De la liste des 26 à l’élimination, les coulisses de la désunion des Bleus à l’Euro 2020.
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Coulisses de la désunion des Bleus à l’Euro 2020
De l’annonce de la liste des vingt-six à l’élimination contre la Suisse lundi, l’élan collectif de l’équipe de France a été ébranlé par plusieurs épisodes.
Dans le vestiaire, la désolation. Les Bleus sont tête basse, regard hagard, piégés par l’incompréhension. Raphaël Varane, le seul qui a accepté de parler en direct sur TF1 au sortir du huitième de finale, se lève et prend la parole.
Il en appelle à la solidarité et à l’union. Il rappelle, en substance, que cette élimination ne doit pas effacer tout le parcours accompli et que d’autres objectifs seront vite assignés aux champions du monde. Qu’il faut relever la tête.
Puis, hier, après une nuit où peu de joueurs ont trouvé le sommeil, certains invitant même des membres de leur famille à les rejoindre à leur hôtel, et juste avant le dernier déjeuner en commun à Bucarest, ce fut au tour de Didier Deschamps de s’exprimer devant son groupe.
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Le sélectionneur a dressé le constat d’échec, lucide et conscient que ni lui ni ses joueurs n’étaient exempts de reproches.
Il a assuré qu’il serait en première ligne face aux critiques et qu’il y ferait face.
Mais il a également affirmé avec conviction que tous avaient donné le maximum, dans une période pas comme les autres, et qu’ils n’avaient aucun regret à nourrir.
Avant de rappeler, à son tour, que de nouvelles échéances attendaient l’équipe de France dès septembre. Il leur demande : « Respectez-vous, toujours ! »
Benzema, un retour incontestable
Avait-il en tête la fin de match agitée de la veille face à la Suisse ? Certains joueurs ressassaient ces huit dernières minutes du temps réglementaire, alors que la France se reposait sur un avantage d’apparence confortable. Se sont-ils vus trop beaux ?
L’environnement les a-t-il bercés d’une illusion qui ne collait pas tout à fait à la réalité ? Dès le 18 mai et l’annonce de la liste des vingt-six révélée par le sélectionneur, les Bleus partaient sillonner le continent avec une pancarte d’immenses favoris dans le dos, c’était sûr.
Le retour surprise de Karim Benzema, qui sortait sans doute de la meilleure saison de sa carrière avec le Real Madrid, serait le »plus » incontestable, à tout point de vue.
Sportif, parce que les grands joueurs s’entendent forcément sur un terrain. Médiatique, parce qu’il scellerait la grande réconciliation avec le sélectionneur. Et même marketing, l’un des directeurs de la FFF y voyant surtout une opportunité de vendre des maillots.
Kylian Mbappé et Olivier Giroud lors de la préparation à l’Euro
En tout cas, sur les réseaux sociaux de la Fédération, la mise en scène des visuels représentant les Bleus ne plaît pas à tous ce jour-là. L’un des cadres de l’équipe de France demandera même le contact de Florence Hardouin, la directrice générale, pour lui témoigner son mécontentement.
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L’épisode des visuels s’étirera d’ailleurs jusqu’au second match de préparation, au Stade de France, contre la Bulgarie (3-0).
Cette fois, ce sont ceux diffusés sur les écrans de l’enceinte de Saint-Denis, dans les espaces VIP notamment, qui irritent la délégation. Il manque un joueur cadre parmi ceux à l’affiche.
Didier Deschamps, conscient de l’importance que ses stars accordent à ces détails, fait savoir son agacement. Les visuels seront retirés.
Giroud a mis le feu aux poudres
Sur le terrain, les Bleus déroulent face aux Bulgares, s’imposent sur le même score que contre les Gallois (3-0) six jours plus tôt à Nice, et tout paraît rouler.
Jusqu’à ce qu’Olivier Giroud, auteur d’un doublé et interrogé par la chaîne L’Équipe cinq minutes après le coup de sifflet final, s’agace d’une question qui pointait d’abord sa discrétion lors de son entrée à la place de Benzema, avant de souligner sa performance de buteur.
Lui ne retiendra que la première partie de la question : « Discret parce que des fois on fait des courses mais les ballons n’arrivent pas […] Vous dites qu’on ne m’a pas beaucoup vu mais peut-être qu’on aurait pu mieux se trouver. »
Kylian Mbappé et Olivier Giroud lors d’un entraînement
Vu de l’extérieur, l’allusion semble viser Kylian Mbappé. Selon l’entourage de l’avant-centre de Chelsea, cela ne concerne pas le joueur du PSG.
Seulement, les proches de Mbappé ont partagé la même impression que celle des médias. Le lendemain, jusqu’à 15 heures, Clairefontaine est paisible.
Les joueurs, rentrés aux alentours de 2h30 du matin, ont pu se lever plus tard, prendre leur petit-déjeuner jusqu’à 10h30 et le déjeuner à 13 heures.
Mais juste après la sieste et avant l’entraînement de 17 heures, l’attaquant parisien, averti par son clan, voit rouge. Il n’accepte pas ces critiques, aussi implicites soient-elles, et veut s’inviter en conférence de presse pour rétablir sa vérité.
