La conférence de Berlin en 1885 c’est aussi la marque mythique ou mystique du partage de l’Afrique. En 1884-1885, sous l’impulsion de Bismarck, les représentants de 14 gouvernements se réunissent à Berlin pour une conférence durant laquelle s’opère le « partage de l’Afrique » entre les puissances coloniales. Quelle place tient, en réalité, cette conférence dans l’histoire de la colonisation ?

Le 21 février 1885, le lecteur curieux des affaires internationales sur plonge dans les pages que le journal Le Figaro consacre aux informations étrangères.

Il y est question de la guerre avec la Chine, une guerre entre la République française et la dynastie Qing qui dure depuis 4 ans déjà. Le lecteur apprend que la France n’a rien à redouté des Chinois.

Puis, autre nouvelle, il est question de la clôture de la conférence qui se tient à Berlin depuis plusieurs mois : « La Conférence a terminé ses travaux. Quelques délégués ont déjà quitté Berlin. La question du Congo est réglée.

La France a-t-elle retiré quelque avantage de ces longs mois de négociations non interrompues ?

La question est d’importance. Il est question de territoires concédés, d’autres récupérés, de compensations, du tracé de nouvelles frontières, mais les préoccupations demeurent européennes : « M. de Bismarck voudrait que la guerre ne puisse jamais être portée sur le grand fleuve africain, quand bien même les puissances qui détiennent ses rives seraient en état d’hostilité ouverte en Europe et dans le monde entier ».

Cette manifestation de la pensée pacifique de l’homme qui a soutenu les plus grandes guerres des temps présents n’est-elle pas curieuse à enregistrer ? »

Les grandes guerres du temps présent sont évoquées, mais du malheur des populations africaines pour les temps futurs, il n’en est pas question…

Avec Isabelle Surun, professeure à l’Université de Lille, membre du laboratoire IRHiS (Institut de recherches historiques du Septentrion), spécialiste d’histoire de l’Afrique subsaharienne et de la colonisation. Elle est rédactrice en chef d’Outre-Mers.

Revue d’histoire, publiée par la Société française d’Histoire d’Outre-Mers et notamment autrice de Dévoiler l’Afrique ?

Lieux et pratiques de l’exploration, Afrique occidentale, 1780-1880 (Éditions de la Sorbonne, 2018). Elle a dirigé La France et l’Afrique 1830-1962 (Atlante, 2020) qui sortira prochainement.

Avec nous aussi, dans le cadre de notre partenariat avec le magazine L’Histoire, Valérie Hannin sa directrice de rédaction, pour nous parler du numéro de novembre 2020, intitulé, 1885 : conférence de Berlin, le partage de l’Afrique.

La conférence de Berlin n’est pas le partage de l’Afrique

La conférence de Berlin avait avant tout pour objectif pour le chancelier Bismarck d’assurer la liberté du commerce, la liberté de la navigation sur les grands fleuves africains, le Niger, le Congo qui faisaient entrevoir à cette date de leur immense richesse.

On avait aussi des objectifs humanitaires : supprimer la traite, supprimer l’esclavage, tout ce qu’apportait la civilisation.

Il n’était absolument pas question d’appropriation de territoire et certainement pas dans tout cet immense bassin du Congo. Or, c’est pourtant ce qui s’est passé dans les années suivantes.

C’est cela que nous avons voulu interroger : Comment s’est fait ce terrible engrenage, quelles ont été les acteurs et leurs jeux qui ont amené à cette appropriation de tout un territoire ? Valérie Hannin

Une Afrique intérieure méconnue des Européens

Vers la fin du XVIIIe siècle les Européens ont constaté qu’ils ne connaissaient presque rien de l’intérieur du continent et c’est le moment où ils ont commencé à lancer de grandes expéditions, grande par les dimensions géographiques mais pas tellement par le nombre d’hommes envoyés.

Il y a des sociétés de géographie qui se créent, celle de Paris en 1821, Celle de Londres en 1830, et avant cela L’African Association qui est fondée à Londres en 1788 et qui commence à envoyer des individus par petits groupes, 2 ou 3 personnes.

C’est d’abord l’Afrique occidentale qui les intéresse, le mythe de Tombouctou par exemple : atteindre Tombouctou et revenir, c’est un objectif.

Tout comme de savoir dans quel sens coule le Niger car les cartes européennes à cette époque-là ne sont pas du tout claires sur la question d’autant qu’au XVIIIe siècle on a vidé les cartes de leur contenu.

Ce qui change c’est que les Européens décident de remplir la carte de l’Afrique dont ils seraient eux-mêmes les auteurs, c’est-à-dire de ne remplir que les espaces vus par des yeux européens, le savoir par ouï-dire est disqualifié. Valérie Hannin

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