Les marchés hebdomadaires transfrontaliers de Vélingara, dans le sillage de celui de Diaobé dont la renommée s’étend au-delà des frontières du Sénégal, tendent à structurer l’activité économique de nombreuses localités de cette partie méridionale du Sénégal, qui compense son éloignement des centres de décision par l’interpénétration avec des pays comme la République de Guinée et la Guinée-Bissau.
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Marchés Hebdomadaires de Vélingara, moteur de la transfrontaliarité
Les populations ayant durablement souffert de la mise sous cloche des pays concernés et de la fermeture des frontières, en raison de restrictions liées à la lutte contre le Covid-19, les premiers signes d’un retour à la normale dans la circulation des biens et des personnes fait souffler un vent d’enthousiasme espéré depuis plusieurs mois.
Ce vent d’espoir s’accompagne d’une dynamique d’action impliquant les différentes catégories socio-professionnelles, en vue d’une reprise économique générale et salutaire dans cette partie du Sénégal.
Un redémarrage économique qui n’étonne pas à Diaobé, cœur économique par lequel respire la plupart des villages et villes transfrontaliers du Sénégal, de la République de Guinée et de la Guinée-Bissau.
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L’affluence des grands jours se constate à Dialadiang également, dont le marché hebdomadaire a déjà repris ses activités, à 2 Km de Missirah, premier village de la République de Guinée, Kankéléfa, en Guinée-Bissau voisine, se trouvant à 15 km.
‘’Notre marché hebdomadaire a bien repris. Créé en 2007, il se tient chaque lundi et profite beaucoup de notre situation géographique entre les trois pays, où la circulation en temps normal, reste très intense. Ici, si tout est normal, le commerce, les échanges marchent fort’’, déclare Coly Baldé, président du comité de gestion dudit marché.
Une alternative à l’éloignement des centres urbains
‘’Ce marché nous avantage énormément, car nous sommes trop loin des grandes villes comme Vélingara (chef-lieu de département). Notre satisfaction est liée au fait que malgré la distance, les commerçants des trois pays viennent en nombre. Ils ont juste été freinés par le coronavirus, suivi de la fermeture des frontières, du couvre-feu, mais surtout la fermeture prolongée de notre frontière avec la République de Guinée’’, a ajouté Coly Baldé.
Les étals de ce marché hebdomadaire frontalier sont bien achalandés en divers produits de consommation principalement, mais aussi en matériel de construction, bétail, vêtements.
Les recettes tirées de la collecte de la patente sont reversées à Paroumba, commune rurale de plus de 16 000 habitants répartis dans 33 villages dont Dialadiang.
Paroumba est desservie par deux pistes latéritiques d’une distance de 40 km, qui débouchent sur la route nationale numéro 6, qui va de Tambacounda (est) à Ziguinchor (sud) en traversant les villes de Vélingara et de Kolda.
‘’Lorsque nous avons décidé de lancer ce marché hebdomadaire frontalier, nous avons passé des annonces publicitaires dans plusieurs radios et par divers supports de communication, pour toucher une grande cible. Cette stratégie nous a permis de mieux faire connaître partout, l’existence et les atouts de ce marché’’, dit Coly Baldé.
Un marché tributaire de l’ouverture des frontières
‘’La bonne forme de notre marché dépend en grande partie de la fluidité de la circulation entre nos trois pays. Franchement si tout est ouvert, nous sortirons gagnants de notre initiative. C’est une offre d’activités réelle’’, avance ce notable de Dialadiang.
Le domicile de Coly Baldé, situé juste en face du poste de police, à moins de deux kilomètres du premier village guinéen, ne désemplit jamais. De fait, il dit héberger régulièrement de nombreux étrangers, en transit vers les deux Guinée.
Dans la cour de sa maison, des motos, bidons d’essence et autres bagages de fortune appartenant à des groupes de passagers renseignent sur sa grande hospitalité.
Dans cette partie du département de Vélingara, ‘’nous avons au moins neuf marchés hebdomadaires fortement fréquentés par les populations de cet espace de la sous-région’’, renseigne le journaliste Moussa Sibo Mballo, directeur de la radio communautaire ‘’Sewndé FM’’, basé à Vélingara et ‘’très suivie’’ au Sénégal mais aussi en République de Guinée et en Guinée-Bissau.
