La communication et la confiance pour la réussite du projet. L’approche par modélisation des relations (Mucchielli, 2004), nous montre d’une part les intrigues qui se déroulent autour du projet quel qu’il soit, d’autre part, des situations de communication parfois bloquées.

Figure 3-Vue simplifiée de la constitution de Pi.com
Figure 3-Vue simplifiée de la constitution de Pi.com

Le rôle de l’être humain communicant est décisif : la compréhension des processus communicationnels est incontournable dans ce projet.

Pourquoi cette composante humaine se rebelle-t-elle lorsqu’on cherche à exploiter tous ces outils formels et formalisants (outils informatiques, système d’information) ?

Comment dans le cadre du projet de refonte du système d’information, les freins se sont-ils « desserrés », pour arriver à un épilogue heureux qui est le lancement de Pi.com ?

Comment amener les informaticiens et les utilisateurs à coopérer ? Plus globalement comment créer par la communication une dynamique de la confiance dans l’entreprise pour que la gouvernance de l’entreprise ne demeure pas simplement une illusion du management (Le Goff, 2000) ?

Ce climat de communication-confiance-coopération pourrait conduire naturellement chaque acteur du projet à libérer par son engagement son « processus créatif ».

Approche conceptuelle de la confiance

Niklas Luhmann considère « la confiance au sens large du terme comme constituant une donnée élémentaire de la vie en société » surtout dans la communication et aussi comme un mécanisme pour réduire la complexité sociale (Luhmann, 2006).

La confiance suscite un vif renouveau conceptuel, parce que dans un cadre général d’incertitude grandissante, il y a un accroissement de la coopération entre les individus dans les organisations.

Figure 1-Les approches du SI selon 3 disciplines et points de convergence (Roux, 2004)
Figure 1-Les approches du SI selon 3 disciplines et points de convergence (Roux, 2004)

Plus généralement la question de la confiance est devenue centrale dans le pilotage des entreprises ; l’actualité de France Telecom, par exemple, montre bien la « crise de confiance » vécue entre collaborateurs et Direction dans le cadre de projet d’entreprise (Reynaud et al, 2010).

La confiance, comme l’explique Jean-Louis Le Moigne

Colloque « Du Mépris à la Confiance, de nouveaux comportements…, « c’est un concept qui, s’il est merveilleux dans son usage courant, “J’ai confiance”, “Tu n’as pas confiance”, nous échappe dès qu’on veut chercher à le cerner et le définir ».

Selon lui, le terme complexe de confiance est à la fois multidimensionnel, récursif et téléologique dans la communication:

  • il renferme bien des dimensions de connotations et n’est pas réductible à une composition ;
  • il est récursif parce qu’il désigne à la fois le résultat d’une action et l’action elle-même ;
  • c’est un concept qui s’entend dans le temps, se transforme minute après minute et il est irréversible.

La communication et la confiance pour la réussite du projet

Il n’est donc pas facile de donner une définition « définitive » de la confiance. De nombreux auteurs en sciences sociales ont tenté de conceptualiser ce phénomène (Simmel, 1999 ; Origgi, 2007 ; Seligman, 2007).

Pour Louis Quéré elle « est aujourd’hui en passe de devenir un sujet de controverse en sciences sociales » (Quéré, 2001, 9).

Chez les économistes, c’est un concept peu opératoire en dehors des procédures contractuelles (contrat signé par exemple) ; et pourtant l’actualité commerciale, économique ou managériale fait référence à ce concept : par exemple, on parle d’augmentation de niveau de confiance dans les achats sur internet (bon nombre d’internautes n’hésitent plus à donner leur numéro de carte bancaire) ; de refondation de la confiance suite à l’affaire Enron .

Groupe américain de courtage en énergie qui a fait faillite… entre autres, affaire qui a conduit à une crise de la confiance dans les milieux financiers.

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Les économistes donnent donc une définition limitée au risque d’opportunisme (Williamson, 1975). Zucker (1986) distingue trois formes de confiance en fonction de leur mode de production :

  1. la confiance intuitu personae (characteristic based trust) qui est attachée à une personne en fonction de caractéristiques propres comme l’appartenance à une famille, une ethnie ou un groupe donné ;
  2. la confiance relationnelle (process based trust) qui repose sur les échanges passés ou attendus en fonction de la réputation ou d’un don/contre don ;
  3. la confiance institutionnelle (institutional based trust). Dans ce cas, la confiance est attachée à une structure formelle qui garantit les attributs spécifiques d’un individu ou d’une organisation.

Notre intérêt pour la confiance provient de ce qu’elle peut être mise au cœur du pilotage de projet et devenir un facteur qui change tout (Covey et al., 2008).

La confiance comme levier de la coopération dans le projet SI

Les projets sont en principe les lieux par essence de la coopération. Celle-ci se base autour de la communication et de la confiance entre les acteurs, les parties prenantes.

La coopération est le propre même de l’entreprise car toute activité sociale, organisationnelle, requiert la coopération dès lors que l’individu seul ne parviendra pas au résultat.

C’est l’action collective par laquelle les sujets contribuent aux mêmes résultats (De Terssac et al., 1996).

