Revue de presse Maroc du 03 juillet 2021 : En détresse respiratoire avec le Covid-19, la presse en quête d’un second souffle

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La Revue de presse au Maroc du 03 juillet 2021 met le pays en détresse respiratoire avec le Covid-19. Face à cette psychose, la presse marocaine est en quête d’un second souffle.

Maroc en détresse respiratoire avec le Covid-19

En quête d’un modèle économique pérenne pour accompagner les changements du secteur et ses contraintes, la presse marocaine subit une double-peine avec l’impact de la crise sanitaire. Dernière tentative en date pour redonner un peu de lest financier, certains journaux ont revus à la hausse leur prix de vente.

Depuis le 1e juillet, certains titres de journaux quotidiens ont augmenté leur prix au numéro. En quête d’un nouveau souffle économique ces deux dernières décennies, la presse papier subit aussi les effets d’une crise sanitaire et économique qui a accéléré la réflexion sur son avenir. En kiosque, Les Inspirations Eco et L’Economistes sont désormais vendus à 7 dirhams, au lieu de 5.

Enseignant-chercheur et rédacteur en chef du quotidien L’Economiste, Mohamed Benabid a rappelé qu’«à l’instar d’autres secteurs d’activité, la production d’information, du moins celle des médias structurés et professionnels, obéit à une logique économique».

Auprès de Yabiladi, il a souligné que «dans la cas de la presse, cette logique est en principe rythmée par des impératifs d’économies d’échelle et la notion du coût du premier exemplaire : le coût fixe du premier exemplaire est élevé, mais le coût unitaire des exemplaires suivants (ou coût marginal) sont plus faibles».

Actuellement, «ces économies jouent peu en l’absence d’une consommation massive et l’impact est ressenti différemment, si de plus l’on y intègre des critères de périodicité», a-t-il indiqué, notant par exemple que les charges sont plus élevées dans le cas des quotidiens que les hebdomadaires.

«Le recul du marché publicitaire, ressenti par l’ensemble des médias au cours de ces dernières années, n’arrange pas les choses. Dès lors, les journaux disposent peu de marge pour atteindre leur taille critique, et au moins couvrir leur coût de production, si ce n’est de revoir le prix de vente.»

Mohamed Benabid

Président directeur général du groupe Horizon Press, éditeur de Les Inspirations Eco, Moncef Belkhayat a, pour sa part, confirmé à Yabiladi sa décision revoir le prix du quotidien.

Cette mesure sera suivie d’une deuxième hausse, en moins d’un an. «J’annonce que je vais augmenter le prix [de ce journal] au 1er janvier prochain, pour passer de 7 à 10 dirhams», a-t-il révélé.

Le PDG dit partir du principe que l’entité est aujourd’hui «une entreprise structurée» autour d’exigences de qualité, au niveau du contenu comme des ressources humaines.

«Nous venons d’investir aussi dans un siège flambant neuf pour permettre à nos journalistes un environnement de travail qui soit dans les standards du haut niveau. Nous déclarons et payons les charges sociales de l’ensemble de nos journalistes.

Par conséquent, il faut que le juste prix soit payé», a-t-il indiqué. Pour lui, il ne s’agit pas de couvrir une partie des coûts de production, mais de «payer à sa juste valeur la qualité du contenu éditorial».

Et d’ajouter qu’«en Europe, un journal se vend à 3 euros ; il n’y a pas de raisons pour qu’un journal au Maroc faisant 48 pages ne se vende pas à 10 dirhams».

En termes d’évolution du chiffre d’affaires, d’Horizon Press a enregistré «un recul d’à peu près 27%» entre 2019 et 2020. Pour le PDG, cet indicateur doit être analysé sur deux angles.

Santé et politique au menu des quotidiens et hebdomadaires marocains
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«La partie presse papier est en baisse de 50% et le digital s’est stabilisé avec une légère hausse en fin d’année, ce qui prouve qu’aujourd’hui, nous sommes en train de réfléchir à un changement de business model qui consiste à booster le digital et réduire la voilure sur la presse écrite», a-t-il indiqué.

La révision des prix couvre de moins en moins le coût de production

PDG du groupe Le Matin, Mohammed Haitami rappelle auprès de Yabiladi que les éditeurs de la presse papier sont généralement «ceux qui respectent le plus la convention collective (salaire minimum, CNSS, mutuelle, retraite complémentaire, jours de congé…)» mais qu’aujourd’hui, c’est ce modèle qui souffre le plus d’une crise de revenus.

