La crise de la Covid-19 a dématérialisé le paiement. Les usages en matière de paiement ont évolué avec les conséquences de la crise sanitaire, faisait progresser le sans contact dont le plafond est passé à 50 euros le 11 mai 2020 en France.
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Crise de la Covid dématérialise le paiement
En 2020, les paiements font partie des secteurs bousculés par la Covid-19. « Avec la crise sanitaire liée au Covid-19, on a observé une accélération de la dématérialisation du paiement.
La fermeture de la plupart des magasins physiques lors du premier confinement a entraîné une répercussion des paiements de proximité vers les paiements à distance.
Pour les magasins physiques qui sont restés ouverts, il y a eu une incitation à l’utilisation de moyens de paiement électroniques, en l’occurrence la carte sans contact, au détriment des espèces », décrit Andréa Toucinho, directrice Études, prospective et formation chez Partelya Consulting.
La crise a un peu accéléré la baisse de l’usage des espèces, considérées un temps par 44 % des Français comme pouvant transmettre le virus, selon la Banque de France qui observe une diminution de l’usage des chèques et retraits d’espèces de 60 % pendant le premier confinement puis de 20 % ensuite.
Si, en 2019, le cash restait le premier moyen de paiement en magasin pour 59 % des Français (73 % des Européens) selon la BCE, deux tiers d’entre eux déclaraient récemment faire leur transaction en carte dont 39 % en sans contact.
Le fait marquant a été le passage du plafond du sans contact de 30 à 50 euros le 11 mai, à la sortie du premier confinement. En juin, le paiement sans contact a crû de 120 % en valeur et de 59 % en nombre, selon Groupement Cartes Bancaires.
Des initiatives concernant les paiements ont avancé au niveau européen en 2020. Lancé fin 2017 contre le morcellement du marché et les offensives des Gafas, le virement instantané (SCT Inst) a poursuivi son déploiement.
7,47 % des virements en Europe étaient instantanés au troisième trimestre 2020, contre 5,53 % fin 2019 et 0,08 % début 2018 d’après l’EPC. Le plafond est passé de 15 000 à 100 000 euros en juillet.
« La plupart des banques françaises se sont positionnées sur le sujet. La France n’est toutefois pas le pays qui a le plus accéléré ces derniers mois sur ce sujet », estime Andréa Toucinho. Paylib compte 15 millions d’inscrits.
Rétrospective 2020
Le 2 juillet 2020, 16 banques de 5 pays ont lancé le projet EPI (European Payments Institut) de créer une infrastructure paneuropéenne de paiement interopérable pour l’Instant Payment mais aussi la carte, le wallet…
« La grande question est de savoir comment étendre EPI à la totalité des pays européens, et étendre l’intégration à d’autres acteurs, car EPI est un projet initié par les banques mais pour qu’il fonctionne il faut que la totalité des acteurs de l’écosystème y ait une place.
La question est aussi de savoir comment sensibiliser le consommateur européen », estime Andréa Toucinho, rappelant l’échec de Monnet. L’industriel Worldline a rejoint EPI en novembre.
Le 24 septembre, une stratégie en matière de paiements de détail a été lancée par la Commission européenne.
« Pour l’Europe, il y a aujourd’hui une véritable urgence à renforcer la souveraineté européenne numérique face aux Gafas et dans le contexte macroéconomique actuel », résume Andréa Toucinho.
Enfin, la BCE a publié un rapport sur la possibilité de créer une monnaie numérique de banque centrale le 2 octobre, puis lancé une consultation publique jusqu’au 12 janvier 2021, et décidera cette année du lancement de l’euro digital. L.B.
Ils ont dit
Le sans contact devient un geste barrière
Le paiement sans contact est de plus en plus ancré dans les paiements quotidiens en Europe où nous avons relevé qu’en avril 2020, plus de 70 % des paiements effectués avec Visa étaient réalisés en sans contact.
La distanciation et les mesures de confinement ont poussé les commerçants à ouvrir des espaces de vente en ligne, quand ils ne pouvaient plus ouvrir leurs magasins physiques, et à offrir aux consommateurs des moyens sûrs et pratiques de payer.
De leurs côtés, plus de la moitié des consommateurs ont fait plus d’achats en ligne qu’avant la crise. De même, de nombreux consommateurs qui n’achetaient pas en ligne ont modifié leurs habitudes. […]
La crise du Covid-19 a donc fait de ces solutions de paiement non plus une simple commodité mais une véritable nécessité pour les Français et les commerçants.