Il était donc à craindre que la sécurité soit un problème dans une zone transfrontalière directement impactée par l’instabilité politique dans les pays voisins et les conséquences d’une rébellion qui troublait la vie des régions du sud du Sénégal depuis le début des années 1980. Il n’en est rien, si l’on en croit Coly Baldé.
Une synergie entre l’Armée et les populations
‘’Le plus intéressant’’, dit-il, c’est que les forces de sécurité – militaires, gendarmes et policiers positionnés à la frontière ‘’travaillent en parfaite synergie’’ avec les populations locales.
Selon Coly Baldé, qui sert souvent de guide aux journalistes en déplacement dans la zone, les forces de défense et de sécurité effectuent régulièrement leurs patrouilles, en associant les populations locales, dans le cadre de leur mission de sécurisation des frontières sénégalaises.
Les femmes ne sont pas en reste dans cet élan collectif de résilience, bien qu’elles soient la plupart du temps sans moyens ni matériel de production, handicap compensé par une bonne organisation.
Aïssata Boiro Baldé, conseillère municipale de la commune de Paroumba, a par exemple encadré des femmes regroupées en Groupements d’intérêt économique (GIE) pour dérouler des activités génératrices de revenus.
L’argent gagné par Mme Baldé et ses compagnons, après la commercialisation de leurs récoltes, sert à acquérir du matériel ménager (marmites, ustensiles de cuisine) et des chaises ensuite louées aux organisateurs d’évènements.
Les sommes ainsi récoltées sont constituées en un fonds dans lequel le GIE puise pour accorder des prêts à ses membres se trouvant dans le besoin de financer leurs activités, ‘’moyennant un intérêt pas trop contraignant’’, explique Mme Baldé.
Le récépissé, un casse-tête pour les femmes
Elle déplore toutefois qu’à l’instar de la plupart des associations de la commune de Paroumba ou de cette zone frontalière en général, son GIE a du mal à se prévaloir sur le plan légal faute de documents administratifs.
‘’Depuis 2012, nous avons fondé notre groupement d’intérêt économique, mais jusque-là, nous n’avons pas de récépissé. Nous avons l’argent, mais nous ne maîtrisons pas les procédures administratives. Dakar est très loin, et au niveau local, les autorités semblent être préoccupées par plus urgent que notre doléance’’, a-t-elle indiqué.
Avec la reprise des activités et du trafic routier, les femmes de la zone ont retenu d’organiser des dépôts collectifs de dossiers en vue de disposer de leurs récépissés.
Plus généralement, les populations et l’administration territoriale locale comptent aussi sur les partenaires techniques et financiers pour relancer la machine de l’économie après la réouverture complète des frontières guinéennes.
Dans cette optique, des partenaires de Paroumba ont promis à plusieurs villages de cette commune de les aider à foncer des puits modernes.
‘’Avec ces puits modernes, bien équipées, nos populations pourront s’investir dans le maraîchage et produire en grande quantité pour la consommation locale d’abord, mais aussi pour vendre au marché hebdomadaire sous-régional de Diaobé, à 50 Km de là’’, relève Hading Kandé, maire de Paroumba qui a récemment reçu les partenaires en question.
‘’Ce sera une source de revenus importante’’, à travers le maraîchage, ajoute l’édile.
Un accord pour rouvrir la frontière
Les acteurs économiques sont dans des dispositions de reprendre leurs activités, ‘’comme par le passé. Tous les secteurs étaient bloqués. Si la route est grandement ouverte et que tout le monde circule librement, ce sera l’effervescence habituelle’’, estime le journaliste Moussa Sibo Mballo.
‘’Les populations considèrent ces trois pays comme un village planétaire, elles ne voient pas de frontières’’, analyse le journaliste selon lequel la fermeture de la frontière de la République de Guinée a été un facteur de blocage.
Le Sénégal et la Guinée ont conclu, le 19 juin 2021 à Accra, au Ghana, un accord de coopération militaire au terme duquel les deux pays s’engagent à rouvrir leur frontière.
Neuf mois plutôt, l’ancien président guinéen Alpha Condé avait décidé unilatéralement de fermer sa frontière avec le Sénégal, officiellement pour des raisons sécuritaires.
L’accord de coopération militaire et technique paraphé par les deux pays tourne autour de la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière, le renseignement et des patrouilles mixtes.