«Le prix de production et les invendus font qu’il y a un déséquilibre», analyse-t-il, appelant à la nécessité de construire «une presse nationale forte» pour redonner à la société confiance en le rôle des médias.

Le Matin n’a pas opéré d’augmentation de prix, mais celles observées ailleurs «sont compréhensibles», selon le PDG, pour qui «il s’agit de payer le juste prix». Exemple évocateur, «les éditeurs touchent 60 à 65% seulement du prix au numéro et c’est un modèle qui ne tient plus», a indiqué Haitami, ajoutant que «le coût d’impression du journal est supérieur à son prix de vente : si on retire la publicité, c’est clairement un modèle perdant».

Pour le président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ), Noureddine Miftah, les récentes hausses des prix peuvent être interprétées comme «un signe révélateur de la crise du secteur».

En témoigne le fait que les titres recourent, «pour la première fois», à une révision des tarifs sans concertation avec l’ensemble des éditeurs.

«A chaque révision, il fallait jusque-là arriver à une entente entre tous. En pleine crise sanitaire, chaque support révise son prix de la manière qu’il estime nécessaire» pour sa pérennité, a déclaré Noureddine Miftah à Yabiladi.

«Je pense que la question sera réglée plus efficacement dans une vision globale, d’autant que mois après mois, les ventes dégringolent», nous confie le président de la FMEJ.

Noureddine Miftah affirme en effet qu’actuellement, «la presse papier quotidienne enregistre au total à peine 30 000 exemplaires vendus par jour».

A titre de comparaison, jusqu’en 2019, le journal le plus lu au Maroc, «enregistrait entre 50 000 et 60 000 ventes par jour».

Dans un contexte économique difficile pour la presse papier, aggravé par la crise sanitaire, «le chiffre d’affaires de la presse nationale a globalement baissé de 60 à 70%», en un an, entre 2019 et 2020.

La presse en quête d’un second souffle

L’année 2020 a été l’année de bascule, avec la suspension de l’impression des supports papier pendant trois mois. L’impact économique induit par la crise sanitaire, a poussé «les annonceurs à des coupures budgétaires.

La reprise du marché publicitaire pour la presse est lente, sans oublier les problèmes structurels propres au secteur», a rappelé le président de la FMEJ.

Ce changement est évocateur, d’autant que «sur les quatre dernières années, la presse papier constituait 25% du chiffre d’affaires global de la publicité».

«Nous sommes désormais à une valeur entre 8 et 9%, avec une baisse générale du budget et une presse électronique qui draine plus de visiteurs», a souligné Miftah.

Maroc www.kafunel.com En détresse respiratoire avec le Covid-19, la presse en quête d’un second souffle
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Mohammed Haitami a confirmé à Yabiladi le fort impact de la crise sanitaire, «d’abord avec la décision, pendant les trois premiers mois de la crise sanitaire, d’arrêter l’impression papier des titres de presse».

Selon lui, il s’agit d’«une perte sèche, non seulement pour la vente mais aussi pour les revenus publicitaires», faute d’insertions et de ventes.

«Le problème a perduré jusqu’à il y a quelques semaines, avec la baisse considérable du trafic dans les gares qui sont des points de vente essentiels pour les quotidiens, de même que les cafés, les kiosques et les bureaux de tabac», a-t-il noté, décrivant «une véritable onde de choc».

Une autre difficulté pour la presse papier, selon Haitami, est la déperdition des habitudes de lecture. En effet, «il y a un lectorat qui ne reviendra jamais, après avoir découvert et s’être habitué au digital, pendant six ou sept mois».

L’impact de la crise sanitaire s’est ajouté à la problématique antérieure du business model, mais c’est ce qui a poussé Le Matin à «accélérer la transformation pour devenir des producteurs de contenu, pas forcément écrit, mais aussi audiovisuel, avec des studios équipés et une nouvelle logistique».

«Nous sommes en train et obligés d’y penser car c’est une question de survie pour nos titres. C’est une question existentielle et non pas conjoncturelle.

Il faut revoir le modèle et aussi le concept de la création de valeur. Se poser la question : quelle est la valeur ajoutée et la contribution dans le paysage [de la production journalistique, ndlr], en termes d’impact et de qualité ?»

