Une rentrée particulière pour les étudiants étrangers en France

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Des étudiants étrangers font la queue pour accéder au Welcome desk, à la Cité universitaire internationale de Paris. RFI / Marianne Khalili Roméo
Des étudiants étrangers font la queue pour accéder au Welcome desk, à la Cité universitaire internationale de Paris. RFI / Marianne Khalili Roméo

Comme chaque année, des centaines de milliers d’étudiants venus du monde entier font leur rentrée dans les universités françaises. Après la décision contestée du gouvernement d’augmenter les frais d’inscription pour les étudiants non-Européens, tour d’horizon de leurs conditions d’accueil.

Cette année, près de 350 000 étudiants internationaux extracommunautaires (c’est-à-dire hors Union européenne) viendront s’asseoir sur les bancs des universités françaises.

Pour la majorité d’entre eux, ils ne paieront finalement pas plus cher leur inscription que leurs camarades français ou européens. Défendue par le gouvernement français, l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants extra-européens n’est dans les faits observée que par 10% des universités.

À écouter aussi : 7 milliards de voisins dresse le bilan de la rentrée 2019 sur ce sujet

Pour la seule Île-de-France, ils sont plus d’une centaine de milliers d’étudiants étrangers à faire actuellement leur rentrée universitaire. En recherche d’informations, beaucoup se rendent au Welcome Desk, la plateforme d’orientation de la région parisienne, située à la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP).

Une orientation administrative nécessaire

Les demandes formulées au Welcome Desk de la CIUP témoignent du grand écart entre la vie rêvée des études à Paris et l’épreuve de la réalité. Ces jeunes sont souvent de très bons étudiants mais la plupart appréhendent l’écheveau des procédures administratives françaises, qui font la réputation de la France bien au-delà de ses frontières.

Alex, un jeune Ivoirien de 18 ans, entre en licence de mathématiques à l’Université Paris-Descartes. Il reconnaît être « un peu perdu ». Après avoir cherché sur internet « étudiant étranger », il explique être tombé directement sur le site du Welcome Desk, rassuré d’avoir enfin trouvé un endroit où obtenir des réponses.

Ce bureau unique, situé au rez-de-chaussée de la Maison internationale, existe depuis 17 ans. « Et pour la première fois, il restera ouvert pendant deux mois », souligne la directrice de l’accompagnement à la mobilité internationale, Marina Burke.

Ici sont regroupés des points d’information d’organismes souvent inconnus des étudiants étrangers : CAF (Caisse d’allocations familiales), CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie), Pôle emploi et ceux des autorisations de travail ou des titres de séjour. Sur le « Bar à info », des tablettes sont à disposition pour faciliter les procédures administratives.

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La nouveauté cette année concerne la validation du visa d’études. Jusqu’ici, cette démarche donnait lieu à d’interminables queues devant les locaux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

Aujourd’hui, elle ne se fait plus en « présentiel » mais en ligne. Malheureusement, cette avancée ne sera pas possible pour Alex qui vient à peine d’avoir 18 ans.

« Je suis encore considéré comme un mineur scolarisé », se désole-t-il. Impossible pour lui de bénéficier de la validation du visa sur place. Il devra se rendre à la sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye. File d’attente assurée.

Principales difficultés, le logement et la vie chère

L’un des problèmes majeurs pour les jeunes étrangers à leur arrivée en France, c’est le logement, notamment en Île-de-France. Tous n’ont pas la chance d’obtenir une des 6 000 places de résidents à la Cité internationale.

Mariana, une chercheuse italienne de 29 ans, vient d’arriver à Paris pour un Master 2 dans le laboratoire de physique quantique de la Sorbonne. « J’ai misé sur internet et me suis inscrite sur des sites de colocation », explique-t-elle.

Terrifiée par des annonces douteuses, elle a trouvé des oreilles attentives auprès des employés de l’Agence départementale d’information sur le logement (Adil) présents sur place qui la renseignent sur ses droits.

Elle découvre ainsi la garantie Visale (l’État se porte garant du loyer d’un étudiant), et sera orientée vers les résidences universitaires parisiennes ou plus probablement des campus extérieurs à la capitale.

Soukaina, une Marocaine de 22 ans, arrive de Rabat. Après une première année de Master d’architecture au Maroc, elle profite d’un programme d’échange avec l’école de Paris-La Villette. Renseignements pris sur l’assurance maladie et la responsabilité civile, elle vient faire une demande tardive de logement à la maison du Maroc, la plus grande de la Cité internationale.

« Impossible de trouver un studio proche de mon école, je suis donc venue tenter ma chance ici », confie-t-elle. Et en savoir plus sur l’allocation personnalisée au logement (APL), qui lui permettrait de réduire son loyer.

José, étudiant chilien en master 2 de cinéma à Sorbonne nouvelle – Paris 3, cumule deux emplois : « Paris est intéressante par son métissage et comme son architecture en témoigne, c’est une ville chargée d’histoire. Mais elle est particulièrement chère. » Il déplore la hausse des droits d’entrée à l’université parce qu’« on voit clairement l’idée d’imiter un modèle anglo-saxon ». Selon lui, la richesse de l’Université française est d’accueillir, sans distinction, des étudiants qui précisément « ne proviennent pas d’un milieu social homogène ».

Pour l’économiste Alain Trannoy, directeur d’études à l’EHESS, cette augmentation des droits d’inscription pour les étudiants extracommunautaires relève d’une « question de principes ». Le ministère de l’Enseignement supérieur justifie cette hausse par la nécessité pour des étudiants étrangers de participer à la gratuité des études lorsqu’ils n’y ont pas contribué par l’impôt.

Or, explique-t-il, s’agissant de l’Université, la tradition française était celle de « l’universalité et surtout de non-discrimination ». Si l’Université est payante, il faut qu’elle le soit pour tous ; si elle est gratuite, il faut qu’elle le soit pour tous, pas seulement pour les étudiants européens. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles les universités se sont abstenues de mettre en place cet aspect de la réforme.

L’accueil des étudiants étrangers, enjeu d’influence

Pour autant, le nombre d’étudiants internationaux accueillis n’est pas anodin. C’est même un enjeu stratégique que se disputent les grandes puissances du monde. Alain Trannoy résume l’équation : « Vu le déclin de la démographie française, on aura -10% d’étudiants français d’ici une quinzaine d’année. Il est normal que la France cherche à se placer dans le peloton de tête des pays qui doivent attirer des étudiants de l’étranger. »

Pour l’année universitaire 2018-2019, 343 386 étudiants de nationalité étrangère étaient inscrits dans l’enseignement supérieur français, soit une augmentation de 4,5% par rapport à l’année précédente. La tendance se poursuit cette année avec une hausse « de l’ordre de 2% », selon le Premier ministre Édouard Philippe.

La France est actuellement quatrième au classement des pays accueillant le plus d’étudiants étrangers, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, et juste devant l’Allemagne. En affectant spécifiquement une enveloppe de 15 millions d’euros aux conditions d’accueil des étudiants internationaux, le gouvernement affiche l’objectif d’attirer chaque année un total de 500 000 étudiants internationaux en France d’ici 2027.

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