer pour 200 milliards de dollars de produits et services amĂ©ricains supplĂ©mentaires au cours des deux annĂ©es suivantes (au dĂ©triment donc, probablement, d’un certain nombre de produits et de services allemands). Un accord qui demeure en vigueur, mĂȘme si sa mise en application a pĂąti de la pandĂ©mie, et qu’une renĂ©gociation partielle pourrait prochainement avoir lieu.

Par ailleurs, et parallĂšlement Ă  l’amĂ©lioration du contexte international, le contexte africain devrait lui aussi connaĂźtre une Ă©volution favorable Ă  la croissance Ă©conomique, avec la mise en place progressive de la Zone de libre-Ă©change continentale africaine (ZLECA), entamĂ©e le 1er janvier 2021.

Du moins d’un point de vue thĂ©orique, puisque qu’il convient de rappeler que la hausse des Ă©changes entre pays ne dĂ©pend pas seulement de l’abaissement ou de l’élimination des barriĂšres douaniĂšres entre ces mĂȘmes pays, mais Ă©galement et surtout de la capacitĂ© de ces derniers Ă  produire des biens et services, Ă  travers la mise en place prĂ©alable d’un environnement national favorable Ă  l’investissement (cadres juridique, rĂ©glementaire et fiscal, infrastructures et formation, devant permettre Ă  la fois de produire des biens et services et d’en assurer la compĂ©titivitĂ©).

L’évolution marginale des Ă©changes au sein des ensembles rĂ©gionaux ayant dĂ©jĂ  abaissĂ© ou supprimĂ© les taxes douaniĂšres est lĂ  pour le dĂ©montrer.

Il en va d’ailleurs de mĂȘme pour ce qui est de la question d’une monnaie unique, Ă  l’instar de l’Eco que les pays d’Afrique de l’Ouest, membres de la CEDEAO, semblent souhaiter mettre en place. Ainsi, force est de constater que les pays de la zone UEMOA, qui bĂ©nĂ©ficient dĂ©jĂ , et depuis longtemps, d’une vaste zone de libre-Ă©change doublĂ©e d’une monnaie unique, n’ont vu leurs Ă©changes que faiblement augmenter Ă  l’intĂ©rieur de cet espace, et demeurer Ă  des niveaux globalement assez bas.

Autre exemple intĂ©ressant, la part de la zone euro dans le commerce extĂ©rieur de la France a baissĂ© depuis la mise en place de cette monnaie unique, suite Ă  une augmentation plus importante des Ă©changes entre la France et le reste du monde qu’avec les pays de la zone euro.

Ce qui permet, d’ailleurs, de constater que les flux commerciaux entre la France et les autres pays de la zone monĂ©taire Ă©taient dĂ©jĂ  trĂšs importants avant l’adoption d’une monnaie unique


Une prudence qui s’impose avant l’adoption d’une Ă©ventuelle monnaie ouest-africaine

Si la rĂ©duction significative des barriĂšres douaniĂšres et la mise en place d’une quasi-zone de libre-Ă©change Ă  l’échelle continentale demeurent un Ă©lĂ©ment favorable, Ă  terme, au dĂ©veloppement des pays du continent, ceux-ci doivent donc toutefois et parallĂšlement poursuivre leurs rĂ©formes Ă©conomiques afin de tirer pleinement profit de l’ouverture des diffĂ©rents marchĂ©s africains.

Des rĂ©formes qui ont d’ailleurs dĂ©jĂ  Ă©tĂ© nombreuses dans la majoritĂ© des pays francophones, et en particulier dans ceux d’Afrique de l’Ouest membres de la zone UEMOA. Mais ces derniers, et afin de conserver les bĂ©nĂ©fices de leurs efforts, devront faire preuve Ă  l’avenir de la plus grande prudence avant d’adhĂ©rer Ă  une Ă©ventuelle monnaie unique couvrant l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, et ne pas agir avec prĂ©cipitation.

En attendant, les pays de zone UEMOA doivent déjà prochainement sortir du franc CFA pour le remplacer par une nouvelle monnaie plus indépendante de la France, qui en resterait la garante.

Une importante rĂ©forme qui comprend, entre autres, la fin de l’obligation historique et souvent critiquĂ©e de centraliser en France 50 % des rĂ©serves en devises des pays de la zone (ce qui n’était pourtant qu’une question technique, n’en dĂ©plaise Ă  certains qui le reconnaissent indirectement aujourd’hui en minimisant l’importance de la rĂ©forme, et dont l’abandon, dĂ©jĂ  ratifiĂ© par la France, ne modifiera pas les capacitĂ©s financiĂšres des pays de l’espace UEMOA, mais permettra par contre Ă  la France de ne plus avoir Ă  verser des intĂ©rĂȘts Ă  des taux souvent supĂ©rieurs Ă  ceux dont elle peut bĂ©nĂ©ficier sur les marchĂ©s internationaux).

