Au Kasaï-Central, des familles rentrent chez elles après avoir fui les violences. Les besoins en nourriture et en soins sont immenses.

On connaît peu la crise au Kasaï. Dans cette région de la République démocratique du Congo, des milliers de personnes ont été tuées ou blessées. Des charniers continuent d‘être découverts et le nombre de déplacés dépasse le million.

Nous nous sommes rendus dans le Kasaï-Central où de nombreux habitants ont pu rentrer chez eux même si le contexte reste instable. Une ONG comme Handicap International avec des financements européens oeuvre à une meilleure prise en charge des personnes souffrant de blessures liées aux violences.

Commençons par évoquer ce conflit en chiffres : dans cette région du Kasaï, en République démocratique du Congo, des milliers de personnes ont été tuées depuis l‘éclatement d’un nouveau conflit en 2016.

Au plus fort de la crise, on a recensé plus d’un million de déplacés dans le Grand Kasaï (d’après les statistiques du Bureau de coordination des affaires humanitaires à l’ONU de juin 2017). Ce qui fait de la RDC, le premier pays africain en termes de déplacement avec quatre millions de personnes qui ont dû partir de chez elles. (OCHA, November 2017)

Dans le Grand Kasaï, on estime que plus de trois millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire sévère.

Trois balles dans le bras

Au nord de la ville de Kananga, le pont Lulua est le seul point de passage pour les populations qui fuient les violences dans les territoires du nord. Cette province du Kasaï-Central fait partie de celles touchées par le conflit entre la milice Kamwina Nsapu et les forces gouvernementales.

Aujourd’hui, cette zone est l’une de celles où l’on est assez vite revenu à une situation relativement stable et où de nombreux habitants ont pu rentrer chez eux. À Kananga et dans les villages alentour, les familles tentent de surmonter les blessures du conflit et de se reconstruire.

À Nganza, nous rencontrons Marie Sankayi Beya. La jeune fille a été blessée en février dernier. “On était à l‘école et il y a eu des coups de feu, je suis partie en courant, mais j’ai reçu des balles perdues en rentrant chez moi, raconte-t-elle. Je n’ai pas vu qui avait tiré, j’ai senti une douleur dans tout le bras et j’ai vu que je saignais, ajoute-t-elle.

Avant d‘être blessée, dit-elle, j’ai vu deux autres élèves être tués à côté de moi, les soldats ont pris leur corps, quand j’ai vu ça, je suis partie en courant, je ne pouvais pas porter leur cadavre.”

Dans les mois qui ont suivi cet épisode, la violence était telle que tous les habitants sont partis du village. Aujourd’hui, Marie est revenue chez elle et retourne à l‘école. Tous les matins, pour s’y rendre, elle emprunte le chemin sur lequel elle a été prise pour cible. “Je pensais que je ne pourrais plus jamais me servir de mon bras,” confie la jeune fille qui a reçu trois balles dans le bras droit dont une qui s’est logée dans un os.

Kinésithérapie grâce à Handicap International

Nous constatons qu’elle est capable de lever le bras en classe et d‘écrire sur son cahier et au tableau. La jeune fille a partiellement retrouvé la mobilité grâce à des séances de kinésithérapie organisées avec le soutien de l’ONG Handicap International qui reçoit des financements du service de l’Union européenne à l’aide humanitaire.

Esther Lufuluabo Kapuku est la kiné qui s’occupe d’elle. “Le coude lui pose encore des problèmes : il y a un peu le début de l’ankylose, explique-t-elle. Maintenant, Marie peut faire la flexion, l’extension de son poignet, mais elle ne peut pas reprendre totalement,” précise-t-elle.

Handicap International a formé des kinés dans les hôpitaux de Tshikaji et Kananga pour mieux prendre en charge les cas divers et complexes générés par le conflit. L’un des patients Feli Kanyinda raconte : “J’ai perdu ma jambe, j‘étais à bord d’un train en fuyant le phénomène Kamwina Nsapu et je suis tombé du train, le train m’a coupé la jambe.”

80% des pathologies traitées par les kinés à l’hôpital général de Kananga et à Tshikaji sont liées aux violences. Dans les deux établissements, les équipements n‘étaient pas adaptés.

“Avant la crise, il y avait déjà un kiné dans l’hôpital, mais il n’y avait pas de cas si graves, souligne Veerle Van Hoestenberghe, responsable de la réhabilitation chez Handicap International. Alors, on a renforcé la salle de kiné, on l’a équipée avec le matériel nécessaire pour prendre en charge les cas plus sévères,” précise-t-elle.

Feli est en pleine séance, sur des barres parallèles. “Le premier jour, c‘était un aller-retour, puis 5 tous, puis 10, puis 30, explique-t-il. Aujourd’hui, je marche moi-même et je fais même un kilomètre moi-même,” se réjouit-il.

« Tout a été détruit »

L’Union européenne finance des opérations via des partenaires sur place pour apporter une réponse rapide aux déplacements de population et aux besoins d’assistance vitale et de protection des habitants qui rentrent chez eux alors que le contexte est encore très instable.

“Tout a été détruit – ou du moins, une bonne partie des infrastructures -, fait remarquer Amparo Laiseca, du service de l’UE à l’aide humanitaire. Ils n’ont pas de moyens de subsistance parce qu’ils n’ont pas pu semer pendant au moins deux saisons agricoles, voire trois, et ils se retrouvent les mains vides,” constate-t-elle.

Monica Pinna, euronews :
“On a l’impression que cette crise est passée sous silence. Pourquoi ?”

Amparo Laiseca :
“Parce que tout au début, on pensait que c‘était une crise parmi les autres. En RDC, il y a des crises malheureusement tous les jours et cela a pris un peu de temps pour comprendre l’ampleur de cette crise et la violence.”

Les Nations Unies ont lancé un appel à donner en 2018, pour la RDC : plus de deux fois plus de fonds que cette année, soit 1,7 milliards de dollars. Il s’agit du troisième pays aidé en nombre de personnes assistées après la Syrie et le Yemen.

 

 

 

Auteur : Sources: Monica Pinna avec Stéphanie Lafourcatère (Euronews) – Kafunel

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