La drogue a détruit leur vie, le Centre de prise en charge intégrée des addictions de Fann est en train de les aider à la reconstruire. Ils racontent dans L’Observateur de ce jeudi leur première fois, leur descente aux enfers et leur remontée de la pente. Pour des raisons évidentes, le quotidien du Groupe futurs médias a fait porter aux anciens drogués des noms d’emprunt.


DAME SYLLA, 54 ANS
« À la longue l’héroïne ne me suffisait plus »


La première fois : « Je prenais de l’héroïne par pur plaisir. La première fois que j’en ai sniffée, c’était en 1995, par l’entremise d’un ami. J’avais 33 ans. Il a apporté la poudre dans ma chambre et, par curiosité, j’ai goûté. Je me suis senti tellement bien. J’étais gai, heureux. Je planais littéralement. C’est comme si mon esprit était plus aiguisé et vif. À la longue, l’héroïne ne me suffisait plus. J’ai commencé à y associer de la cocaïne et du cannabis. »

La descente aux enfers : « Avec ce cocktail explosif, je devenais plus euphorique. J’ai fini par investir mes maigres économies. J’ai perdu mon boulot et le rythme des dépenses pour ma dose quotidienne était devenu intenable. Je ne parvenais pas à me contrôler, quand je ne prenais pas ma dose quotidienne. J’étais fiévreux, nerveux pour un rien, irritable et je pouvais grelotter de froid sous une chaleur excessive. Durant ces moments toute sorte de tentation me traversait l’esprit. Voler, agresser, mais grâce à Dieu, je n’ai jamais franchi le rubicond.

Le bout du tunnel : « Au bout de 20 ans et d’innombrables tentatives, je me suis décidé à arrêter. J’étais fauché comme un rat, endetté, j’y ai laissé ma santé et, pire, j’étais une loque humaine. C’est ainsi qu’un beau jour, je suis tombé sur une équipe de spécialistes du Centre de prise en charge intégré des addictions de Fann. J’ai intégré le Centre en 2015. Au début, ce n’était pas évident. Il faut avoir un mental d’acier pour se tirer des griffes de la drogue. »


OUSMANE DEMBÉLÉ, 55 ANS
Détruit par une femme, réparé par une femme


La première fois : « Je suis entré dans la drogue par accident. Avant, je fumais du chanvre et cela me suffisait. Un jour, un ami m’a proposé de l’héroïne et depuis ce jour de 1999, je vis l’enfer. À cette époque, je sortais aussi d’une relation amoureuse tumultueuse. Cet épisode m’a fait plonger dans une profonde dépression et j’ai commencé à user de la drogue dure parce que le chanvre ne me permettait plus d’oublier.

La descente aux enfers : « Quand j’étais en manque, je devenais nerveux et agressif. J’en suis arrivé à commettre une agression sur une personne qui me devait 2000 francs Cfa. Cela m’a valu un emprisonnement de deux mois en 2006, pour coups et blessures volontaires. J’étais devenu un déchet humain, dépendant de la drogue. Pour survivre, il me fallait coûte que coûte ma dose quotidienne. J’en étais arrivé à dépendre des humeurs de mon dealer parce que j’étais un poly-consommateur. C’est-à-dire que je consommais de l’alcool et de la drogue. »

Le bout du tunnel : « Finalement, j’ai déménagé et c’est là que j’ai rencontré une fille qui m’a beaucoup aidé. Elle est devenue par la suite mon épouse. C’est une femme qui m’a poussé dans la drogue et c’est une autre qui m’a tiré de l’abîme. Aujourd’hui, on a de grands enfants. Mon séjour carcéral a beaucoup impacté sur ma dépendance à la drogue. À ma sortie (de prison), un ami m’a informé de l’ouverture d’un centre à Fann qui allait prendre en charge les personnes dans mon cas. J’ai intégré le centre en 2015. J’ai repris goût à la vie et regagné confiance en moi. »


KINÉ GUÈYE, 29 ANS
« Droguée à l’héroïne, à la cocaïne et au cannabis »


La première fois : « J’étais droguée à l’héroïne, à la cocaïne et au cannabis. Je fréquentais des personnes qui m’ont initiée à la consommation de drogues et à la prostitution. Un jour, alors que je ne parvenais pas à trouver le sommeil, je suis allée dans une boîte de nuit de la place. J’y ai rencontré un homme. On a discuté et on est tombé d’accord sur le prix de la passe. Il ne souhaitait pas coucher avec moi. Ce qui le rendait heureux, c’était que je me mette en tenue de bain pour sniffer ou fumer de la cocaïne en sa compagnie. La première fois, j’ai vomi. Par la suite je me suis habituée à en consommer. La prostitution m’a menée dans l’enfer de la drogue. »

La descente aux enfers : « Si le marché du sexe ne rapportait pas beaucoup, je vendais le petit mobilier de ma chambre pour m’en procurer. Et ces moments étaient très douloureux. Au fil des années, je suis devenue accro à la drogue et il me fallait, tous les jours, ma dose. J’ai commencé à prendre de l’héroïne alors que je fréquentais un homme avec qui j’ai vécu pendant 8 ans. J’étais même atteinte de tuberculose.

Le bout du tunnel : « Aujourd’hui, grâce au Cepiad, j’ai repris goût à la vie. J’ai tourné le dos à la prostitution et à la drogue. C’est dans ce centre que j’ai rencontré l’homme qui est aujourd’hui mon mari. Nous sommes mariés depuis un an. »


DIEYNABA HANN, 25 ANS
De la drépano à l’overdose


La première fois : « Je prenais quotidiennement des injections de Tramadol (médicament contenant de l’opium), qui ont entraîné une certaine addiction chez moi. Étant drépanocytaire SS, je prenais souvent des injections d’antidouleurs pour éviter les crises. À partir d’une certaine dose, il provoque une dépendance et c’est ce qui m’est arrivé. Plus le Tramadol m’apaisait, plus j’en prenais. Un jour j’ai pris une douzaine d’ampoules et j’ai eu automatiquement une overdose. »

La descente aux enfers : « Quand j’étais en manque, j’étais nerveuse, stressée et j’avais le corps lourd. Je m’enfermais dans ma bulle et ne parlais à personne. Tous les membres de ma famille étaient remontés contre moi. Plus je sombrais dans l’addiction, plus on me tenait à l’écart. Ma mère a versé toutes les larmes de son corps.

Le bout du tunnel : « Face à mon addiction, mon père s’est résolu à m’emmener au Cepiad, sur recommandation de mon médecin traitant au Centre national de transfusion sanguine. »

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