Une fois cette rĂ©forme effectuĂ©e, et mĂȘme si la crĂ©ation ultĂ©rieure d’une monnaie unique ouest-africaine prendra encore de nombreuses annĂ©es, principalement du fait de l’imprĂ©paration des pays non membres de l’UEMOA (pays anglophones, Cap-Vert et GuinĂ©e) qui sont loin de remplir les critĂšres de convergence, faute d’ĂȘtre habituĂ©s, Ă  l’inverse de leurs voisins francophones, aux principes de discipline budgĂ©taire et monĂ©taire qu’impose l’adoption d’une monnaie unique (ce qui explique le report permanent de la crĂ©ation d’un Eco ouest-africain depuis dĂ©jĂ  quelques dĂ©cennies).

Les pays francophones de l’UEMOA, devront faire preuve d’une approche purement rationnelle et non « affective » lorsque les autres pays de la rĂ©gion seront prĂȘts Ă  adhĂ©rer Ă  une monnaie unique (et dont le cours sera probablement dĂ©terminĂ© en fonction d’un panier de devises pour aboutir Ă  un taux de change flexible, ce qui constitue une solution prĂ©fĂ©rable Ă  long terme pour l’ensemble des pays de la rĂ©gion, mĂȘme si de nombreux pays dans le monde ont aujourd’hui une monnaie arrimĂ©e Ă  une autre devise, y compris en Afrique non francophone).

Une rĂ©flexion qui s’imposera notamment lorsqu’il s’agira d’examiner une Ă©ventuelle adhĂ©sion du Nigeria, dont le poids dĂ©mographique, d’une part, et les graves difficultĂ©s Ă©conomiques, d’autre part, sont probablement incompatibles avec les intĂ©rĂȘts des autres pays de la rĂ©gion, qu’ils soient francophones, lusophones ou anglophones (comme le Ghana, par exemple).

Rapport CERMF 03-2021_L’Afrique subs francophone continue Ă  tirer l’économie africaine[4]

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En effet, et bien qu’en voie d’appauvrissement, le Nigeria continuera tout de mĂȘme Ă  peser assez lourdement en Afrique de l’Ouest du simple fait de son poids dĂ©mographique (et, in fine, Ă©conomique). Une adhĂ©sion de sa part Ă  une monnaie ouest-africaine reprĂ©senterait ainsi une grave menace pour la souverainetĂ© de l’ensemble des pays de la rĂ©gion, dont l’influence sur la gestion de cette monnaie supranationale pourrait ĂȘtre limitĂ©e.

La fermeture rĂ©cente fin 2019 des frontiĂšres du Nigeria aux marchandises venant des pays frontaliers de la CEDEAO, sans concertation prĂ©alable et en dehors des rĂšgles mĂȘmes de l’organisation, Ă©tait d’ailleurs assez rĂ©vĂ©latrice de ce que pourrait ĂȘtre l’attitude du pays dans le cadre de la gestion d’une monnaie commune ouest-africaine (qui aurait probablement pour principal objectif de servir avant tout les intĂ©rĂȘts du Nigeria).

À cela, s’ajoutent donc les graves difficultĂ©s structurelles auxquelles fait face le Nigeria, qui connaĂźt une croissance Ă©conomique trĂšs faible depuis plusieurs annĂ©es (largement infĂ©rieure Ă  sa croissance dĂ©mographique, contrairement aux pays francophones frontaliers), une inflation assez forte (11,6 % en moyenne annuelle sur les huit annĂ©es de la pĂ©riode 2012-2019, soit Ă  peu prĂšs comme le Ghana, 11,9 %, mais trĂšs largement au-dessus de la CĂŽte d’Ivoire ou du SĂ©nĂ©gal, respectivement 0,8 % et 0,7 %), une monnaie ayant perdu prĂšs de 60 % de sa valeur face au dollar depuis 2014 (et plus de 99 % de sa valeur depuis sa crĂ©ation en 1973, lorsque la livre sterling valait 2 nairas, contre 530 au 15 fĂ©vrier 2021), et dont 94 % des exportations reposent encore aujourd’hui sur le pĂ©trole et le gaz (le pays n’étant toujours pas parvenu, plus de 60 ans aprĂšs son indĂ©pendance, Ă  diversifier son Ă©conomie et Ă  mettre en place un tissu industriel capable d’exporter).

