L’Immaculée conception, une tradition familiale chez Marie Angélique Savané

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L’Immaculée conception demeure une tradition familiale chez Marie Angélique Savané. La militante politique et féministe Marie Angélique Savané symbolise la tradition d’une famille ayant fréquenté de génération en génération les établissements Immaculée conception depuis l’époque coloniale.

Immaculée conception, une tradition familiale chez Marie Angélique Savané

Landing Savané, Le secrétaire général de And-Jëf/Pads-A
Landing Savané, Le secrétaire général de And-Jëf/Pads-A

Dans sa famille, on est élève de l’Immaculée conception, la maison mère, ou de Notre Dame, la deuxième école des Sœurs bleues de génération en génération depuis sa mère qui y a été pensionnaire avant la seconde guerre mondiale (1939-1945), en passant par elle, sa petite sœur, son fils, ses tantes, cousines, nièces, et filles adoptives.

Ceci se justifie par ‘’la morale et l’éthique’’ que l’on trouvait dans ces deux écoles, mais aussi ‘’la qualité et le contenu de l’enseignement’’, a raconté à l’APS, Mme Savané, marraine du jubilé des 175 ans de la Congrégation des Sœurs bleues de l’Immaculée conception dont la célébration est prévue, ce samedi.

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‘’A l’époque de ma mère, les Sœurs dispensaient des cours d’économie familiale. Elle a vécu intensément cette période à l’école et en a gardé des souvenirs avec les sorties entre élèves, une occasion de retrouvailles. Elle était un boute en train qui avait une dévotion particulière pour la Vierge Marie’’, se rappelle l’ancienne rédactrice en chef de la revue africaine ‘’Famille et développement’’ de 1974 à 1978.

Selon elle, ce titre de marraine vise à rendre hommage à sa mère et à montrer cette continuité enclenchée depuis plusieurs années, bien avant l’indépendance du Sénégal.

Commémoré samedi dernier ses 85 ans

rôle des aliments
rôle des aliments

Pour Marie Angélique Savané, l’inscription d’office à cette école était une évidence surtout qu’elle habitait à la rue du docteur Calmette (au centre-ville de Dakar) où elle est née, à cinq minutes de l’Institution Notre Dame. Située sur l’avenue Cadre, cet établissement a commémoré samedi dernier ses 85 ans.

La militante de gauche se rappelle avec des anecdotes des moments passés dans cet école réservée aux filles à l’époque. Elle y a étudié du préscolaire à la troisième, classe du Brevet d’études du premier cycle (BEPC) de 1953 à 1964 où s’arrêtait l’enseignement dans cet établissement.

‘’Notre Dame a été spécial, car j’y suis rentrée à l’époque coloniale où il y avait que des blanches, des Françaises, quelques Libanaises chrétiennes et des musulmanes. Je me suis retrouvée dans trois classes où j’étais la seule noire. C’était alors difficile en terme d’exigence, l’environnement d’avoir que des toubabs’’, se souvient Marie Angélique Savané qui estime que l’école était très sélective.

Aujourd’hui avec un brin de sourire

Elle rappelle que sa petite sœur n’a pas pu tenir après deux ou trois classes. Elle est partie à l’Immaculée et d’autres aussi avec qui elle avait commencé le jardin d’enfant.

‘’C’était très difficile avec le racisme ambiant des enfants qui quand elles se fâchent, te traitent de sale négresse. Je tirais les cheveux et j’avais développé une espèce de violence pour me défendre’’, raconte-t-elle aujourd’hui avec un brin de sourire.

Elle a aussi fait passer son père pour son ‘’boy’’, une manière d’imiter ses camarades dont les domestiques masculins venaient chercher à la sortie.

‘’J’ai répété comme toutes les autres qui disaient +j’attends mon boy+ en parlant de mon père. Il me l’a rappelée jusqu’à sa mort’’, dit Marie Angélique Savané.

Une identité très tôt assumée

Autres codes utiles à découvrir
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Etant la seule noire de sa classe de Cm2, elle a représenté l’Institution Notre-Dame dans la chorale des élèves du Plateau de Dakar choisie pour apprendre et chanter à minuit pour la première fois en 1960 l’hymne nationale à la proclamation de l’indépendance du Sénégal au Palais du gouverneur devenu plus tard le Palais de la République.

La féministe, baignée dans cette ambiance d’indépendance, a très tôt pris conscience de son identité. Elle a choisi de porter un pagne à la place de la jupe bleue de l’uniforme réservée aux élèves.

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‘’A partir de la quatrième, on allait faire des cours supplémentaires le jeudi et moi je n’ai jamais compris pourquoi ce jour-là, j’ai mis un pagne à la place de la jupe. Mère Jean de la Croix, me demande c’est quoi cet accoutrement ? J’ai répondu +Non, ce n’est pas un accoutrement, c’est ma tenue nationale+. C’était l’indépendance’’, raconte-t-elle avec un fou rire.

Elle ajoute : ‘’quand j’y pense aujourd’hui, je me dis que pendant des années, j’avais ce problème d’identité, j’avais besoin de montrer que j’étais une Sénégalaise et j’avais une identité que j’ai très tôt assumée parce qu’entourée de blancs. La jupe représentait la colonisation, maintenant qu’on était indépendant, je n’étais plus Française, mais Sénégalaise’’.

Dans ces écoles où la discipline et l’obéissance étaient de rigueur, il était hors de question d’aller à l’encontre des règles établies. Marie Angélique Savané n’a pas échappé au pain sec, la punition de routine chez les sœurs.

