Mbakhana (Saint-Louis) : A la découverte de la première usine à vapeur d’eau d’Afrique noire

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Mbakhana, un village de la commune de Gandon (région de Saint-Louis), a accueilli, dans les années 1880, la première usine à vapeur d’eau en Afrique noire afin d’approvisionner, en eau potable, Saint-Louis, pendant 67 ans. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’un bâtiment en ruine qui menace de tomber. Le site, dans un état de délabrement assez avancé, est abandonné et exposé aux effets dévastateurs du temps.

Mbakhana (Saint-Louis) A la découverte de la première usine à vapeur d’eau d’Afrique noire

Ancien château du gouverneur du sénégal La « Folie » abandonnée du Baron Roger à Richard-Toll
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Nichée à côté des dunes de sable qui s’élèvent fièrement en plein cœur de la forêt de la paisible commune de Gandon, à 12 km de Saint-Louis, Mbakhana porte encore les vestiges de son passé.

Le village, qui a abrité la première usine à vapeur d’eau en Afrique, a la forme d’une savane avec ses marigots, ses lacs, cette fraîcheur humide impuissante face aux vagues de chaleur.

Il faut abandonner le véhicule et progresser encore sur la terre fine, aux allures de carrière, entre les pieds de manguiers et des palmiers, pour prendre la direction de l’usine.

Au bout d’une piste mal dégagée, se dresse la demeure de Mamadou Keita dit Iba. Il se passionne à expliquer l’histoire de cette infrastructure qui permettait d’étancher la soif des habitants de l’ancienne capitale du Sénégal.

Dans une grande concession, aux bâtiments dépourvus de peinture, le notable à la chevelure blanche, radio scotchée à l’oreille, accepte volontiers de trainer délicatement sa silhouette à l’aide d’un morceau de bois, pour braver la chaleur et nous conduire sur l’un des sites classés patrimoine historique par le Sénégal.

Une bonté qui frise la naïveté

Des Belges ont promis de réhabiliter le site de l’usine
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Natif de la commune, Iba Keita, qui accuse le poids des années, est d’une bonté qui frise la naïveté.

Visage ridé, il est joyeux comme une drille lorsqu’il évoque le passé et le présent de l’usine.

Dans cette partie du département de Saint-Louis, sur la route qui mène à Dagana et parsemé de cours d’eau, le souffle humide du vent se heurte à une température qui déshydrate le corps.

Mbakhana, non loin du village de Ndiawdoune, contigu à Diama, est composé de quelques maisons en dur.

Fermeture des deux joyaux, un coup dur
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Il faut prendre la droite du rond-point de Diama, à côté des vastes champs de pommes de terre des Grands domaines du Sénégal (Gds) pour entrer dans ce village peuplé de Wolofs et de Peuls.

Mbakhana ressemble à une immense carrière truffée d’arbres, l’élégance d’une vierge et la forme d’un site en pleine urbanisation.

Château d’eau, poteaux électriques et paraboles décorent l’endroit qui a abrité la première usine à vapeur d’eau d’Afrique noire.

Mais, comme pratiquement tous les édifices de l’époque coloniale, l’usine garde encore son imposante posture devant la forêt dense qui l’étouffe.

Mbakhana (Saint-Louis) A la découverte de la première usine à vapeur d’eau d’Afrique noire
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Située à quelques mètres du fleuve, elle est devenue un bâtiment sombre et décati qui manque d’entretien. Par conséquent, des pans de murs lâchent et se détachent.

La rouille a fini de ronger le fer du portail. Les rats s’y prélassent. Les animaux domestiques y errent, notamment les chèvres qui ont érigé ce monument en lieu de repos.

« Il y avait des tuyaux qui aspiraient l’eau. On puisait dans le lac pour refouler l’eau traitée à Bango où, en période d’hivernage, l’eau était salée. Il y avait une usine à Bango qui recevait l’eau de Mbakhana et qui était immédiatement, après traitement, envoyée à Khor qui avait des châteaux d’eau. À partir de là, toute la région de Saint-Louis était desservie en eau potable », relate Iba Keita.

67 ans de mise en service

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Aujourd’hui, la ville de Saint-Louis s’approvisionne en eau potable à partir de la réserve d’eau douce de Bango, alimentée par des défluents du delta du fleuve Sénégal.

Et, Mbakhana se morfond dans son passé piétiné. Sur une stèle fixée au mur de l’ancienne usine, le message suivant a été gravé : « Sept mois par an, lors de la décrue du fleuve Sénégal, l’île de Saint-Louis se retrouve entourée d’eau salée. Jusqu’au milieu du 19e siècle, l’eau douce destinée aux habitants était alors apportée par un bateau-citerne qui la prélevait assez loin en amont du fleuve.

En 1859, Faidherbe fut le premier à entreprendre la réalisation d’un projet destiné à transformer le marigot de Kassak, au Nord-Est de Saint-Louis, en un réservoir naturel d’eau douce.

Mbakhana Usine vapeur
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Après divers aléas, ce projet fut finalement mené à bien par le Gouverneur Brière de l’Isle. Une première usine fut construite à Mbakhana. Elle était équipée de deux machines à vapeur avec leurs chaudières et leurs pompes.

L’eau du marigot était refoulée sur la ville par une conduite longue de 17 km, traversant le fleuve au moyen d’un siphon. Ainsi, les machines furent construites en 1882 et l’usine va entrer en activité en 1885 ».

Mais, les usines de Mbakhana ne sont plus ces magnifiques monuments, entourés de somptueux jardins, à côté des masses d’eaux. Le temps a mis leur âme en errance pour enfouir leur superbe dans les méandres de la déchéance.

Fenêtres défalquées, murs fissurés, tuyaux vétustes…

Mbakhana (Saint-Louis) A la découverte de la première usine à vapeur d’eau d’Afrique noire
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Les deux poteaux en fer qui se chargeaient de propager la fumée sont toujours debout, mais portent les stigmates de la vieillesse. C’est un endroit qui menace de s’affaisser.

« Vous voyez qu’on utilisait du bois pour faire fonctionner la machine à vapeur où on mettait l’eau du fleuve », explique Iba Keita, la mort dans l’âme en voyant le site dans cet état.

« Tout le matériel venait de France, mais les montages ont été réalisés à Mbakhana. Comme les bateaux ne pouvaient pas accéder à notre village, depuis Saint-Louis, on les transportait à travers des pirogues pour les acheminer ici », précise le sexagénaire, nostalgique.

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Laissé à l’abandon dans la brousse, depuis sa fermeture en 1952, après 67 ans de mise en service, l’usine de Mbakhana possède toujours sa désuète cheminée, haute de 18 mètres et les machines sont dans un état cahoteux car, martyrisées par l’usure.

N’empêche, le village, comme Dékheulé avec le mausolée de Lat Dior ou encore la statue de Ndatté Yalla à Dagana, garde son histoire, ses petits secrets que l’histoire lui a réservés. En attendant peut-être une réhabilitation.

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