4.3 La politique à l’égard du français

Le Cap-Vert a également développé une politique d’enseignement du français langue seconde. Rappelons que le Cap-Vert est membre des Sommets de la Francophonie depuis 1996, donc à l’Organisation internationale de la Francophonie (en portugais: Organización Internacional de la Francofonía), et qu’il a adhéré à l’Agence intergouvernementale de la Francophonie en décembre 1996. Comme ses pays voisins, tels que la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée, le Maroc, etc., sont des États francophones, le gouvernement a cru bon de promouvoir, dès 1995, l’enseignement du français comme langue seconde obligatoire. Pour l’année scolaire 2000-2001, les grands objectifs sont (1) la promotion du français dans le système scolaire et hors-système scolaire, (2) l’appui aux associations franco-capverdiennes et à la Commission nationale de la francophonie. Dans le cadre du système scolaire, les objectifs visent à augmenter le nombre de professeurs de français  qualifiés, de promouvoir la qualité de l’enseignement de la langue française et d’augmenter le «public bénéficiaire». 

Pour les élèves entrant à l’école secondaire, l’enseignement du français est obligatoire. Les élèves commencent l’apprentissage d’une langue vivante en 7e année (1re année de l’enseignement du secondaire). Cette langue peut être soit l’anglais soit le français, mais 50 % des élèves choisissent le français. En 9e et 10e année, les élèves commencent l’apprentissage d’une deuxième langue étrangère en fonction de leur choix initial. En 11e et 12e année, le français est obligatoire dans la filière humanités (lettres) et optionnel dans les autres programmes.

1999-20002000-20012001-20022002-2003
1er et 2e cycleEffectif global46 32653 13958 74463 150
Enseignement du français34 74439 85444 05847 362
3e cycleEffectif global5 2108 47212 09714 760
Enseignement du français17192 7953 9924 570

En dehors du système public, des cours pour enfants et adultes ont lieu sur les îles de Santiago (à Praia, à Assomada et à Tarrafal), de Fogo et de Maio. Des cours «à objectif spécifique» sont même organisés dans des institutions ou dans des entreprises. Par ailleurs, les télévisions (Canal France International: CFI) et radio (Radio France International: RFI) proposent dans leur programme un enseignement du français.

Dans une intervention à la radiotélévision nationale, le 20 mars 1995, l’ancien président Antonio Pedro Monteiro Lima déclarait assez clairement que la politique gouvernementale était d’ancrer la francophonie dans la réalité capverdienne:

Il ne s’agit pas d’une commémoration qui ne nous regarde pas ou qui nous est totalement étrangères, à nous Capverdiens, […] à la veille du 3e Congrès des cadres de la diaspora, il ne saurait s’agir d’une hérésie de dire, ici, qu’en dehors du créole le français est la seconde patrie linguistique de toute une génération de Capverdiens d’outre-mer, fruits des migrations vers les terres du destin de la capverdianité. […] Au delà d’autres dimensions culturelles et d’autres espaces linguistiques, nous appartenons de plein droit à la Francophonie et ce n’est pas un hasard si nous participons à ses manifestations et si nous avons adhéré à son organisation internationale.
Cap-Vert, República de Cabo Verde 1

L’État capverdien pratique une politique linguistique qui s’apparente à la non-intervention en ce qui concerne le portugais, sauf pour les relations internationales où l’État a adopté la politique des pays de la lusophonie. Quant à la langue nationale, le créole capverdien, la politique en est encore à ses débuts. Outre le fait de promouvoir le créole par des dispositions peu contraignantes, il reste tout à faire pour parvenir à une co-officialité dans les faits. En ce sens, la politique du Cap-Vert à l’égard du créole ressemble à celle de Haïti : un symbole qui ne se traduit pas dans les faits.

On ne peut pas dire que le Cap-Vert soit un État officiellement bilingue. En tout cas, ce bilinguisme ne s’est pas transposée dans l’appareil de l’État et reste déséquilibré dans les domaines sociopolitiques et socio-économiques. Malgré son statut de langue nationale, le créole capverdien n’apparaît pas davantage comme un idiome prestigieux. La société capverdienne n’est pas une société bilingue (moins de 20 %), mais l’État l’est, de même qu’une petite élite. Il s’agit donc d’un bilinguisme qui semble favoriser indûment le portugais aux dépens du créole, langue de la quasi-totalité de la population. Bref, le Cap-Vert, comme bien d’autres pays d’Afrique, est resté à un stade colonial, mais à avec cette différence que tout le pays parle une même langue, le créole fragmenté en diverses variétés favorisées par l’insularité de ses locuteurs. 

Pour que le Cap-Vert se dote d’une véritable politique linguistique équilibrée, il lui faudrait faire entrer le créole dans les domaines de prestige et poursuivre un bilinguisme équilibré, avec comme condition préalable la standardisation de la langue. À l’heure actuelle, la politique linguistique capverdienne ne concorde pas avec l’article 9 de la Constitution qui a formellement reconnu le créole comme l’une des langues officielles de pays. Mais tous les espoirs sont permis, car le pays compte une population relativement scolarisée avec un taux de scolarisation à l’école primaire de 93 % (en 2011), selon l’UNESCO. En dépit de sa nation fragmentée, le pays existe bel et bien au-delà de ses particularismes insulaires.

Dernière mise à jour: 07 déc. 2016
BibliographieCARDOSO, Sílvia. «A Educação e o Ensino em Cabo Verde: desafios e perspectivas» dans [http://www.geocities.com/visao_crioula/pag6.html].ENCYCLOPÉDIE ENCARTA 2004, art. «Cap-Vert», pour la partie historique.ENDERS, Armelle. Histoire de l’Afrique lusophone, Paris, Éditions Chandeigne, 1994, 158 p.FAULSTICH, Enilde. «La Communauté des pays de langue portugaise: une manifestation du plurilinguisme» dans Colloque international «La diversité culturelle et les politiques linguistiques dans le monde», Québec, 24-25 mars 2001, Université Laval.KÖSTER, Dietrich. «Kapverden – Die soziale und politische Rolle des Kapverden-Kreols», Bonn, janvier 2011,    [http://www.colonialvoyage.com/de/kapverden-kreol-die-soziale-und-politische-rolle-des-kapverden-kreols/].MILAM, «Le Portugal et l’Afrique, brève histoire d’un empire», sans lieu,
[http://perso.club-internet.fr/antman/portugal/port-afr.html].SOMBRA SARAIVA, José Flávio. CPLP Comunidade dos Países de Língua Portuguesa, Brasilia, Instituto Brasileiro de Relações Internacionais (IBRI), 2001, 203 p.VIGNOL, Philibert. «La langue portugaise: d’un trophée de guerre à une langue nationale», Nantes, publication interne de l’Université de Nantes, 1997.TABUCCHI, Antonio. «Suspecte « lusophonie »», dans Le Monde, Paris, 17 mars 2000.TORQUADO, Clovis Porto. «As políticas linguísticas oficiais em Cabo Verde pós-Independência: a construção da nação» dans Revista Letras, Santa Maria (Bréail), v. 21, no 42, janvier-juin 2011, p. 151-184.
Cap-Vert, República de Cabo Verde 2

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici