Zizi Jeanmaire et le chorégraphe Roland Petit lors du spectacle « La chanson de Zizi », le 17 décembre 1963 à Paris. C’était le « Truc en plumes » d’une danseuse à la fois délurée et chic.
Zizi Jeanmaire est décédée vendredi à l’âge de 96 ans, neuf ans après celui avec qui elle avait tant partagé, le chorégraphe Roland Petit.
Artiste qui a fait bouger les lignes entre danse classique et music-hall, elle a connu une carrière d’une longévité remarquable qui l’a menée de l’Opéra de Paris à Broadway, puis Hollywood. Mais toujours avec sa rigueur de danseuse de formation classique, chevillée au corps.
Installée depuis plusieurs années en Suisse, elle « s’est éteinte paisiblement cette nuit à son domicile de Tolochenaz dans le canton de Vaud », a confié sa fille Valentine Petit à l’AFP.
Ses obsèques auront lieu dans l’intimité mais un hommage lui sera rendu en septembre en l’église Saint Roch, la paroisse parisienne des artistes, a indiqué son entourage.
Le président Emmanuel Macron et son épouse Brigitte ont rendu hommage « à une « artiste accomplie, icône d’un Paris libre et joyeux » qui « aura porté par-delà les frontières quelque chose d’une séduction à la française, élégante et frondeuse, mi-diva, mi-gavroche ».
L’annonce de son décès a suscité une vague de réactions dans le monde de la danse, du ballet de l’Opéra de Paris au Lido.
« C’est avec une grande tristesse que nous apprenons la disparition d’une grande dame du music-hall français et international, Madame Zizi Jeanmaire. Jamais nous n’oublierons ses jambes interminables, son élégance et bien sûr son truc en plume… », a commenté le célèbre cabaret parisien sur Twitter.
« Sa carrière a été étroitement liée à celle de Roland Petit, l’homme de sa vie, rencontré à l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris. Elle avait donné en 2000 son dernier récital à l’Opéra Bastille », a réagi le ballet de l’Opéra de Paris.
« Jamais nous t’oublierons chère Zizi », a lancé, émue, l’ancienne étoile de l’Opéra de Paris Marie-Agnès Gillot sur Instagram, avec une vidéo de Zizi, tout en jambes et en plumes.
La danseuse Marie-Claude Pietragalla a de son côté salué la mémoire d’une « magnifique icône de la danse et du music-hall ».
– Carmen aux cheveux courts –
C’est à la barre de l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris que celle qui se fera ensuite appeler « Zizi » (née Renée Jeanmaire le 29 avril 1924) rencontre le futur chorégraphe Roland Petit. Ils ont seulement 9 ans.
Entrée en 1933 dans la vénérable maison, elle a intégré le corps de ballet sept ans plus tard, puis l’a quitté au sortir de la Seconde guerre mondiale.
« Roland lui, avait envie de créer sa propre compagnie », racontait-elle. Ce sera les Ballets des Champs-Elysées, puis ceux de Paris.
La troupe se révélera dans Carmen, qui se jouera à Paris, Londres puis Broadway. De là, Zizi gagnera Hollywood où l’engagera le producteur-aviateur Howard Hughes. Sam Goldwyn lui conseillera de garder son prénom de scène, clin d’œil au mot qu’elle répétait enfant, quand sa mère l’appelait « Mon Jésus ».
« Mon truc en plumes », créé à Paris en 1961, imprime durablement l’image de Zizi Jeanmaire, délurée et chic à la fois.
Son interprétation dans « Le jeune Homme et la Mort », aux côtés de Rudolf Noureev pour une version filmée, est largement saluée.
Zizi Jeanmaire déborde d’énergie …
Ses nombreuses collaborations artistiques resteront aussi en mémoire: de Raymond Queneau à Serge Gainsbourg, en passant par Barbara et Aragon. Boris Vian disait d’elle: « Elle a des yeux à vider un couvent de trappistes en cinq minutes ».
Yves Saint Laurent, qui l’a habillée durant quarante ans, (notamment pour « Mon truc en plumes » en 1961), estimait qu’il lui suffisait « d’entrer en scène pour que tout prenne vie, feu et flammes ».
Dotée d’une énergie sans pareille, Zizi Jeanmaire « était en forme, enjouée, comme d’habitude » il y a encore une dizaine de jours, a confié à l’AFP la journaliste et biographe Ariane Dollfus qui s’est entretenue avec elle.
« C’était une femme qui aimait profondément la vie ». Et une travailleuse acharnée qui « prenait trois cours de danse par jour jusqu’à 75 ans, au moins », se souvient-elle.
Le Ballet national de Marseille, dont Zizi Jeanmaire a été « une figure emblématique », a rendu hommage vendredi à une « grande artiste transversale qui évoluait avec fluidité entre la danse classique, le cinéma, le music hall et la danse contemporaine, et ce en un battement de plumes ».