Notre-Dame, mon ‘’alma mater’’

XD dans WhatsApp ça veut dire quoi ok
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Regardant toujours dans le rétroviseur, Marie Ange comme avait l’habitude de l’appeler mère Jean de la Croix, reconnaît que sa formation de base vient des Sœurs de l’Immaculée.

‘’Notre-Dame, c’est mon alma mater au sens où, c’est là que j’ai eu les fondements de base qui m’ont donnée l’envie des études, car j’ai continué au lycée Van Vollenhoven, actuel Lamine Gueye, de 1964 à 1967 où j’ai eu mon Bac avec une bourse d’excellence pour la France. J’ai fait mon prépa en lettres et je le dois aux sœurs qui m’avaient donnée cette rigueur dans le travail, l’amour des études’’, affirme l’ancienne directrice pour l’Afrique de l’Ouest et du centre du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) de 1992 à 1994.

Aujourd’hui, reconnaît elle, les Sœurs ne se limitent pas seulement à enseigner, elles transmettent aux élèves ‘’un art de vivre, elles regardaient les ongles, les mains, la tête bien coiffée, la propreté du corps et de l’environnement, une rigueur, une qualité de vie parce qu’elles surveillaient la posture, la tenue aussi’’.

‘’Elles t’apprennent à vivre ton temps sans exagérer, ni avoir des folies de grandeur. Personnellement j’en ai beaucoup bénéficié, car le fait d’être noire dans une école de blancs m’a permis d’accepter la différence de l’autre, la diversité et cela m’a servie dans ma vie professionnelle et ma carrière internationale. Elles m’ont permis de forger ma personnalité’’, témoigne l’épouse de Landing Savané, leader politique sénégalais.

Aujourd’hui, ‘’on gâte les enfants avec des téléphones portables ou de l’argent’’

22 mesures pour faire baisser la mortalité, Sénégal – Sécurité routière
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Selon Marie Ange, les Sœurs à cette époque n’avaient pas de gros diplômes, mais avaient la passion de leur mission.

Certaines étaient ‘’très dures et fermes sur les positions’’ avec parfois une ‘’terreur’’ comme avec mère Léonie, mais elles donnaient un sens à l’éducation. Aujourd’hui, regrette-t-elle, ‘’on gâte les enfants avec des téléphones portables ou de l’argent’’.

‘’Les Sœurs ont réussi à nous façonner et je leur en serais toujours gré parce que je n’aurais pas pu faire la carrière que j’ai eue et tout ce que j’ai eu dans la vie s’il n’y avait pas ce fondement solide qui permet d’avoir confiance partout’’, reconnaît la militante féminine.

Membre fondatrice du mouvement féministe ‘’Yeewu-Yeewi’’ (s’éveiller-détacher en wolof), elle y a aussi appris les qualités de leader et ce passage à Notre-Dame de l’Immaculée lui a permis d’avoir un équilibre intérieur.

Une école sélective

13 janvier, journée nationale de l’hypersensibilité
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‘’Si je n’avais pas eu cette exposition à une diversité raciale, culturelle peut être que ma carrière internationale n’allait pas marcher. Je n’ai pas eu ce complexe. (…) pourtant les sœurs faisaient partie de cette administration coloniale, mais elles ont dépassé cela pour provoquer en nous un sentiment de fierté. Elles nous ont libérés de ce sentiment colonial’’, raconte-t-elle, estimant avoir bénéficié d’un enseignement sélectif malgré sa classe sociale modeste.

‘’C’était une école destinée aux enfants des colons blancs, des gens qui étaient dans les mines à Taïba, dans l’arachide, mettaient leurs filles au pensionnat. Une école très sélective. J’ai connu la sélection pour des raisons raciales, puis pour la qualité de l’enseignement. Sans être d’une origine sociale élevée, j’ai pu profiter de quelque chose que peu d’Africains avaient. Ceci m’a permis d’avoir un niveau d’éducation qui dépassait la normale’’, témoigne Marie Angélique Savané,

Plaidoyer pour plus de subventions de l’Etat pour les Sœurs

Immaculée conception, une tradition familiale chez Marie Angélique Savané
Immaculée conception, une tradition familiale chez Marie Angélique Savané

Elle constate que la formation dispensée par les Sœurs est diversifiée, car on retrouve dans la vie active des anciennes de l’Immaculée, des banquières, des médecins, ingénieures, des gens dans la communication, etc.

Mme Savané plaide pour plus de subventions de l’Etat pour les Sœurs vu les résultats produits depuis toujours.

‘’Les Sœurs ont donné leur vie au service des autres, de l’épanouissement des enfants et quand on a cela comme mission, on s’oublie. Elles suivent les enfants pour qu’elles réussissent’’, précise-t-elle.

Marie Angélique Savané estime qu’aujourd’hui tout est fait pour élever encore le niveau des élèves afin d’avoir de bons résultats, car les Sœurs font des cursus universitaires.

Elle estime que l’expérience des Sœurs doit être multipliée dans les autres établissements publics, car tous sont associés à la marche de l’école, les parents, les élèves entre autres.

Pour elle, l’on doit beaucoup apprendre des Sœurs la discipline. ‘’Elles nous apprennent à maîtriser nos instincts. C’est dans les écoles que l’on doit réapprendre la discipline’’, lance-t-elle.

Mme Savané plaide aussi pour l’ouverture des filières scientifiques et techniques dans les écoles de l’Immaculée conception pour orienter les filles vers ces disciplines.

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