La musique, omniprésente dans notre vie [Part. 2 – Dossier Santé]

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Pour les spécialistes de l’évolution, la musique est une véritable énigme : pourquoi notre espèce consacre-t-elle tant de temps et d’énergie à cette activité qui ne semble avoir aucun but concret ? Découvrez d’où vient notre goût pour la musique dans ce dossier.

La radio du matin, puis l’iPod dans les oreilles, la radio dans la voiture, au supermarché jusqu’à l’annonce de la fermeture, à la télé, dans chaque publicité ; notre vie est remplie de musique : le paysage sonore qui nous entoure est très varié. Souvent ce n’est pas nous qui le choisissons. Il est certain en revanche qu’il fait partie de notre vie depuis toujours.

La musique n’est pas un objet d’étude banal pour les scientifiques. Pour les spécialistes de l’évolution, c’est un véritable casse-tête : pourquoi notre espèce consacre-t-elle beaucoup de temps et d’énergie à des activités comme jouer d’un instrument, danser, aller à un concert ou acheter un CD, qui apparemment n’ont aucun but concret ?

La musique est omniprésente dans notre vie. © Luis Fernández García Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.1 Spain
La musique est omniprésente dans notre vie. © Luis Fernández García Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.1 Spain

La plupart des activités humaines, comme manger, boire, parler, faire l’amour, ont un but biologique (probablement) évident. Nous mangeons pour survivre, faisons l’amour pour avoir une progéniture, parlons parce que la communication verbale, il y a quelques centaines de milliers d’années, a favorisé nos ancêtres parleurs au détriment de ceux qui ne pouvaient échanger d’informations. Mais la musique ? Pourquoi la musique ?

La musique ne s’explique pas très bien par les mécanismes typiques de l’évolution que sont la sélection naturelle et la sélection sexuelle :

  • pour la sélection naturelle : quel avantage aurait-elle donné aux premiers hommes ? La capacité de chanter ou danser, par rapport à qui ne savait pas le faire ?
  • pour la sélection sexuelle non plus (la sélection à l’origine de certains caractères peu avantageux pour l’individu, comme la roue d’un paon, mais très avantageux pour son succès reproductif et par conséquent pour toute l’espèce) : dans ce cas, comment expliquer la musicalité d’un enfant et d’un homme âgé, ou l’absence de différence entre la musicalité des hommes et des femmes ?

Pour Darwin, la musique a fait partie de la sélection sexuelle

Même Darwin reconnaissait que la musique est « l’un des dons les plus mystérieux qui caractérisent l’Homme ». Cependant, à son avis, on pouvait trouver une explication dans la sélection sexuelle : les premières vocalises des nos ancêtres, disait Darwin, ont été émises pour faire la cour. Ils seraient à l’origine de la musique et ensuite du langage. Aujourd’hui, presque personne ne reconnait à la musique un rôle particulier dans la reproduction (on peut avoir une activité sexuelle sans le disque romantique de la première rencontre), en revanche, l’idée de Darwin au sujet des liens entre musique et langage reste à la base d’un débat important. Et c’est peut-être là qu’il faut chercher la réponse à la question : pourquoi aime-t-on la musique ?

La musique : un effet collatéral de la sélection de caractères ?

Mais il y a peut-être une autre explication. La musique ne serait pas le fruit de l’adaptation (elle n’est pas un caractère favorable, dans un certain contexte, à la survie de qui le porte ou la survie de son espèce, et donc sélectionné par la nature au cours de l’évolution) mais pourrait être un effet collatéral de la sélection d’autres caractères qui ont, eux, ont favorisé les premiers ancêtres qui les ont présentés.

Dans ce cas, la musique serait un peu comme les peintures des niches aux angles d’une coupole : même si le peintre y a dessiné des anges et des saints, la raison pour laquelle ils sont là c’est qu’en construisant une coupole, il est resté quatre niches à décorer. En particulier, le peintre, avec tout son art, a trouvé ensuite une utilisation agréable de ces morceaux de mur.

Le biologiste Stephen Jay Gould a étudié la musique en tant qu'effet collatéral de la sélection de caractères. © Kathy Chapman Creative Commons Paternité version 3.0 États-Unis
Le biologiste Stephen Jay Gould a étudié la musique en tant qu’effet collatéral de la sélection de caractères. © Kathy Chapman Creative Commons Paternité version 3.0 États-Unis

C’est l’explication que les biologistes Stephen J. Gould et Stephen C. Lewontin ont donné, dans l’article de 1976, aux caractères ne pouvant pas être qualifiés d’adaptation. La musique pourrait être un caractère de ce type, un effet collatéral.

Une capacité sélectionnée, aujourd’hui transformée en plaisir ?

Parmi les scientifiques qui soutiennent cette thèse, figure Steven Pinker, qui compare la musique à une bavaroise à la fraise : il ne faut pas se demander pourquoi l’évolution a sélectionné notre goût pour la bavaroise à la fraise. L’évolution a rendu agréable à notre palais la crème (calorique et riche en gras) et les fruits frais (riches en eau, sucres et vitamines). Manger des aliments permettant de stocker des calories pour longtemps et de fournir des sucres rapidement a sûrement représenté un avantage pour la survie de nos ancêtres.

Aujourd’hui, nous utilisons ces saveurs pour préparer des tartes délicieuses mais l’évolution n’a plus rien à faire là-dedans. Selon Pinker, dans le cas de la musique, nos capacités cognitives et perceptives ont été sélectionnées pour d’autres raisons, mais aujourd’hui, nous les utilisons pour profiter d’un beau concert, sans que l’évolution soit concernée.

Cette troisième explication laisse un peu perplexes les scientifiques qui étudient les liens entre musique et évolution. La musique est un caractère universel de l’humanité : tous les hommes, toutes les cultures, toutes les périodes historiques ont reconnu et apprécié la musique. Cependant, elle reste une explication plausible et c’est pour cela que la question « pourquoi aime-t-on la musique ? » devient : « si la musique est le fruit de l’adaptation, quel est l’avantage qu’elle a donné à nos ancêtres pour que l’évolution la sélectionne et la fasse arriver jusqu’à nous ? »

C’est pour cela qu’il faut comprendre tout d’abord s’il s’agit vraiment d’une adaptation.

 

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