Mohammed Haitami

D’autres publications périodiques, comme les hebdomadaires, ne sont pas en reste. Président du groupe Telquel Media, Khalid Hariry a déclaré à Yabiladi que «la crise sanitaire pousse à réfléchir plus que jamais à d’autres manières de maintenir la presse au Maroc».

«Dans la plupart des pays du monde, il existe quatre sources de revenus : les ventes en kiosque pour le papier, les abonnements, la publicité et les subventions publiques. Ce modèle économique, bien avant la crise sanitaire, n’était plus tenable économiquement», a-t-il rappelé.

Par conséquent, «beaucoup de supports ont commencé à envisager d’autres sources et la crise sanitaire a accéléré cette tendance. Ce que des médias souhaitaient faire progressivement sur deux ou trois ans pour basculer vers le digital a été fait plus rapidement», souligne-t-il.

Selon le patron de TelQuel, qui n’a pas non plus opéré de révision du prix de vente, «beaucoup ont anticipé ce changement et la crise l’a accéléré». Mais «elle les a privés des ressources pour pouvoir faire leur évolution de modèle économique».

Une légère amélioration qui doit accélérer la transformation

Le PDG du groupe Le Matin souligne, par ailleurs, que l’année 2021 a démarré avec des revenus encore en baisse, mais une légère reprise est désormais constatée.

maroc champion du chan 2020
maroc champion du chan 2020

«Quelques campagnes sont relancées, les publications papier ont donné la possibilité à leurs lecteurs d’accéder à une version digitalisée, mais les statistiques confirment la tendance baissière de l’investissement publicitaire dans la presse papier», explique-t-il, indiquant être passé «à moins de 10% pour la presse papier contre près de 15% pour le digital».

Auteur d’une thèse de doctorat sur les pratiques de consommation de l’information en ligne au Maroc et les enjeux qui imposent des changements organisationnels au secteur de la presse, le rédacteur en chef de L’Economiste, Mohamed Benabid, estime que pour se réinventer au cœur de cette configuration, il est nécessaire de tenir compte de trois dimensions principales.

«D’abord, en prenant conscience ou en rappelant qu’il est impossible de consolider l’avenir de notre pays sans des médias puissants à même d’alimenter une conscience économique, civique, sociétale et politique chez nos citoyens».

Or, «nous avons l’impression aujourd’hui qu’il y a un nivellement par le bas. Internet a abaissé le ticket d’entrée mais en dehors de quelques rares expériences en ligne sérieuses, le ‘trop’ d’information ne s’est pas accompagné du ‘mieux’ d’information», a estimé l’enseignant-chercheur.

«Il faut appeler, encore une fois, à la question de la régulation de la concurrence violente et déloyale des GAFA ou GAFAN (s’il faut y rajouter les plateformes de streaming comme Netflix), qui n’épargne aucun média, y compris l’audiovisuel.»

Mohamed Benabid

Enfin, l’information pour Mohamed Benabid «est un bien d’expérience et ne peut donc être valorisé qu’une fois consommée».

«C’est ce qui nourrit un risque d’incertitude et de perception sur la qualité du produit. Pour atténuer ce risque, et au-delà de la consolidation du marché, processus inévitable compte tenu de la sous-capitalisation de la plupart des entreprises, le travail de reconquête des parts de marché, supposera, une reconquête de la crédibilité et de la confiance du lecteur», a-t-il insisté.

Le PDG de Horizon Press, Moncef Belkhayat, voit l’évolution du paysage de la presse vers une concentration de journaux, «comme cela a été le cas en France et dans d’autres pays, permettant aux groupes de presse d’avoir une taille suffisante».

De son côté, Khalid Hariry souligne que nombre de supports gratuits sur internet travaillent aujourd’hui sur des modèles payants, ce qui est le cas pour TelQuel bien avant la crise.

même source confirme que les Marocains
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«Mais c’est un processus qui demande des investissements importants, en technologies, en contenus, en marketing et en data», a-t-il souligné.

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Et d’ajouter qu’«au niveau de l’Association de la presse marocaine digitale, on pense que sans un soutien fort de l’Etat pour ce type d’investissements, beaucoup de supports auront du mal à réussir» cette transformation.

Pour Noureddine Miftah, «on ne peut pas imaginer la pérennité de la presse» avec la configuration actuelle.

«Il faut repenser l’approche financière et économique de la profession et la place des titres de presse dans la société, qui doit avoir de nouveau confiance en un métier en manque de professionnalisme, de journalistes spécialisés, de journalisme d’investigation et d’éthique journalistique», a-t-il plaidé.

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