L’intĂ©gration d’une Ă©conomie en aussi mauvaise santĂ© et en dĂ©clin comme celle du Nigeria Ă  une monnaie ouest-africaine semble ĂȘtre incontestablement de nature Ă  dĂ©stabiliser profondĂ©ment les Ă©conomies de tous les autres pays qui partageraient cette mĂȘme monnaie, Ă  travers une importante perte de valeur de celle-ci, accompagnĂ©e, de surcroĂźt, d’une politique monĂ©taire plus adaptĂ©e Ă  un pays en crise (le Nigeria, par son poids dĂ©mographique et donc Ă©conomique, dictant probablement en grande partie cette politique), et ne correspondant donc pas aux besoins des pays dynamiques de la rĂ©gion.

À commencer par ceux de l’UEMOA, zone la plus dynamique d’Afrique de l’Ouest et de l’ensemble du continent, qui verraient ainsi leur dynamisme baisser significativement et assez rapidement. Par ailleurs, le dĂ©clin Ă©conomique du Nigeria est de nature, Ă  terme, Ă  accroĂźtre considĂ©rablement l’émigration de NigĂ©rians, en quĂȘte d’une vie meilleure, vers des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, et en particulier vers la CĂŽte d’Ivoire, le Ghana, le BĂ©nin, le SĂ©nĂ©gal, le Cameroun et le Gabon.

Des pays qui devront alors faire face Ă  ce qui pourrait ĂȘtre un vĂ©ritable choc migratoire, compte tenu de la population du Nigeria, et, pour l’Afrique de l’Ouest, des rĂšgles de la CEDEAO qui prĂ©voient la libertĂ© de circulation et de rĂ©sidence pour les ressortissants des pays membres.

Mais si l’intĂ©gration du Nigeria Ă  une zone monĂ©taire ouest-africaine mĂ©rite rĂ©flexion (sachant d’ailleurs que la zone UEMOA reprĂ©sente dĂ©jĂ  un vaste territoire et un vaste marchĂ©), celle d’un pays comme le Ghana semble Ă  l’inverse bien plus compatible.

En effet, et mĂȘme si le Ghana est un important producteur d’or et de pĂ©trole, trĂšs dĂ©pendant du cours de ces deux matiĂšres premiĂšres (qui reprĂ©sentent plus des deux tiers de ses exportations, Ă  peu prĂšs Ă  part Ă©gales), et qu’il souffre d’une assez forte inflation et d’un niveau Ă©levĂ© d’endettement, celui-ci a toutefois le double avantage d’avoir une population comparable en nombre Ă  celle d’autres pays de la rĂ©gion, et de faire partie des rares pays dont l’économie peut s’appuyer sur deux richesses naturelles dont les cours Ă©voluent souvent de maniĂšre opposĂ©e (la baisse du prix de l’une Ă©tant plus ou moins compensĂ©e par la hausse du cours de l’autre).

Chose qui contribue Ă  la stabilitĂ© du Ghana, qui, et en dĂ©pit de taux de croissance parfois assez faibles, n’a jamais enregistrĂ© de croissance nĂ©gative au cours des dix derniĂšres annĂ©es. L’enthousiasme manifestĂ© par le prĂ©sident ghanĂ©en fin 2019, lorsqu’il avait annoncĂ© sa volontĂ© de rejoindre au plus vite les pays de la zone UEMOA dans leur projet de crĂ©ation d’une nouvelle monnaie unique devant se substituer au franc CFA, tĂ©moigne d’ailleurs de la proximitĂ© et de la compatibilitĂ© du pays avec ces voisins.

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Mais le prĂ©sident ghanĂ©en avait dĂ» ensuite rapidement revenir sur ses propos, non pas au nom des intĂ©rĂȘts de son pays (qui bĂ©nĂ©ficierait grandement d’un rapprochement avec l’espace UEMOA, compte tenu de ses difficultĂ©s), mais suite aux pressions exercĂ©es par le Nigeria, et dictĂ©es par les intĂ©rĂȘts de ce dernier.

* Ayant la particularitĂ© d’ĂȘtre Ă  la fois francophones et anglophones (pour avoir connu dans le passĂ© une double prĂ©sence française et britannique, successivement), Maurice et les Seychelles sont comptabilisĂ©s deux fois, aussi bien pour le calcul de la croissance globale de l’Afrique subsaharienne francophone que pour le calcul de la croissance de l’Afrique subsaharienne non francophone. Ce qui n’a, toutefois, aucune incidence sur ces mĂȘmes taux de croissance (arrondis Ă  une dĂ©cimale), compte tenu du faible poids Ă©conomique de ces deux pays par rapport aux deux ensembles citĂ©s. Il en va de mĂȘme pour le calcul des taux d’endettement globaux, pour lequel ils sont Ă©galement doublement comptabilisĂ©s.

Auteur
Ilyes Zouari
PrĂ©sident du CERMF (Centre d’étude et de rĂ©flexion sur le Monde francophone)
www.cermf.org
info@cermf.org

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