Aucun cantonnement militaire, ni check-point. « De nuit comme de jour… »

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Le retour de Casamance sur les 70 kilomètres qui séparent Ziguinchor du Cap Skirring. Vendredi dernier, quand je quitte Ziguinchor à 21h pour rentrer à Cabrousse, le plus grand risque encouru a été d’avoir failli écraser une chèvre sur cette route. Sur les 70 kilomètres qui séparent Ziguinchor du Cap Skirring, il n’y a plus aucun cantonnement militaire, ni check-point. Il n’y en a plus aucun.

Sur les 70 kilomètres qui séparent Ziguinchor du Cap Skirring

un jeune homme kidnappé par des éléments de César Atoute Badiane_Casamance
un jeune homme kidnappé par des éléments de César Atoute Badiane_Casamance

Nulle part, même pas au stratégique pont de Niambalang. De nuit comme de jour, on ne rencontre plus de militaires sur la route.

On ne les voit même plus à l’aéroport de Cap Skirring. Quant à la police, on voit plus de policiers sur l’axe Dakar-Mbour que sur l’axe Ziguinchor-Cap Skirring.

Paradoxalement, cette «disparition» de l’Armée semble aller de pair avec le sentiment de sécurité et de sérénité qui règne dans la région, peut-être parce que les populations ont compris que la guerre se réduit à de la violence résiduelle, et la marche vers la paix est irréversible.

La paix est irréversible parce que l’Armée, qui a gagné la guerre sur le plan militaire contre le Mfdc, «réduit à sa plus simple expression», est en train de gagner aussi les cœurs, si l’on en juge par les applaudissements réservés au colonel Kandé, commandant de la Zone 5, lors de la cérémonie officielle du «boukout» des Diolas Bayotte à Nyassia.

Le Comzone a été applaudi et célébré pour avoir chassé les bandes rebelles de la zone et ramené la sécurité, créant ainsi les conditions sécuritaires pour l’organisation du «boukout», dont le dernier remontait à 1976.

Refus des rebelles de «permettre» la tenue du «boukout»

Aucun cantonnement militaire, ni check-point. "De nuit comme de jour..." 1

Plusieurs fois, les populations ont négocié avec les rebelles pour avoir la sécurité et organiser le «boukout» en paix, mais ces derniers ont toujours dit niet, jusqu’à ce que l’Armée fasse le grand nettoyage de la zone, permettant ainsi le libre exercice du culte.

Le refus des rebelles de «permettre» la tenue du «boukout», et la décision de l’Armée et de l’Administration de créer les conditions de sa tenue ont fini de montrer aux populations que le Mfdc est devenu un tigre de papier. La nouvelle posture de l’Administration est aussi une des leçons importantes de la crise casamançaise.

La Casamance est le laboratoire où le commandement territorial est devenu administration territoriale, avec des administrateurs civils qui sont passés de Faidherbe à Claude Levi Strauss (efforts de comprendre les réalités locales et de s’en faire l’avocat au niveau central), alors qu’avant la crise, le mépris et les jugements de valeur pour les cultures locales étaient un fait et une des causes de la crise, qui a connu tant de flux et reflux comme la plage de Cabrousse.

Aujourd’hui , le reflux du conflit semble être définitif

La Gambie face à un afflux de déplacés de Casamance en raison de l’opération militaire sénégalaise
La Gambie face à un afflux de déplacés de Casamance en raison de l’opération militaire sénégalaise

En ce mois d’août, à la plage de Cabrousse, chaque jour il y a un reflux de l’océan sur plusieurs dizaines de mètres, augmentant la superficie d’une plage déjà immense, avant que les eaux ne reviennent tranquillement.

Pendant des décennies, le conflit en Casamance a oscillé entre espoir de paix et reprise des hostilités, à l’image des flux et reflux de l’Atlantique à Cabrousse.

La nouveauté aujourd’hui est que le reflux du conflit semble être définitif, parce qu’en Casamance, plus qu’un sentiment de sécurité, règne un sentiment de paix.

Cette paix qui est un état normal et banal dans le reste du Sénégal, et dont on redécouvre les vertus dans la partie sud.

Ces vertus et petits plaisirs de la paix qu’on chérit toujours plus que tout le monde après avoir connu l’enfer de la guerre.

Aujourd’hui parmi ces vertus et plaisirs de la paix, la liberté de circuler de jour comme de nuit, d’organiser des rites et cérémonies traditionnelles, d’exploiter ses champs sans être inquiétés. Ces vertus de la paix ont aussi un impact économique et social.

Une forte colonie de Gambiens…

un jeune homme kidnappé par des éléments de César Atoute Badiane_Casamance ok
un jeune homme kidnappé par des éléments de César Atoute Badiane_Casamance ok

Avec la sécurité, le retour des populations dans leurs villages, le port de Ziguinchor redevient un poumon économique dans le commerce d’anacarde, alors que l’économie criminelle de guerre orientait ces produits vers les ports de Banjul et de Bissau.

Autre bonne nouvelle, dans l’hôtel où j’ai passé mes vacances, il y avait une forte colonie de Gambiens venus en bus organiser leur rencontre à Cabrousse, mais les 2/3 de la clientèle était locale, parce qu’avec plusieurs vols par jour et des prix des billets d’avion aussi bas, la Casamance n’a jamais été aussi proche du reste du pays.

Sur les 70 kilomètres qui séparent Ziguinchor du Cap Skirring_yoro-dia
Sur les 70 kilomètres qui séparent Ziguinchor du Cap Skirring_yoro-dia

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C’est sans doute cette contribution à l’effort de paix qui vaut ma bienveillance à l’égard d’Air Sénégal, quand le vol du lundi fut annulé et reprogrammé pour mardi, ou peut-être aussi le plaisir des enfants d’être bloqués dans un paradis 24h de plus. Contre mauvaise fortune, bon cœur !

Le conflit a été une mauvaise fortune. De bon cœur, le Sénégal en a tiré les leçons. Comme les Etats-Unis qui sont devenus une Nation plus soudée et plus forte après la guerre de sécession, le Sénégal est devenu fort et plus soudé avec le conflit qui a vu émerger une Nation plurielle, mais indivisible, dépassant ainsi les limites d’une Nation une et indivisible.

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