Deschamps l’invite surtout à se calmer et refuse d’accéder à son exigence. Mais Mbappé tempête toujours et ce ne sont pas les explications reçues un peu plus tard dans la journée de la part de Giroud, pas très chaud au départ d’avoir à se justifier, qui l’ont apaisé.
Vexé, le jeune attaquant des Bleus ne cherche d’ailleurs pas à dissimuler sa colère, ce qui agace les plus anciens du groupe, comme Steve Mandanda, Moussa Sissoko ou Hugo Lloris, lassés de le voir bouder.
Finalement, le sélectionneur l’enverra en conférence de presse quatre jours plus tard, la veille du départ vers Munich, afin qu’il puisse s’exprimer, dire le fond de sa pensée et tourner la page.
« Certains peuvent être entre potes. Mais sur le terrain, ils ont le même maillot et je sais qu’ils feront tous l’effort pour les autres. »
Didier Deschamps
Cet épisode aura marqué les frontières au sein des vingt-six. À défaut d’une vraie vie de groupe, ce sont des vies de groupes qui se dessinent en interne.
« Il y a des affinités, conviendra Deschamps, dans ces colonnes, le 14 juin. C’est aussi une question de génération. Il y a des centres d’intérêt différents. On est H24 ensemble. Certains peuvent être entre potes. Mais sur le terrain, ils ont le même maillot et je sais qu’ils feront tous l’effort pour les autres. »
La configuration des lieux, à Munich, Budapest puis Bucarest, ne facilite pas la cohésion sociale. Les joueurs ne disposent pas d’une grande pièce de vie pour se réunir comme dans le camp de base qu’ils avaient à Istra, en 2018, par exemple.
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Certains sont même désolés d’apprendre qu’après le match contre la Hongrie, ils vont devoir rester à l’hôtel Mariott alors qu’il était prévu, initialement, qu’ils déménagent à Gardony, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, au bord d’un lac.
À l’issue du troisième match, lorsqu’il s’est agi de savoir ce que devait faire l’équipe, rester ou partir en Roumanie, Pogba avait plaidé pour la deuxième option, déplorant les conditions d’hébergement à Budapest.
Chamboulés par le départ de Dembélé
Un sentiment de confinement a peu à peu gagné les Bleus au sein de cet hôtel dans lequel les fenêtres des chambres ne s’ouvrent pas.
Constatant que les Belges et les Espagnols ont pu voir leurs familles, ils ont sollicité la même permission mais la FFF s’y est opposée, brandissant l’argument de la bulle sanitaire.
Les joueurs n’auront finalement exprimé qu’une seule exigence : bénéficier d’une soirée, rien qu’entre eux, sur le roof-top de l’établissement.
Le forfait d’Ousmane Dembélé a été un réel coup dur pour les Bleus et en particulier Griezmann. (B. Papon/L’Équipe)
Jusqu’ici, ils avaient pu en organiser deux à Clairefontaine qui leur avaient soigné le moral.
Deschamps le leur a accordé, au lendemain du résultat nul contre le Portugal (2-2, le 23 juin). Au moins ont-ils pu discuter ensemble, de tactique et d’autres sujets.
Ils ne sont plus que vingt-cinq ce soir-là puisque Ousmane Dembélé les a quittés le matin même, victime d’une lésion aux ischios qui le condamnerait à une opération et quatre mois d’indisponibilité.
Le départ de l’attaquant du Barça a chagriné une très grande partie de l’effectif. Dembélé est, avec Paul Pogba, l’un des rares joueurs à fédérer le groupe.
Il est autant pote avec Mbappé qu’avec Griezmann, fait autant marrer Benzema que Giroud, émeut autant Rabiot que Hernandez.
En Russie, c’est son passeport oublié dans l’avion qui avait fait se bidonner le vestiaire (pas le staff).
À Budapest, c’est son arrivée au déjeuner précédant le match contre la Hongrie qui a fait s’esclaffer la délégation.
La qualification en 8es a rééquilibré la balance
Les jours de match, l’UEFA interdit aux sélections de porter des équipements avec les sponsors des fédérations. Les joueurs doivent donc s’habiller avec les tee-shirts vierges de toutes marques qui figurent dans le package.
Tous se sont présentés à table selon les consignes, sauf un : l’ancien Rennais, revêtu en homme-sandwich. Éclat de rire général.
Son forfait a forcément mis un peu moins de légèreté dans le quotidien des Bleus. Mais leur qualification pour les huitièmes de finale et les deux buts libérateurs de Benzema contre le Portugal ont rééquilibré la balance.
L’avant-centre du Real qui, depuis le 22 juin, ponctuait ses séances de veille de match par des exercices spécifiques d’attaquant avec Guy Stéphan, et se savait guetté au tournant, avait finalement réglé la mire et trouvé la confiance. Pour lui aussi, l’Euro s’est arrêté trop tôt.
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publié le 03juillet 2021 à 00h15
mis à jour le 03 juillet 2021 à 10h46