Pour le début du mois de jeûne, quatre musulmans reviennent sur les remarques qui reviennent à leurs oreilles chaque année pendant le Ramadan.
L’heure du Ramadan a sonné. À partir de ce lundi 6 mai, les quelques millions de musulmans et musulmanes que compte la France s’apprêtent à célébrer les valeurs de partage qui les rassemblent au cours d’une période de jeûne d’un mois.
Moment précieux de l’année pour nombre de fidèles, il est encore soumis aux interrogations de beaucoup de non pratiquants. Naïves (ou pas), les mêmes questions reviennent très souvent aux oreilles de celles et ceux qui font le choix de suivre le mois saint. Entre sidération et agacement, quatre d’entre eux racontent au HuffPost ce qu’ils en ont ras-le-bol d’entendre.
Est-ce que tu peux avaler ta salive?Sarah, mère au foyer
“Voilà maintenant quinze ans que je fais le Ramadan. J’ai commencé à l’époque où j’étais adolescente. Dans le collège où j’ai grandi, personne ne me posait de question gênante. C’est vraiment à partir du lycée que c’est devenu récurrent. Dans la sphère privée, comme professionnelle, les gens me demandent par exemple si j’ai le droit de me doucher ou si je n’ai pas ‘trop’ faim.
Le pire, c’est lorsqu’on m’interpelle pour savoir si j’ai le droit d’avaler ma salive. C’est une question tellement bête. Comment est-ce que des adultes peuvent se poser ça? Dans le ton, je ressens comme du jugement. Ce n’est pas de la curiosité. Même si ça me fatigue, je prends le temps de leur répondre. Ça demande de la patience.”
T’as vraiment pas le droit de boire, même si tu tombes dans les pommes?Sabrina, juriste
“Je distingue deux types de personnes. Mes proches et amis non musulmans avec qui j’en discute normalement. Ils me posent des questions sincères pour comprendre ce que je vis. Et puis, il y a les autres. Leurs questions résonnent plus comme des remarques. Chaque année, ce sont les mêmes depuis que j’ai commencé à faire le Ramadan vers l’âge de 16 ans.
‘T’as vraiment pas le droit de boire même si tu tombes dans les pommes?’ Celle-là, nombre de mes collègues me la posent au travail. Quand je jeûne, je suis censée rester sereine. Alors, je leur réponds calmement. Je leur dis que le Ramadan n’est pas censé nous faire du mal ou nous mettre en danger. Les gens qui ne sont pas en forme ne le font pas, tout simplement.
Tout le monde se permet de donner son avis et de dire que ‘ça a l’air trop chiant’. J’essaye de leur expliquer que cette période n’est pas faite que de restrictions, que c’est un mois où l’on se retrouve en famille, où l’on partage. Les gens ont besoin d’être davantage informés sur le fait que le Ramadan ne tourne pas qu’autour de la nourriture.”
Tu viens de dire ‘merde’.Djibril, agent immobilier
“J’ai l’impression que ce genre de phrases est arrivé à mes oreilles en grandissant, notamment à partir du lycée. Ce n’est pas tant les questions qui ont commencé à m’agacer à cette période, mais plutôt les remarques et les soi-disant ‘blagues’.
Je me rappelle d’une camarade de classe qui me reprenait à chaque fois que je faisais quelque chose. ‘T’as fait la bise à une meuf, alors que t’as pas le droit.’ ‘Tu viens de dire merde, t’auras pas le droit de manger.’ Elle n’était même pas musulmane. T’as l’impression que le Ramadan, c’était juste un jeu pour elle. Ce n’est pas ‘ni oui, ni non’.
Au bout d’un moment, j’ai fini par lui dire que c’était vexant. Elle a arrêté. Quand certaines personnes voient que ça ne me fait pas rire, ils ne continuent pas. Un peu comme là où je travaille. Quand il y a une odeur de nourriture le midi, les gens s’excusent. Ils sont bienveillants à mon égard. C’est mignon.”
Est-ce que t’as des rapports sexuels pendant le jeûne?Cydalia, marketing sportif
“C’est un mois que les gens ne saisissent pas forcément. Qu’est-ce qu’on a le droit de manger? Au niveau de l’eau, est-ce qu’on a le droit de boire? On te pose des questions sur ton conjoint, notamment en matière de sexe. Est-ce qu’on a le droit d’avoir des rapports? C’est ce qui me gêne le plus.
À une époque, je suis sortie un avec un garçon non musulman. ‘Comment ça se passe dans ce cas-là?’ me demandait-on. De nos jours, tous les musulmans ne sont pas forcément mariés à leur conjoint. Ils ne sont pas non plus nécessairement en couple avec une personne pratiquant l’islam. Les gens jugent beaucoup ceux qui sont dans cette situation, ce qui a été mon cas.
Nombre de personnes se permettent d’émettre un avis sur la vie du musulman. Leurs questions sont très intrusives. ‘Est-ce que t’as des rapports sexuels pendant la journée de jeûne?’ Je leur réponds. Mais je me rends compte qu’ils ne sont pas à l’écoute.
Finalement, j’ai l’impression qu’ils me posent des questions pour trouver un point pour me rabaisser. Mes amis, aussi, sont comme ça. Ils respectent ma pratique, mais dès qu’ils le peuvent, ils m’envoient un petit pic. ‘Oh, mais ça n’a pas de sens de faire ça’ ou ‘Tu peux manger et aider le pauvre en parallèle’, me lancent-ils parfois. Tout le monde ne comprend pas la spiritualité de la démarche.
Ce genre de gens n’a pas encore intégré le fait que tous les individus sont différents. Dans la communauté musulmane, tous les musulmans pratiquent la religion différemment. Il n’y a pas de musulman qui pratique à l’identique de son voisin, y compris au sein d’une même famille.
Le Ramadan est encore une période au cours de laquelle j’ai l’impression de devoir me justifier. C’est la raison pour laquelle il est arrivé que je ne parle pas à mes collègues de ma confession, lors d’expériences professionnelles antérieures.”
Kafunel.com avec Le HuffPost