Les espions, Huawei et le regret d'Alcatel
Les espions, Huawei et le regret d'Alcatel

Les espions, Huawei et le regret d’Alcatel. Et si l’équipementier chinois était tout simplement victime de son avance technologique  ? Cette polémique nous amène à regretter nos propres erreurs industrielles. Huawei, les espions et le regret d’Alcatel

Le flou le plus total. Voilà la situation des opérateurs français après l’amendement à la loi Pacte – rejeté dans un premier temps au Sénat, mais qui devrait revenir sous une autre mouture – qui va renforcer le contrôle sur le choix de l’équipementier pour leur réseau.

Et donc sans doute, limiter le recours au chinois Huawei, la cible présumée de cette mesure. Ce que les opérateurs redoutent le plus  ?

Un allongement des procédures administratives ou encore l’obligation de devoir remplacer du matériel déjà installé.

« Nous aimerions avoir une réponse fixe avant la fin du second semestre », explique par exemple Orange qui utilise pour l’instant Huawei uniquement en Afrique, mais est tenté d’y recourir pour le déploiement de la 5G en France.

Cette technologie, qui devrait être déployée en 2020, promet de multiplier par 10 le débit de la 4G, ce qui permettra par exemple de télécharger un fichier d’un gigaoctet en moins de 20 secondes.

Elle sera essentielle pour relier entre eux les objets connectés, faire fonctionner les usines du futur ou encore les voitures semi-autonomes.

Surtout, au quotidien, ses antennes optimiseront en permanence le signal des mobiles, de quoi apporter davantage de stabilité.

OnePlus, LG, ou encore Samsung, avec son modèle Galaxy F, s’apprêtent d’ailleurs à dévoiler des mobiles compatibles dans les tout prochains jours.

Huawei consacre 15 % de son chiffre d’affaires à la recherche

« Il est important pour les acteurs français d’avoir le plus vite possible de la visibilité sur le cadre légal lié à la sécurité », confirme-t-on à la Fédération française des télécoms.

On comprend l’impatience des opérateurs. Pour que la 5G soit déployée en France, il faudra ensuite un lancement de procédure de fréquences dont on ne connaît pas encore le cadre de l’attribution : enchères ou concours de beauté, en fonction des engagements pris par les opérateurs.

Celui-ci pourrait intervenir avant la fin de l’année comme l’a promis la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher.

Seules ces décisions pourront remettre la France dans la course à la 5G, par rapport à la Corée du Sud et le Japon notamment.

Certes, si l’équipementier Huawei, interdit aux États-Unis, n’est pas jugé suffisamment fiable, nos opérateurs pourront toujours se reporter sur les européens Nokia ou Ericsson.

« Mais cela signifie entre six mois à deux ans de retard », explique par exemple Deutsche Telekom en Allemagne, confronté au même dilemme en Allemagne.

Fort de ses 180 000 employés, Huawei, qui dépense 15 % de son chiffre d’affaires en recherche, n’est-elle pas l’entreprise qui a le plus déposé de brevets en Europe en 2017  ?

Cette année-là, le chinois, qui s’intéresse en ce moment aux lunettes de réalité augmentée, a fait plus fort que l’allemand Siemens, comme on peut le voir dans #TECH24, l’émission high-tech de FRANCE 24 présentée avec Marjorie Paillon et dont Le Point.fr est partenaire.

La France n’a pas réussi à faire d’Alcatel son champion

Quant au fond de l’affaire : Huawei espionne-t-il vraiment  ? Rien ne le prouve à ce jour. Le créateur de l’équipementier Ren Zhengfei estime avoir écopé d’une balle perdue dans le conflit sino-américain.

« Nous sommes un grain de sésame dans la bataille commerciale qui oppose les États-Unis et la Chine », explique le septuagénaire.

Fan de big data, il expliquait au Point, lors d’une interview en 2014 : « Cela vous permettra de retrouver la bague de votre femme dans un océan. »

À l’époque, le fils d’instituteurs du Jiangsu avait rencontré le médaillé Field Cédric Villani, et avait promis un investissement de 1,5 milliard d’euros dans la recherche en France.

Déjà à l’époque, il s’agissait alors de rassurer dans la foulée d’un rapport parlementaire remis en 2012 et intitulé « La cyberdéfense : un enjeu mondial, une priorité nationale ».

Reste un regret de taille. Pourquoi la France qui, il y a encore 15 ans, possédait avec Alcatel un équipementier d’envergure mondiale n’a pas réussi à en faire un acteur capable de batailler avec les géants Cisco ou Huawei  ?

En 1998, notre champion national était même cité en exemple par Wired en s’offrant des pépites californiennes destinées à booster son débit.

Cela semble bien loin aujourd’hui. Au manque à gagner économique, s’ajoute celui de la souveraineté.

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