Laurent Bailly, Head of digital solutions France, Belgique, Luxembourg, Visa, Revue Banque n° 846, juillet-août 2020, p. 38. http://www.revue-banque.fr/management-fonctions-supports/article/crise-covid-19-fait-paiement-mobile-une-veritable
Le plafond du sans contact à 50 euros
Les attentes des consommateurs et des commerçants pour amplifier la possibilité d’utiliser le paiement sans contact dans le contexte du Covid-19 ont conduit CB et ses membres, en accord avec le ministère du Commerce, à étudier comment accélérer très fortement la mise en place de ce rehaussement.
Ces travaux nécessaires ont été menés ces dernières semaines pour aboutir à la décision communiquée le 17 avril pour démarrage de la mise en œuvre opérationnelle le 11 mai.
Loÿs Moulin, directeur du développement, Cartes Bancaires CB, Revue Banque n° 844, p. 42. http://www.revue-banque.fr/management-fonctions-supports/breve/rehaussement-plafond-paiement-sans-contact-est-une
La DSP 2 toujours en travaux
Les acteurs ont jusqu’à 2022 pour mettre en place les protocoles d’identification forte et résoudre les problématiques techniques, juridiques et commerciales engendrées par la DSP 2.
Beaucoup de travaux ont déjà été lancés pour notamment « API-ser » les DSI, mettre en place des datalakes couplés à de l’intelligence artificielle, etc.
Ces changements impliquent une nécessité d’adaptation des institutions financières et des business models : les établissements qui tireront leur épingle du jeu seront ceux qui capteront le mieux les données et qui auront le bon niveau de commissionnement sur ces flux.
En effet, pour les institutions financières, la captation du flux implique une création de PNB. Elles doivent trouver le bon positionnement entre la gestion du risque de fraude et la proposition d’un service rapide et efficace aux e-commerçants.
Charles-Éric de Bony, Manager, Julhiet Sterwen, Revue Banque n° 842, mars 2020, p. 60. http://www.revue-banque.fr/management-fonctions-supports/article/authentification-forte-un-outil-puissant-mais-diff
L’IP en quête de « business model »
Il n’existe pas de modèle économique universel de l’instant payment mais des modèles selon les usages. Dans le cadre du P2P, les consommateurs français se sont habitués à la gratuité du service sur les plateformes digitales bien connues.
De même, les clients des banques ne payent pas les virements en euros lorsque ceux-ci sont initiés depuis leur banque en ligne ou mobile. Une fois sa cotisation carte et le cas échéant son forfait de services bancaires réglés, le consommateur n’accepte pas de « payer pour payer » à chaque opération. […]
En revanche, dans un contexte C2B « mass-market », l’écosystème de l’instant payment doit s’accompagner d’un business model équilibré entre les acteurs dans le modèle à 4 coins qui caractérise l’universalité du paiement entre consommateurs et commerçants.
Là où la carte repose sur un modèle classique à interchanges, caractéristique des modèles « 2 sided market » à 4 coins, l’instant payment fonctionne, pour le moment, avec un modèle 4 coins sans interchanges.
Dans ces conditions, si les acquéreurs pourront être rémunérés pour le service rendu aux commerçants, les banquiers des payeurs, qui supportent des coûts significatifs de processing, de lutte contre la fraude et in fine le coût de la fraude nette, n’ont pas de moyen de rémunérer le service qu’ils opèrent, et ne seront pas enclins à investir dans un service déficitaire.
Fabrice Denèle, directeur de la stratégie et des partenariats, Natixis Payments, Banque & Stratégie n° 389, p. 19. http://www.revue-banque.fr/banque-detail-assurance/article/retour-experience-natixis-payments
Vers un euro digital
Les inquiétudes concernant le traitement des espèces s’ajouteront certainement aux appels des banques centrales (BC) à développer leurs propres monnaies numériques (MNBC).
Selon une enquête de la Banque des règlements internationaux publiée en janvier 2020, 80 % des BC développent une MNBC.
Le travail va bien au-delà de la simple recherche : 40 % des BC expérimentent des « preuves de concept » et 10 %, principalement dans les économies émergentes, mènent déjà des projets pilotes.
La moitié des BC étudient les devises numériques de détail et de gros combinées (B2B et B2C).
Les motivations à émettre une MNBC à usage général sont nombreuses : stabilité financière, mise en œuvre de la politique monétaire, inclusion financière, efficacité des paiements (nationaux et transfrontaliers) et sécurité des paiements.
À l’avenir, les BC représentant environ un cinquième de la population mondiale devraient émettre une MNBC à usage général au cours des trois prochaines années.
RÉTROSPECTIVE 2020
- La Covid-19 réinvente le soutien à l’économie en 2020
- par Laure Bergala, Journaliste, Revue Banque
- Les banques centrales armées face au Coronavirus
- par Sophie Gauvent, Journaliste, Revue Banque
- Régulation: des mesures anti-crise tous azimuts