Selon Le Cardinal (Le Cardinal et al, 1996), le succès de la coopération entre les acteurs du projet implique des conditions :

  • être en situation de vouloir et de pouvoir coopérer, c’est-à-dire se connecter physiquement, intellectuellement, psychologiquement aux autres ;
  • avoir le respect et la reconnaissance ;
  • être respecté dans son secret ;
  • exclure l’usage de la contrainte ou de la force ;
  • reconnaître les bénéfices des interactions en expérimentant l’intérêt de la coopération, en identifiant les apports réels de l’autre ;
  • reconnaître les difficultés de la coopération et aussi se demander si la coopération en valait la peine ;
  • pouvoir distinguer les finalités de la coopération ;
  • dans certains cas de coopération, seul le résultat compte ;
  • dans d’autres un apprentissage mutuel de compétences se dessine et accroît la confiance ;
  • enfin un troisième type de finalité de la coopération est l’exploration des nouvelles idées, de nouveaux domaines, exploration impossible à faire tout seul.

Coopérer nécessite aussi bien la confiance que le contrat. En effet « tout se passe comme si le contrat, l’organigramme théorique, le travail prescrit étaient la partie visible de l’iceberg.

La confiance interpersonnelle, l’organisation concrète et le travail réel en seraient les parties cachées, immergées ». (Le Cardinal et al, 1996, 74). Le contrat est nécessaire dans la coopération parce qu’il donne des garanties sur les conditions de réalisation de celle-ci.

Le contrat assure la pérennité d’une activité de projet ; les obligations, les limites, les interdits en sont définis en vue d’arriver aux résultats escomptés.

Il est donc la partie écrite de la relation dans cette activité projet. Le cahier des charges de ce projet de SI est considéré comme la partie contractuelle.

Le contrat donne des garanties de coopération telles que l’équité, le libre engagement, etc. Mais est-ce vraiment suffisant pour coopérer efficacement ? La confiance est importante pour compléter ce contrat.

L’expérience montre que même si les termes du contrat sont écrits, clairs, la réussite peut ne pas être au rendez-vous. Certes, la confiance n’exclut pas le contrôle souvent indispensable dans le projet, mais elle permettra d’une part de ne pas avoir à tout vérifier, par exemple (parce qu’on fait confiance) et d’autre part donne une dimension plus profonde et plus pérenne de la coopération.

Dans le cadre du projet, les relations entre les utilisateurs et les informaticiens d’une part, et les informaticiens entre eux d’autre part consistent souvent à rechercher en premier lieu s’il convient ou non de coopérer.

Elle passera par la connaissance de l’autre, l’estimation de ses capacités techniques à réaliser le projet mais aussi à coopérer pour le mener à bien. Si cette démarche est accomplie par les différents partenaires, la confiance peut alors se concrétiser par un accord.

Par exemple, s’accorder sur le contenu du cahier de charges : il revient aux informaticiens de traduire les besoins des utilisateurs dans un langage compréhensible par ces derniers (le langage des informaticiens est réputé souvent peu compréhensible).

Comment amener les acteurs à coopérer ?

Les acteurs ou groupe d’acteurs qui communiquent développent dans le premier objectif de la communication (échange, circulation, transmission des informations) une vision commune ou des « représentations proches » qui seraient par exemple les langues, les valeurs, les idéologies, les expériences qui sont communes aux acteurs.

La confiance dans la coopération se construit aussi par l’action. Cette action peut être par exemple de savoir compter sur l’autre et sa compétence, son efficacité, sa performance.

Comment arrive-t-on à la coopération ?

Selon Le Cardinal, les sept étapes clés d’un projet doivent être respectées sinon la coopération en sera « perturbée » :

  1. la mise en présence qui va du coup de téléphone à la poignée de main pour la présentation des acteurs ;
  2. la définition du projet commun, lieu où on découvre les enjeux, les engagements réciproques, les intentions, les sentiments cachés de l’autre ;
  3. la qualification du projet, on se demande à ce stade si les ressources, les compétences, les savoir-faire sont disponibles, si toutes les tâches ont été identifiées ;
  4. la réalisation du projet, il s’agit de tenir compte pendant la réalisation du projet de tous les éléments internes et externes susceptibles de perturber la coopération (défaillance d’un acteur, risque lié au partenaire externe, etc.) ;
  5. l’évaluation des résultats est une cause d’échec de projet parce qu’elle porte sur le jugement de chaque acteur de ces résultats ;
  6. l’harmonisation des points de vue et des sentiments est gage d’une coopération future plus facile ;
  7. le partage des bénéfices ou des pertes, « les dividendes » d’un projet sont difficiles à partager parce que forcément inégalitaires ;
  8. ces avantages ne sont pas seulement matériels, il y a par exemple, les connaissances acquises, pendant le projet, les outils, les relations nouées avec les autres acteurs, l’image de soi, des autres…
  9. la mise en absence, qui marque la façon de clôturer le projet ;
  10. la façon de se séparer à la fin du projet peut favoriser ou endommager le climat de confiance ;
  11. on célèbre la fin du projet en ayant un autre regard ;
  12. et se révéler sous un autre jour favorisera une prochaine coopération.

Concernant ce projet de refonte de SI, nous avons focalisé notre démarche sur une méthode (Abba, 2007) dont le point de départ est la communication.

L’importance de la communication dans les projets n’est plus à démontrer. Même si elle ne règle pas tous les conflits, par exemple, elle est la base de la confiance puis de la coopération. Ces trois éléments constituent une trilogie qui va caractériser les dimensions humaines du projet :

Figure 7-Processus trialogique de base
Figure 7-Processus trialogique de base

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