Une exposition d’affiches de films de l’artiste sénégalais Ablaye Ndiaye « Thiossane » propose un regard décalé et attendri sur l’histoire du cinéma dont les périodes les plus fastes au Sénégal rendent compte de l’influence exercée par le 7e art sur le peintre et musicien et sa vision d’un art ouvert sur le monde.

L’exposition ouverte mardi à la galerie « Le manège » à Dakar comporte 350 dessins d’affiches de films dont 240 appartenant à la collection privée de Florent Mazzoleni.

Des affiches reproduits sur du papier simple A4, par lesquelles Ablaye Ndiaye « Thiossane », 85 ans, revient sur une époque faste pour le cinéma sénégalais pendant laquelle les salles de cinéma florissaient dans les capitales régionales comme Thiès, qui comptait à elle seule sept espaces de diffusion tels que « Agora », « Palace », « Rex », « L’Aiglon », « L’Empire ».

Ablaye Ndiaye Thiossane dessine sa première affiche de cinéma en 1949. Il avait alors 14 ans et habitait en face d’un cinéma.

Il s’installait devant les salles et commençait à recopier les affiches des films qui y sont projetés. L’artiste en a réalisé plus de 2000, inspirées principalement de films étrangers, américains, français, égyptiens ou indiens.

« Ce qui est intéressant dans ce travail, commente Olivia Marsaud, l’une des commissaires de l’exposition, c’est que Ablaye a toujours vécu à Thiès et le cinéma lui a permis de s’ouvrir sur le monde entier, de voyager tout en restant dans sa ville. »

L’artiste répète d’ailleurs à qui veut l’entendre que le cinéma lui a permis de parler français.

De fait, Ablaye Ndiaye ’’Thiossane’’, tout en restant « local » dans sa ville natale, propose une ouverture vers « l’universel », à travers des dessins d’affiches de films venus des Etats-Unis, d’Italie, de l’Inde, de la France, de l’Egypte.

Des reproductions de westerns, de films d’aventure et d’amour qui ont d’une certaine manière contribué à sa vision de l’art et à sa formation artistique.

« Si l’on compare avec les affiches originales, pour certains, il a respecté l’original, parfois il décide de dessiner les choses qui l’ont marqué dans le film, parfois il change les couleurs et les formats. Il y a une vrai réinterprétation », souligne la commissaire de l’exposition.

L’artiste qui dessine toujours en noir les actrices représentant Cléopâtre, par fidélité aux idées de l’historien sénégalais Cheikh Anta Diop, rappelle que pour lui tout avait commencé avec « Il marchait la nuit », film d’Alfred Werker ayant inspiré sa première affiche.

Exposition Dix (10) femmes puissantes, portraits de femmes en lutte contre l'esclavage colonial - Espace muséographique Victor Schoelcher à Fessenheim (O. Barthélémy / France Télévisions)
Exposition Dix (10) femmes puissantes, portraits de femmes en lutte contre l’esclavage colonial – Espace muséographique Victor Schoelcher à Fessenheim (O. Barthélémy / France Télévisions)

D’autres films, cultes ou non, ont inspiré l’artiste comme « Le cavalier noir » de Ray Ward Baker (Royaume-Uni, 1961), « Tarzan et la révolte de la jungle » de William Whitney (Etats-Unis, 1970), « Insaaf » de Kebar Kappor (Inde, 1956), « Le ciel brûle » de Giuseppe Masini (Italie Espagne, 1958) ou « Le retour de Godzilla » de Matoyoski Oda (Japon, 1955).

Exposition d’affiches de films inspire un regard sénégalais sur l’histoire du cinéma

« Je suis très content de cette exposition, j’ai toujours voulu montrer mes dessins. Si je n’avais pas mesuré l’importance de ce travail, j’aurais abandonné depuis longtemps. J’avais un don du dessin et en voulant être peintre comme mes aînés, je les suivais dans la reproduction des affiches de films », explique Ablaye Ndiaye Thiossane.

Les affiches de cette exposition-hommage sont classées par thématique de douze tableaux, avec cependant peu de films africains du fait de la rareté de la production africaine à une époque où seule l’Egypte comptait vraiment dans ce domaine.

La production nationale du Sénégal s’en sort avec « Le bracelet de bronze » de Tidiane Aw, « Xala » de Sembène Ousmane et « Njangaan » de Mahama Johnson Traoré dont les affiches ont été exposées.

Un coin de la galerie a été réservé aux photos d’archives personnels de l’artiste, ainsi qu’à des reproductions à l’identique d’objets intimes ornant sa chambre à Thiès, à savoir livres, cassettes, diplômes d’honneur ou de reconnaissance, carte de membre de l’Orchestre national.

L’intérêt de cette exposition tient par ailleurs à la mise en lumière de cette facette méconnue de l’artiste et de son art, une découverte qui se prolonge à travers une tapisserie des Manufactures des arts décoratifs (MSAD) de Thiès, intitulée « Songho » et inspirée d’une toile d’Ablaye Ndiaye « Thiossane », en même temps qu’un film documentaire sur l’artiste.

exposition-des-oeuvres-de-leonard-de-vinci-s-inscrit-dans-la-promotion-de-la-diversite-pr-hamady-bocoum
exposition-des-oeuvres-de-leonard-de-vinci-s-inscrit-dans-la-promotion-de-la-diversite-pr-hamady-bocoum

L’artiste, un ancien peintre-cartonnier du MSAD, compte parmi les premières équipes de cette entreprise implantée à Thiès en 1966, à l’initiative de l’ancien président Léopold Sédar Senghor.

Ablaye Ndiaye ’’Thiossane’’ est également un musicien-chanteur de l’Orchestre national qui a sorti son premier album solo à l’âge de 75 ans.

Il est l’interprète de la musique du premier festival mondial des arts nègres de 1966.

« Le cinéma m’a appris à lire, à écrire et à parler le français. Il m’a donné envie de faire de la musique », dit-il dans le film document qui retrace la trajectoire de l’artiste.

A lire aussi

« Cette exposition montre le génie de Ablaye Ndiaye Thiossane. On se rend compte de l’ingéniosité de l’artiste, de son talent à travers ses œuvres », a souligné le directeur des Manufactures sénégalaises des arts décoratifs, Aloïse Diouf.

« C’est un grand artiste sénégalais qui doit être davantage connu par les jeunes et à qui on doit rendre hommage de la manière la plus belle possible. Nous sommes fiers de lui », a-t-il ajouté.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici